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Attentats : la riposte

Kandahar: l’heure de l’après-Taliban

La reddition des hommes du mollah Omar n’est pas exempte d’ambiguïtés à Kandahar alors que les Américains continuent à bombarder Tora-Bora où se serait réfugié Oussama Ben Laden.
De notre envoyé spécial au Pakistan

Alignés les uns derrière les autres ou assis à bord de camionnettes bâchées surmontées d'une mitrailleuse, les Taliban ont commencé à rendre leurs armes aux premières heures du jour vendredi dans leur fief de Kandahar. Pour les réceptionner, une commission composée de commandants de l'Alliance du Nord, de chefs de tribus pachtounes et de dignitaires religieux. Une structure tripartite - dont certains membres sont proches des Taliban - pour éviter que les étudiants en théologie, une fois désarmés, ne soient victimes de représailles comme cela s'était produit à Mazar-e-Sharif.

La reddition de Kandahar sonne donc la fin de la majorité des combats en Afghanistan. Une reddition négociée jeudi entre les Taliban et Hamid Karzaï, le président du nouveau gouvernement intérimaire afghan. Les troupes de ce dernier sont d'ailleurs déjà entrées dans Kandahar. Au terme de ces négociations, Hamid Karzaï a promis une amnistie pour les soldats de la milice intégriste qui sont donc libres de repartir dans leur village.


«Pas de vengeance ni de vendetta»

«Il n'y aura ni vengeance ni vendetta en Afghanistan. Je veux travailler à la paix et à la réconciliation de mon pays», a déclaré un Hamid Karzaï singulièrement optimiste. Le chef suprême des Taliban - le Mollah Mohammed Omar - ne devrait cependant pas bénéficier du même traitement de faveur. Le nouveau président afghan avait affirmé dans un premier temps que lui aussi pourrait être amnistié s'il renonçait au terrorisme avant de se rétracter, probablement sous la pression des Etats-Unis. Les dirigeants américains en effet n'oublient pas que le Mollah Omar a toujours soutenu Oussama Ben Laden et le réseau Al-Qaeda, même après les attentats du 11 septembre. Ils veulent donc le voir capturé et jugé. L'objectif premier des Etats-Unis reste le démantèlement de réseaux terroristes. La chute de Kandahar ne sonne pas la fin de leurs opérations en Afghanistan. Depuis qu'il sait son amnistie improbable, le Mollah Omar - que l'on disait présent à Kandahar - a de nouveau disparu.

Reste que la chute de Kandahar a été accueillie avec joie à Kaboul. Epuisés par vingt-deux ans de guerre, les Afghans veulent croire que leur pays va enfin connaître la paix. Celle-ci n'est cependant pas encore acquise. Certes le régime des Taliban est en pleine décomposition, et les étudiants en théologie ont rendu les armes dans plusieurs villes outre Kandahar. Néanmoins aucune autorité indépendante n'a encore pu vérifier cette reddition, et dans un pays où la tradition et le code de l'honneur veulent que tous les hommes portent un fusil, réactiver une milice combattante n'est pas difficile.

On ne sait pas non plus la quantité d'armes lourdes que les Taliban auraient pu cacher, et certains se demandent si la reddition de Kandahar n'est pas avant tout un repli stratégique de la part des étudiants en théologie. Jusqu'à présent la chute de Kandahar n'a d'ailleurs pas été synonyme de paix, mais plutôt de pillages et de violences par les factions sensées libérer la ville. Enfin les combats se poursuivent autour des grottes de Tora-Bora où se cacherait Oussama Ben Laden. Comme le Mollah Omar, celui-ci n'a toujours pas été retrouvé, et les volontaires arabes qui l'entourent semblent déterminés à se battre jusqu'au bout. Il est vrai qu'ils n'ont rien à perdre, Hamid Karzaï leur refusant toute amnistie et les ayant qualifié au contraire de «criminels qui ont fait saigner l'Afghanistan pendant des années».




par Jean  Piel

Article publié le 07/12/2001