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Jeux

Jeux vidéo et télévision interactive

Dans l’atonie du marché du multimédia, la sortie de nouvelles consoles de jeu vidéo et l’émergence de la télévision interactive fondent l’espoir des professionnels du secteur.
De notre envoyé spécial à Cannes

Engoncé dans son costume-cravate, le jeune homme au teint pâle est en proie à une tension extrême. Derrière les lunettes, les yeux sont rivés sur l’écran de télévision ; les mains sont blanches à force d’être crispées sur une manette de jeux reliée, à quelques mètres de là, à un boîtier de plastique mauve, véritable vedette de ce Milia 2002 : le Gamecube de Ninendo.

La firme japonaise n’a pas lésiné sur les moyens : le Palais des festivals est couvert de calicots représentant le dernier-né de Nintendo, dont le lancement officiel est prévu pour le mois de mai. Cette console surpuissante prend le relais de la Nintendo 64, commercialisée depuis cinq ans. Au même moment, Microsoft rendra publique sa X-Box. Chez Nintendo, on affiche sa tranquillité : le bijou de la compagnie américaine coûtera près du double du prix annoncé par Nintendo : 249 euros, avec une vingtaine de jeux disponibles dès la sortie, au prix moyen de 60 euros.

Ce choc de Titans laisse de marbre les représentants de Sony, qui vivent encore sur le succès rencontré par la PlayStation 2 (PS2, pour les initiés), commercialisée depuis treize mois. «La durée de vie d’une console est d’environ cinq ans, explique Richard Brunois, de Sony. Pour l’instant, si nos ingénieurs travaillent à la prochaine version, nous n’annonçons aucune sortie.» En revanche, Sony insiste sur la polyvalence de sa console qui, conçue pour les jeux, permet également, à la différence des autres, de servir de lecteur DVD pour regarder un film sur la télévision familiale.

Pour l’heure, chacun des fabricants tient à sa propre technologie, strictement incompatible avec la concurrence. A terme, pourtant, il paraît évident à tous qu’un standard commun finira par émerger. De même, si les nouvelles consoles permettent le raccordement de quatre manettes de jeu pour se mesurer à plusieurs, le jeu en ligne, si souvent annoncé, tarde à venir. Ce n’est pas la technologie qui est fautive. En fait, tant la PS2 que le Gamecube (et certainement la X-Box) sont «prêtes» à être raccordées à un modem. Ce qui manque, c’est le marché. «Le nombre de foyers raccordés aux réseaux à haut débit est trop limité et les mentalités ne sont pas encore prêtes, souligne Richard Dunois. Or, le coût de développement d’un jeu en réseau est beaucoup plus élevé que celui d’un jeu de console normal, qui revient déjà à 3 ou 4 millions d’euros. Impossible de l’amortir sur un marché national.» Chacun attend donc le décollage qui finira bien par intervenir, mais qui n’est pas encore au rendez-vous.

L’autre grand thème de ce Milia 2002 est la télévision interactive (ou TVi). Présentée comme l’avenir de la télévision et du multimédia, elle est paradoxalement déjà relativement ancienne dans le paysage. TPS, (Télévision par satellite, bouquet numérique de programmes télévisés transmis par satellite sur abonnement), revendique une pratique remontant à cinq ans. Selon Médiamétrie, les neufs dixièmes des abonnés de TPS recourent aux services interactifs qui permettent de consulter l’état de la circulation routière, de voter et de prendre part à des jeux télévisés (on se souvient de Loft Story !) ou, comme le plus grand nombre, de consulter la météo du jour et du lieu. Certains peuvent même jouer au Quinté en pariant depuis le fauteuil de leur salon tout en pressant sur les boutons de leur télécommande, grâce à un service offert par le PMU. Ils peuvent également, s’ils le souhaitent, envoyer ou consulter des courriels. En option, on peut en effet utiliser un clavier relié au décodeur par infrarouge, ce qui est quand même plus pratique que la télécommande numérique standard.

Le décollage de la télévision interactive

Pourtant, et c’est là une contradiction que la Tvi n’a pas encore réussi à surmonter, l’interactivité est encore relativement limitée, du fait même que les opérateurs visent le plus grand nombre, et non la «niche» relativement réduite des fondus de l’internet et du multimédia. Il faut donc offrir des outils standards, utilisables par tous, comme une télécommande de téléviseur. De surcroît, l’interactivité est limitée aux seuls téléviseurs numériques, qui, pour l’instant, ne représentent que 20 % du parc national des téléviseurs installés dans les foyers français.

Mais les choses pourraient s’accélérer prochainement avec l’introduction en France de la TNT, la télévision numérique terrestre. Annoncée pour la fin 2002, elle verra plus vraisemblablement le jour d’ici la fin 2003, en raison des retards dus à des raisons tant techniques que commerciales et juridiques. Il n’en reste pas moins que le constructeur Netgem présente au Milia le premier «lecteur numérique terrestre» à brancher à son téléviseur actuel. Sur la version de démonstration, on retrouve toutes les fonctionnalités «interactives» déjà présentes sur le câble et le satellite, plus un accès au web. Ce «lecteur» («lecteur» et non «décodeur», car ce dernier terme sous-entend pour le public des services payants alors que la TNT offrira des services gratuits) devrait être commercialisé pour 150 euros d’ici quelques mois.

Reste qu’entre les performances des nouvelles consoles vidéos et les services interactifs proposés par un nombre croissant d’opérateurs, les téléspectateurs risquent d’être écartelés entre des tentations de plus en plus nombreuses. A moins que chaque membre de la famille ait son propre téléviseur, le poste du salon risque bien de devenir, davantage encore que dans le passé, l’enjeu d’âpres batailles familiales dépassant en intensité tout ce que les concepteurs de jeux peuvent bien ajouter à leur catalogue.



par Olivier  Da Lage

Article publié le 09/02/2002