Mali
ATT peut-il gagner ?
Tombeur du dictateur Moussa Traoré, en 1991, avant de céder démocratiquement la place à Alpha Oumar Konaré, Amadou Toumani Touré a annoncé sa candidature à la prochaine présidentielle. La succession de l’actuel chef de l’Etat malien s’annonce serrée.
Il y a 11 ans, presque jour pour jour, le Mali connaissait une véritable révolution. Le 26 mars 1991, après plusieurs semaines d'émeutes, de grèves et de manifestations, réprimées dans le sang, un coup d’Etat militaire mettait fin à la dictature de Moussa Traoré, au pouvoir depuis 1969. Le nom du principal meneur n’allait pas tarder à devenir célèbre. Contrairement aux craintes que suscitèrent l’arrivée d’un nouveau militaire au pouvoir, le colonel Amadou Toumani Touré, porté à la tête d’un Comité de transition pour le salut du peuple (CSTP), restera comme celui qui a ouvert son pays à la démocratie. A la différence d’un Robert Gueï, en Côte d’Ivoire, huit années plus tard, ATT a tenu son engagement à se contenter de «balayer la maison». Après avoir instauré le multipartisme, puis organisé des présidentielles libres, remportées par Alpha Oumar Konaré, en avril 1992, le soldat le plus populaire du Mali s’est retiré de la vie politique.
Dans une Afrique familière des coups d’Etat et où nombre de dirigeants sont, encore aujourd’hui, d’anciens militaires, sa décision fut unanimement saluée. Malgré son âge, à peine plus d’une quarantaine d’années au moment de son départ, Amadou Toumani Touré a presque immédiatement accédé au statut de «sage», un rôle généralement réservé aux anciens. Sans quitter formellement l’armée, il a de plus essentiellement consacré sa «traversée du désert» à parcourir le monde - offrant notamment ses services dans la résolution de la crise centrafricaine en 1996-1997 - et son pays, en s’impliquant dans des activités humanitaires.
Suspense de façade
Depuis qu’il a quitté le palais de Koulouba, siège de la présidence, ATT a soigneusement entretenu l’incertitude sur un éventuel retour sur le devant de la scène politique. En 1997, à la veille de la présidentielle, l’officier, devenu général, a hésité à se lancer dans la course, mais il a sans doute jugé le moment mal choisi. De fait, Alpha Oumar Konaré a été aisément reconduit à la tête du pays.
Cinq années plus tard, la donne a considérablement changé. Contraint par l’interdiction constitutionnelle de briguer un troisième mandat, qu’il s’est fait un point d’honneur de respecter, le chef de l’Etat malien s’apprête à quitter le pouvoir. Et à un peu plus d’un mois du premier tour de la présidentielle, le jeu est plus ouvert que jamais. Amadou Toumani Touré a néanmoins tenu à maintenir le suspense jusqu’au bout, même si ses intentions étaient en fait connues depuis sa décision de rendre l’uniforme, en septembre 2001, obligatoire pour prétendre aux plus hautes fonctions. Manifestement soucieux d’apparaître comme au-dessus de la mêlée, celui qui aime rappeler qu’il a étudié la stratégie militaire en France, à l’Ecole de guerre, a attendu le 10 mars pour se dévoiler, laissant la plupart des autres candidats se prononcer avant lui.
Reste maintenant à savoir si cet homme qu’on dit aussi discret que déterminé peut légitimement espérer l’emporter face à des challengers, pour majorité politiquement plus expérimentés que lui. La plupart des poids lourds, qui ont marqué ces dix derniers années, répondent présents. L’ancien Premier ministre Ibrahim Boubacar Keita, Soumaïla Cissé, candidat officiel de l’ADEMA (le parti présidentiel), le chef du gouvernement sortant Mande Sidibé ou encore des personnalités telles l’avocat Mountaga Tall, leader du Congrès national d’initiative démocratique (CNID), et Chogel Maïga, hériter de l’ex-parti unique : personne ne manque à l’appel.
Pour ses détracteurs, ATT souffre du syndrome Gorbatchev : comme le père de la perestroïka soviétique, il serait plus populaire à l’extérieur, où il jouit d’un crédit indéniable, que dans son propre pays. Ils mettent, en outre, en avant le fait qu’il ne bénéficie par d’une véritable machine politique, du type de l’ADEMA, capable d’assurer la mobilisation autour de sa personne. Dans l’entourage du candidat, on balaye ces critiques, en rappelant qu’outre son image intacte de tombeur de Moussa Traoré, Amadou Toumani Touré s’est illustré dans des projets de développement à travers tout le territoire qui lui ont permis de tisser son réseau. «Dans un premier temps c’est un mouvement de décideurs et de citoyens qui l’a décidé à se déclarer candidat, assure un de ses proches. Mais il bénéficie aussi du soutien de plusieurs partis politiques, dont l’Union soudanaise RDA et quelques autres». ATT est également porté par de nombreux «clubs de soutien», à l’intérieur comme à l’extérieur Mali, un vivier potentiel de centaines de milliers d’électeurs, regroupé en un «Mouvement pour la démocratie et le changement». On murmure aussi qu’Alpha Oumar Konaré le préférerait au candidat officiel de l’ADEMA Soumaïla Cissé, que certains verraient bien dans un rôle de Premier ministre. Quelle que soit la pertinence de ces analyses, l’entrée du célèbre général en retraite dans la course à l'élection des 28 avril et 12 mai prochains présage de la présidentielle la plus ouverte de ces dernières années au sud du Sahara.
