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Inde

La Cour suprême interdit la cérémonie d'Ayodhya

La Cour suprême indienne vient d'interdire la tenue d'une cérémonie religieuse que les extrémistes hindous voulaient organiser sur le site d'Ayodhya malgré l'opposition des musulmans. En attendant la réaction du Vishwa Hindu Parishad, le parti à l’origine de cette initiative, les autorités ont déployé des troupes autour du site où des affrontements meurtriers ont encore eu lieu récemment entre les deux communautés.
Après la vague de violence interreligieuse qui a fait plus 700 morts à la fin du mois de février, la tension persiste dans l'Etat du Gujarat, en Inde. Aucun compromis n'a pu être trouvé entre les représentants des communautés hindoue et musulmane concernant le projet de construire un temple à l'emplacement même où une mosquée du XVIè siècle a été détruite par des fanatiques hindous il y a dix ans.

Les musulmans ont refusé la proposition du Vishwa Hindu Parishad (VHP) transmise par l’intermédiaire de Shankarcharya Jayendra Saraswati, l’un des quatre principaux dignitaires hindous, qui fait office de médiateur de ce conflit. Il s’agissait pour les hindous de respecter toute décision de justice concernant la propriété du site religieux d’Ayodhya en échange de la promesse d’un accord pour permettre le démarrage, dès le 15 mars, de la construction d’un temple dédié au dieu Rama sur un terrain adjacent. Cette proposition a été jugée inacceptable par les musulmans qui ont estimé n’avoir aucune garantie sur le plan de construction du bâtiment. Face à cette fin de non-recevoir, le Vishwa Hindu Parishad a affirmé dans un premier temps qu’il maintiendrait coûte que coûte sa cérémonie religieuse. Pravin Togadia, secrétaire général du VHP qui tente depuis 10 ans d’obtenir l’implantation d’un temple à cet endroit, a ainsi estimé qu’il y avait «des bornes à la patience des hindous» et a ajouté : «Nous sommes décidés à célébrer cette cérémonie du 15 mars».

Une victoire pour les musulmans

Dans ce contexte, la décision de la Cour suprême («aucune activité religieuse, quelle que soit sa nature et par quiconque ne sera autorisée jusqu’à nouvel ordre») prend des allures de victoire pour les musulmans, minoritaires dans le pays (12 %), qui s’opposent catégoriquement à la construction d’un temple sur le site d’Ayodhya et estiment qu’un compromis sur une cérémonie hindoue conforterait «la politique du fait accompli» que l’extrême droite tente de faire prévaloir. Elle place aussi le Premier ministre indien Atal Behari Vajpayee dans une situation difficile et met en relief les dissensions qui existent au sein même du gouvernement de coalition dominé par les nationalistes hindous du Bharatiya Janata Party (BJP).

Vajpayee qui est issu du BJP a essayé, depuis qu’il est arrivé au pouvoir, de calmer les esprits sur la question d’Ayodhya. Il a ainsi affirmé, avant que la Cour suprême annonce sa décision, qu’il ne ferait «rien qui aille à l’encontre du verdict». Mais Soli Sorabjee, le conseiller juridique du gouvernement, a été moins neutre en déclarant au même moment à la Cour suprême que le gouvernement n’avait pas d’objection à la tenue d’une «cérémonie symbolique» à Ayodhya. Des déclarations qui ont été critiquées par deux partis de la coalition qui s’en sont désolidarisés. Mamata Banerjee, dirigeante du Trinamul a ainsi salué «le verdict historique» de la Cour suprême. Et C. Ramachandraiah, responsable du Telgu Desam Party a déclaré que «le jugement de la Cour suprême était une gifle à la face du gouvernement».

Dans la crainte d’une nouvelle explosion de violence au Gujarat, les autorités ont pris les devants. Elles ont déployé 10 000 policiers et militaires autour du site et construit 18 centres de détention temporaires à la périphérie d’Ayodhya. Le VHP qui a condamné le jugement de la Cour suprême et qui avait affirmé sa détermination à célébrer une cérémonie «pacifique» le jour dit, doit décider jeudi quelle suite il donne finalement à son mouvement.



par Valérie  Gas

Article publié le 13/03/2002