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Union européenne

Blair regrette les «rendez-vous manqués»

Le premier ministre britannique Tony Blair, qualifiant de «tragédie» le fait que son pays ait toujours été à la traîne de la construction européenne, a appelé vendredi ses compatriotes à ne pas manquer le rendez-vous de l'euro. Le même jour se tenait à Nantes un sommet franco-allemand consacré à l'avenir de l'Europe.
«En être ou ne pas en être», telle est la question que veut trancher Tony Blair. Las des hésitations, des atermoiements liés à l'euroscepticisme traditionnel des dirigeants britanniques, le Premier ministre a appelé son pays à ne pas répéter la «tragédie» des «occasions manquées». L'Europe, selon lui, est une expérience positive dont son pays n'a pas su bénéficier. A chaque étape de la construction européenne, Londres a laissé faire, sur le mode très britannique du «wait and see» (attendons de voir), ne rejoignant les autres qu'avec retard, et «finalement, au milieu des années 70, nous sommes devenus membres à part entière d'un club dont les règles avaient déjà été établies quelque vingt ans plus tôt».

Aujourd'hui, Tony Blair veut faire entrer la Grande-Bretagne dans la monnaie unique. Dans son discours, prononcé vendredi à Birmingham devant l'Institut de recherche économique, le chef du gouvernement travailliste a vanté les mérites d'une adhésion britannique à l'euro, certes de façon implicite et conditionnée, mais avec détermination.

Dénonçant les «illusions» au nom desquelles son pays est jusqu'ici resté «à la traîne», il a joué sur les deux registres préférés des Britanniques: les relations avec les Etats-Unis et le patriotisme. C'est en entrant dans la zone euro que la Grande-Bretagne pourra y exercer son influence, et «faire pression en faveur de réforme et de la modernisation économiques (...) Ceci est crucial pour le succès de l'avenir de l'Europe et, également, de l'euro (...) L'Europe est indiscutablement dans l'intérêt national de la Grande-Bretagne», cette dernière ayant un «rôle puissant à jouer en tant que pont entre les Etats-Unis et l'Europe».


Le plus europhile des Premiers ministres britanniques


Evoquant, comme il l'a fait plusieurs fois ces dernières années, la possibilité d'un référendum sur la monnaie unique, Tony Blair a déclaré que dès lors que les conditions économiques seront réalisées, «des obstacles politiques et constitutionnels ne doivent pas nous empêcher de rejoindre (la zone euro). Et bien sûr, la décision ultime reposera entre les mains du peuple», sans toutefois fixer d'échéance. Quelques heures avant son discours, le ministre aux Affaires européennes Peter Hain avait démenti l'information du journal populaire The Sun avançant la date de 2005.

Tony Blair, sans doute le plus europhile des Premiers ministres britanniques, a donc choisi le cap qu'il veut fixer à son pays. Il espère bien convaincre ses compatriotes qui, dans leur majorité, restent très hostiles à toute forme de supranationalité. Ce ne sera pas simple, même si, ces derniers mois, des sondages ont semblé révéler une baisse de l'europhobie britannique. Cela dépendra aussi de la capacité qu'aura l'Union européenne à se réformer. Si elle s'oriente vers l'intégration politique, les Britanniques risquent de renouer avec leur méfiance, voire leur hostilité traditionnelles. Si, au contraire, elle se dilue progressivement dans une zone de libre échange élargie à l'est, la Grande-Bretagne pourrait s'y sentir à l'aise.

Pour l'instant, l'Europe hésite. Quelques heures après le discours de Tony Blair, l'Allemagne et la France se réunissaient à Nantes (côte ouest) pour leurs 78ème sommet. Les deux partenaires, dont l'entente est censée être le moteur de l'Europe, ont tenté de dissiper une ambiance européenne rendue morose par leurs divergences sur la réforme de l'Union et par leurs cavaliers seuls sur la crise afghane. Dans une déclaration commune à la tonalité annoncée comme «ambitieuse», Jacques Chirac et Gerhard Schroeder se sont prononcés, entre autres, pour une «Constitution européenne» qui sera «une étape essentielle dans le processus historique d'intégration européenne», et pour «une clarification des fonctions législatives et exécutives» au sein de l'Union européenne.

Autant de promesses, pour ne pas dire de voeux pieux, qui devront se confronter à la réalité dès la mi-décembre prochain, au sommet européen de Laeken (Belgique), où doit être lancée la réforme des institutions, prévue à l'horizon 2004. Sachant que c'est cette nécessité de réformer l'Europe qui avait conduit, il y a un an, au calamiteux traité de Nice, résultat d'une foire d'empoigne dominée par les égoïsmes nationaux, ce nouveau chantier ne s'annonce pas de tout repos. Et le résultat est loin d'être garanti. Si l'on ajoute à cela la mise en place de l'euro le 1er janvier prochain, c'est bien une période cruciale qui s'ouvre pour l'Union. Du succès ou non de la monnaie unique dépendra l'adhésion ou la défiance de l'opinion britannique.




par Philippe  Quillerier-Lesieur

Article publié le 23/11/2001