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Mozambique

Quand Maputo prend des airs de Kinshasa

A l’occasion de la première du film Ali, l’acteur américain Will Smith, s’est rendu à Maputo. Le temps du tournage du film de Michael Mann, en avril et mai 2001 dans la capitale mozambicaine, on se serait cru à Kinshasa, en 1974, lors du match mythique Muhammad Ali-George Foreman.
De notre correspondante au Mozambique

Le 28 février, le Xénon, le plus grand cinéma de Maputo, a fait salle comble pour accueillir Will Smith. Accompagné de son fils de neuf ans et de son père, l’acteur américain est venu saluer le public à l’occasion de la projection d’Ali, le film consacré au géant de la boxe. Le Premier ministre mozambicain, le président de l’Assemblée de la République, le corps diplomatique, et des personnalités des arts et de la culture ont fait le déplacement, offrant une réception digne d’un chef d’Etat au comédien, qui a tenu à remercier les Mozambicains pour leur accueil et leur hospitalité.

Pendant six semaines, la capitale mozambicaine a en effet servi de décor à la partie du film qui retrace le combat légendaire entre Muhammad Ali et George Foreman, en 1974 à Kinshasa. Le match que remporta Ali à 32 ans, alors que la plupart des bookmakers le donnaient perdant face à une bête du ring de 25 ans, lui permit de récupérer son titre de champion du monde. Mais il se déroula aussi en plein règne de Mobutu Sese Seko, au faîte de son pouvoir. Le dictateur avait mis la main à la poche pour l’organisation d’un événement perçu comme une formidable opération de prestige, compte tenu de l’aura dont bénéficiait Ali. Un gigantesque concert, auquel participèrent des stars noires comme James Brown et Myriam Makeba, accompagna la rencontre, lui donnant une tournure quasi-militante, à l’heure où les afro-américains luttaient encore pour leur reconnaissance.

Une équipe de 750 personnes

Le tournage de ces scènes pouvait difficilement avoir lieu dans l’ex-Zaïre, en raison de la crise que travers le pays depuis août 1998. Le choix des producteurs comme des équipes sud-africaines assurant une part de la logistique, qui ont joué la proximité géographique, s’est donc porté sur le Mozambique. La deuxième ville du pays, Beira, avait déjà accueilli, en 1999, le tournage d’un long-métrage consacré à une autre figure mythique, Lumumba de l’Haïtien Raoul Peck. Cette fois-ci il s’agissait d’une superproduction hollywoodienne. L’équipe américaine, composée de pas moins de 750 personnes, a travaillé pendant 39 jours et filmé au total 52 scènes, pour majorité au centre de la ville, dans la Baixa, le plus vieux quartier de Maputo, et sur l’avenue Vladimir Lénine, artère passante de la capitale. L’aéroport de la ville et les quartiers populaires ont aussi servi de décor.

Les habitants de Maputo ont ainsi vu fleurir des portraits de Mobutu et des dessins à la gloire du héros de l’indépendance congolaise Patrice Lumumba ou de Muhammed Ali sur tous les murs. La salle d’honneur de la mairie a été transformée en palais présidentiel zaïrois et les enseignes de la ville sont subitement passées du portugais au français. La scène la plus spectaculaire tournée au Mozambique restera sans nul doute celle du combat contre George Foreman. Dix mille figurants mozambicains y ont participé dans le stade de Machava, scandant «Ali, bumaye!» («Ali, tue-le!»), comme le fit la foule congolaise en délire lors de ce combat historique. Au point que l’expression est devenue la phrase en lingala (l’une des principales langues de l’ex-Zaïre) la plus connue au Mozambique.

L’effervescence du tournage -qui a nécessité l’utilisation d’un Boeing 737, de quatre hélicoptères, de quatre-vingt véhicules et de tout le matériel nécessaire à une super-production américaine- a ainsi littéralement saisi la ville pendant plusieurs semaines. L’ancien président sud-africain Nelson Mandela en personne, qui possède une résidence d’été à Maputo, est même venu assister à quelques scènes. Les Mozambicains ont seulement regretté que les producteurs locaux n’aient pas été associés à la production, et que la participation technique africaine au tournage se soit résumée à l’Afrique du Sud. Aujourd’hui le tumulte s’est apaisé. Restent les souvenirs -les photographies de neuf artistes mozambicains réunies dans une exposition intitulée Will Smith, etc est présentée dans le hall du Xénon- et la satisfaction que le Mozambique ait été, à sa manière, associé à un grand homme.





par Jordane  Bertrand(avec Christophe Champin

Article publié le 02/03/2002