Dans une Afrique familière des coups d’Etat et où nombre de dirigeants sont, encore aujourd’hui, d’anciens militaires, sa décision fut unanimement saluée. Malgré son âge, à peine plus d’une quarantaine d’années au moment de son départ, Amadou Toumani Touré a presque immédiatement accédé au statut de «sage», un rôle généralement réservé aux anciens. Sans quitter formellement l’armée, il a de plus essentiellement consacré sa «traversée du désert» à parcourir le monde - offrant notamment ses services dans la résolution de la crise centrafricaine en 1996-1997 - et son pays, en s’impliquant dans des activités humanitaires.
Suspense de façade
Depuis qu’il a quitté le palais de Koulouba, siège de la présidence, ATT a soigneusement entretenu l’incertitude sur un éventuel retour sur le devant de la scène politique. En 1997, à la veille de la présidentielle, l’officier, devenu général, a hésité à se lancer dans la course, mais il a sans doute jugé le moment mal choisi. De fait, Alpha Oumar Konaré a été aisément reconduit à la tête du pays.
Cinq années plus tard, la donne a considérablement changé. Contraint par l’interdiction constitutionnelle de briguer un troisième mandat, qu’il s’est fait un point d’honneur de respecter, le chef de l’Etat malien s’apprête à quitter le pouvoir. Et à un peu plus d’un mois du premier tour de la présidentielle, le jeu est plus ouvert que jamais. Amadou Toumani Touré a néanmoins tenu à maintenir le suspense jusqu’au bout, même si ses intentions étaient en fait connues depuis sa décision de rendre l’uniforme, en septembre 2001, obligatoire pour prétendre aux plus hautes fonctions. Manifestement soucieux d’apparaître comme au-dessus de la mêlée, celui qui aime rappeler qu’il a étudié la stratégie militaire en France, à l’Ecole de guerre, a attendu le 10 mars pour se dévoiler, laissant la plupart des autres candidats se prononcer avant lui.
Reste maintenant à savoir si cet homme qu’on dit aussi discret que déterminé peut légitimement espérer l’emporter face à des challengers, pour majorité politiquement plus expérimentés que lui. La plupart des poids lourds, qui ont marqué ces dix derniers années, répondent présents. L’ancien Premier ministre Ibrahim Boubacar Keita, Soumaïla Cissé, candidat officiel de l’ADEMA (le parti présidentiel), le chef du gouvernement sortant Mande Sidibé ou encore des personnalités telles l’avocat Mountaga Tall, leader du Congrès national d’initiative démocratique (CNID), et Chogel Maïga, hériter de l’ex-parti unique : personne ne manque à l’appel.
Pour ses détracteurs, ATT souffre du syndrome Gorbatchev : comme le père de la perestroïka soviétique, il serait plus populaire à l’extérieur, où il jouit d’un crédit indéniable, que dans son propre pays. Ils mettent, en outre, en avant le fait qu’il ne bénéficie par d’une véritable machine politique, du type de l’ADEMA, capable d’assurer la mobilisation autour de sa personne. Dans l’entourage du candidat, on balaye ces critiques, en rappelant qu’outre son image intacte de tombeur de Moussa Traoré, Amadou Toumani Touré s’est illustré dans des projets de développement à travers tout le territoire qui lui ont permis de tisser son réseau. «Dans un premier temps c’est un mouvement de décideurs et de citoyens qui l’a décidé à se déclarer candidat, assure un de ses proches. Mais il bénéficie aussi du soutien de plusieurs partis politiques, dont l’Union soudanaise RDA et quelques autres». ATT est également porté par de nombreux «clubs de soutien», à l’intérieur comme à l’extérieur Mali, un vivier potentiel de centaines de milliers d’électeurs, regroupé en un «Mouvement pour la démocratie et le changement». On murmure aussi qu’Alpha Oumar Konaré le préférerait au candidat officiel de l’ADEMA Soumaïla Cissé, que certains verraient bien dans un rôle de Premier ministre. Quelle que soit la pertinence de ces analyses, l’entrée du célèbre général en retraite dans la course à l'élection des 28 avril et 12 mai prochains présage de la présidentielle la plus ouverte de ces dernières années au sud du Sahara.
par Christophe Champin
Article publié le 14/03/2002