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Santé

Amiante : les victimes obtiennent gain de cause

En France, les victimes de l’amiante viennent d’obtenir une «grande victoire». La Cour de cassation a rendu hier un arrêt qui élargit la responsabilité des employeurs et rend plus facile la reconnaissance de la notion de «faute inexcusable» à laquelle les salariés ayant été en contact avec l’amiante peuvent se référer pour demander des indemnisations.
L’arrêt de la Cour de cassation était très attendu par les associations de victimes de l’amiante. Il leur a donné entière satisfaction. Dorénavant la définition de la notion de «faute inexcusable» est beaucoup plus large : «L’employeur est tenu envers le salarié à une obligation de sécurité de résultat, notamment en ce qui concerne les maladies professionnelles contractées par ce salarié du fait des produits fabriqués ou utilisés par l’entreprise». Elle établit ainsi qu’il ne suffit pas pour un employeur de prendre des mesures pour éviter la maladie mais qu’il doit arriver à un «résultat». Sa responsabilité peut donc être directement mise en cause en cas de manquement à cette obligation.

«Grande victoire», «bouleversement jurisprudentiel favorable à toutes les victimes du travail», les associations de défense des victimes de l’amiante se sont félicitées de cette décision qui va bien plus loin que les règlements sur les maladies professionnelles en vigueur jusque-là. Le salarié n’a plus à prouver que son employeur n’a pas pris les précautions nécessaires pour protéger sa santé alors qu’il avait connaissance du danger et qu’il a donc commis une faute d’une extrême gravité. La maladie suffit à le démontrer et ouvre le droit à l’indemnisation.

Une obligation de résultat

D’autre part, la Cour de cassation a donné son feu vert aux procédures menées par «les héritiers» des victimes de l’amiante. Les parents des personnes décédées de maladies provoquées par ce produit (asbestose ou fibrose du poumon, cancer du poumon, mésothélium ou «cancer de l’amiante») peuvent désormais demander l’indemnisation du préjudice moral subi par le malade mais aussi de leur propre préjudice moral. C’est la première fois que cette possibilité est offerte.

La Cour de cassation n’est donc pas du tout allé dans le sens de la défense qui estimait que les employeurs ne pouvaient avoir conscience du danger de l’amiante puisque les règlements français sur ce produit ne datent que de 1977 et que l’amiante n’a été totalement interdite dans l’Hexagone qu’à partir de 1997. Elle a, au contraire, tenu compte du fait que les maladies respiratoires liées à l’amiante ont été inscrites sur la liste des maladies professionnelles depuis 1945.

Côté indemnisation, c’est pour le moment la sécurité sociale qui prend en charge les malades. Quitte pour les caisses d’assurance maladie à se retourner vers les employeurs. Elisabeth Guigou, ministre de l’Emploi et de la Solidarité, a aussi annoncé en octobre 2001, la création d’un Fonds d’indemnisation des victimes des l’amiante (Fiva) qui disposera de près de 200 millions d’euros mais n’a pour l’instant pas été mis en place.

Dans ce contexte, la décision de la Cour de Cassation est très importante notamment pour les quelque 2000 victimes de l’amiante en cours de procédure en France pour lesquels elle va faire jurisprudence. Mais elle donne aussi une base légale pour les futures victimes. Les estimations sur le nombre de personnes qui pourraient être touchées dans les années à venir sont impressionnantes. Les maladies provoquées par un contact avec l’amiante, pour l’essentiel des maladies respiratoires dues à l’inhalation de poussières dégagées par ce produit, peuvent mettre parfois des dizaines d’années avant de se déclarer. D’ici 2025, la France pourrait ainsi compter près de 100 000 morts liées à l’amiante. Et dans les dix ans à venir, le nombre de cas avérés devrait être important. L’Association nationale de défense des victimes de l’amiante (Andeva) a donc estimé que ces arrêts de la Cour de cassation étaient «un formidable encouragement pour toutes les victimes de l’amiante au-delà même des frontières et un point d’appui pour les milliers d’actions judiciaires en cours et à venir».

Ecouter aussi:

Le Rendez-vous de la rédaction avec Anne Corpet, évoque le dossier de l'amiante (01/03/2002, 5'15").



par Valérie  Gas

Article publié le 01/03/2002 Dernière mise à jour le 28/02/2002 à 23:00 TU