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Droits de l''enfant

Maroc: la chape de la tradition et de la pauvreté

Il y a quelques mois le Maroc a pris l'engagement d'abolir les formes les plus extrêmes du travail des enfants, avec l'ambition à plus long terme de permettre à tous les enfants de reprendre le chemin de l'école. Une petite révolution qui se heurte aux schémas traditionnels - c'est en travaillant jeune qu'on apprend le mieux- et à l'impérieuse nécessité des parents pauvres de faire travailler leurs enfants pour survivre.
Reporteur, 1ère partie
Laurent Berthault, 15 novembre 2001, 15 min

Reporteur, 2e partie
Laurent Berthault, 19 novembre 2001, 15 min


Quartiers des dinandiers dans la mythique médina de Fès. L'air résonne du martèlement continu du fer contre le métal, plaques de cuivre, d'étain ou d'argent qui sous la massette du Maalem (artisan) se métamorphosent en théière, en plateau.

Dans l'entrelacs des ruelles, au fin fond de la casbah, un atelier sombre et crasseux. De vieilles machines verdâtres entraînées par des courroies élimées grondent et font vibrer le sol tapissé de particules métalliques. Le visage grave, des enfants manient les pièces à quelques centimètres d'essieux qui tournent à grande vitesse, présentent des plaques qui sont aspirées puis aplaties par d'énormes rouleaux. Aucun dispositif de sécurité, aucune manette d'arrêt d'urgence. En France, un inspecteur du travail ordonnerait la fermeture immédiate. Ici, pourtant, nous sommes dans un atelier modèle.

Apprendre à lire et à écrire, un vrai privilège

Car quelques heures par semaines, ces apprentis ont un immense privilège. Juste en face de l'atelier, au premier étage, le président de l'association des dinandiers M. Bennani nous accueille avec fierté dans le centre qui vient d'être ouvert grâce à l'UNICEF. Une petite salle de classe et une infirmerie aux murs immaculés. Apprendre à lire et à écrire, voir un médecin de temps en temps, c'est un progrès considérable pour ce patron rondouillard qui lui n'a jamais pu aller à l'école, contraint de marteler et marteler encore pour apprendre le métier et faire vivre sa famille.

Malgré ces conditions de travail moyenâgeuses, l'UNICEF se réjouit pourtant du programme mis en place avec ces artisans. Avoir un pied dans ces ateliers, explique Rajah Berrada, c'est permettre de mettre les enfants à l'abri des tâches les plus dangereuses pour leur santé. Toute la difficulté consiste à ne pas heurter de front ces artisans «éclairés» dans leur tradition et leur certitude. L'UNICEF ne désespère pas. Tout cela se fera «b'chouïa b'chouïa», petit à petit.



par Laurent  Berthault

Article publié le 20/11/2001