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Commerce

Bush déclenche la guerre de l'acier

Le président américain a provoqué une levée de boucliers en décidant d'imposer pour trois ans des taxes sur les importation d'acier pouvant atteindre 30%.
Après plusieurs semaines de tergiversations et en dépit des nombreuses mises en gardes reçues, notamment d'Europe, le président George W. Bush a décidé de taxer certaines importations d'acier afin de protéger la sidérurgie américaine. Durant trois ans, les produits sidérurgiques importés pourront être frappés de taxes allant de 8 à 30 % de leur valeur. Quelques rares pays, cependant, sont exemptés de ces droits : le Mexique et le Canada, membres avec les États-Unis de l’Alena (zone de libre-échange d’Amérique du nord) ainsi que l’Argentine et la Turquie.

Bien qu'attendue, cette mesure a immédiatement suscité de vives réactions à travers le monde. C’est notamment le cas de l’Europe, dont tous les gouvernements ont vivement dénoncé cette entorse aux règles de l’Organisation mondiale du commerce (OMC). Dans une lettre très mesurée dans la forme, mais ferme sur le fond, le président de la Commission européenne avait par avance adjuré le chef de l’exécutif américain de n’en rien faire. A présent que le locataire de la Maison Blanche a pris ses «mesures temporaires de sauvegarde pour permettre à [notre] industrie de se restructurer», les gouvernements européens, de la Grande Bretagne à l’Espagne, en passant par la France, ont dénoncé cette «mesure protectionniste» contraire aux règles du commerce international.

Le président français Jacques Chirac a souhaité que l’Europe «réagisse vigoureusement» à cette décision. Pascal Lamy, le commissaire européen chargé du commerce, a indiqué que Bruxelles protégerait l’acier européen. L’Union européenne a d’ailleurs fait connaître son intention de déposer une plainte devant l’OMC de façon imminente. Telle est également l’intention du Japon ainsi que celle du Brésil, tandis que la Russie et la Chine dénoncent pour leur part les sanctions américaines.

George Bush se défend en invoquant une clause de sauvegarde, du traité de l’OMC, qui permet effectivement à un pays de prendre de telles mesures à titre temporaire. Mais la jurisprudence de l’OMC s’est jusqu’à présent révélée très défavorable aux pays qui ont pris des mesures unilatérales. En choisissant une durée de trois ans, les États-Unis ont, délibérément ou non, calqué la période des sanctions tarifaires sur celle des négociations commerciales ouvertes à l’issue du sommet de Doha en novembre dernier.

Un choix de politique intérieure

La guerre commerciale qui va résulter de ces taxes va polluer complètement les négociations, Washington ayant, sur ce dossier comme sur d’autre, réussi à faire l’unanimité contre elle, si l’on excepte les rares pays qui sont exemptés de taxes. Mais de nombreux analystes soulignent la dimension de politique intérieure du choix de George W. Bush qui répond à une demande pressante des industriels de la sidérurgie, qui ont fortement contribué au financement de sa campagne présidentielle, ainsi qu’aux syndicats du secteur, autrefois proches du parti démocrate. Or, 2002 est une année d’élections aux États-Unis.

Pourtant, à l’intérieur même du pays, de nombreuses voix s’élèvent contre la décision présidentielle. D’une part, bien sûr, les inconditionnels du libre-échange, mais surtout, beaucoup plus nombreux, les industriels utilisateurs d’acier importé, dont les coûts de fabrication vont se trouver considérablement renchéris, ainsi que les consommateurs, qui ont de sérieuses raisons de croire que ce surcoût sera répercuté sur le prix final des biens de consommation.

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par Olivier  Da Lage

Article publié le 06/03/2002