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Transports

Feu vert au troisième aéroport parisien

Lionel Jospin a tranché : un troisième aéroport international sera construit, à l'horizon 2020, pour desservir la capitale française. Cette décision alimente une polémique déjà engagée depuis plusieurs mois, non seulement autour du choix du site, mais aussi concernant la nécessité de construire une nouvelle plate-forme.
C'est finalement les alentours de la petite ville de Chaulnes, dans la Somme, qui devraient accueillir vers 2020 le troisième aéroport international destiné à desservir Paris. Le choix de ce site qui avait tout le soutien du ministre des Transports, Jean-Claude Gayssot, a été confirmé jeudi 15 novembre par le Premier ministre français, Lionel Jospin. Situé à 125 kilomètres au nord de la capitale, Chaulnes se trouve sur le trajet de l'autoroute A1, à mi-chemin entre Paris et Lille. Ce site peut être relié au TGV nord grâce à une gare déjà existante. L'aéroport devrait de plus fonctionner en bipôle avec Roissy grâce à une liaison de train à grande vitesse d'à peu près trente minutes. Autre argument mis en avant par les défenseurs du projet : parmi les huit sites en compétition, celui de Chaulnes est le moins peuplé.

La décision annoncée jeudi par Lionel Jospin est loin de faire l'unanimité. Au sein même du gouvernement, le ministre de l'Environnement, Yves Cochet, n'a cessé de remettre en cause la nécessité même de construire une nouvelle plate-forme aéroportuaire dans les environs de Paris. Selon lui, l'augmentation du trafic prévu pour les prochaines années pourrait être absorbée par les deux aéroports déjà en service, Roissy et Orly, si, en parallèle, les aéroports de province et les liaisons de trains à grande vitesse étaient développés. C'est pourtant surtout pour faire face à un afflux accru de passagers que l'ouverture d'un nouvel aéroport a été envisagée. Une étude de la direction générale de l'aviation civile (DGAC) estime que, d'ici 2020, il sera nécessaire de relever de 35 millions les plafonds actuels de voyageurs. Roissy qui accueille aujourd'hui 48 millions de passagers par an et Orly par lequel transitent 25 millions de personnes, seraient dans ce schéma engorgés. Cependant, pour Yves Cochet, les chiffres pourraient très bien être largement inférieurs aux prévisions. Le ministre a d'ailleurs estimé : «Si on voit qu'en 2005, 2010, la croissance du trafic n'est pas celle prévue aujourd'hui, on verra. Tout gouvernement devra adapter ses investissements à la réalité».

Trop loin, trop cher ?

A cette polémique, s'ajoute un vrai débat sur le choix de Chaulnes. De nombreux observateurs estiment que la distance entre Paris et cette petite ville de la Somme est bien trop importante (125 km) mais aussi que le coût, que l'on estime entre 40 et 60 milliards de francs, est trop élevé pour qu'un tel investissement soit rentable. Car les compagnies aériennes vont hésiter à aller s'installer aussi loin de Paris. Pour Maryse Arditi, la porte-parole des Verts : «Il y a des solutions moins chères, plus intelligentes, plus sûres. Je parie que celui-là [cet aéroport], s'il est construit une jour, ne marchera pas».

La décision de Lionel Jospin a, d'autre part, provoqué l'angoisse et la colère des habitants et des élus de la région de Chaulnes. Le député-maire UDF d'Amiens, Gilles de Robien a estimé que «c'est le plus mauvais des choix» et que «la région va être sinistrée». Vingt-six élus ont même annoncé qu'ils allaient remettre leur démission pour protester contre cette décision qui devrait mettre en péril la vie de plusieurs villages, entraîner la disparition de terres agricoles très fertiles et hypothéquer les perspectives de développement de l'industrie agro-alimentaire dans la région.

Pour répondre à une partie des critiques apportées depuis déjà longtemps à ce choix, Lionel Jospin a annoncé en parallèle plusieurs mesures. Un plan de soutien aux grands aéroports régionaux sera mis en place et doté d'une enveloppe de 5 milliards de francs sous forme de prêts à taux préférentiels d'une durée de trente ans. Un projet de loi sera d'autre part déposé, au début de l'année prochaine, pour améliorer «la protection des populations riveraines contre les nuisances sonores». Et enfin, le gouvernement s'est engagé à encourager le report d'une partie du fret sur l'aéroport de Vatry dans l'espoir de permettre une diminution du nombre de vols, surtout nocturnes, générateurs de nuisances sonores importantes.

La décision de construire un troisième aéroport est, en effet, en grande partie destinée à répondre à la pression très forte exercée par les riverains de Roissy et d'Orly qui demandent depuis plusieurs années une limitation du trafic sur ces sites. C'est ce qui a fait dire à certains élus de droite, qu'elle était surtout destinée à donner satisfaction aux électeurs franciliens dans la perspective des présidentielles et des législatives de 2002. Pour le député de Paris Gilbert Gantier, «la décision semble surtout répondre à une préoccupation électoraliste car elle est dénuée de tout bon sens. Qui va prendre l'avion à 125 km de Paris ?»



par Valérie  Gas

Article publié le 16/11/2001