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Venezuela

Spectaculaire retour au pouvoir de Chavez

«Chavez ! Chavez ! Chavez, nous t’aimons». Moins de deux jours après en avoir été chassé, Hugo Chavez a fait dimanche matin une rentrée triomphale dans le palais présidentiel vénézuélien de Miraflores, sous les vivats d’une foule de milliers de partisans en liesse ; alors qu’il avait victime vendredi d’un putsch politico-militaire intervenu au troisième jour de grève générale et de manifestations monstre organisées par l’élite du pays.
Hugo Chavez a aussitôt assumé de nouveau le pouvoir, après avoir donné une forte accolade à son vice-président, qui venait de lui remettre la plus haute charge du pays. Tandis que la foule scandait «il est revenu, il est revenu», en contre-pied du slogan de ses opposants de la semaine dernière qui criaient «il s’en va, il s’en va». Tout ému, le «miraculé de Miraflores» a vite retrouvé ses accents populistes : «A Dieu ce qui est à Dieu, à César ce qui est à César et au peuple ce qui est au peuple ; je commence ainsi par ces mots, chargés de toutes les émotions qui se croisent dans ma poitrine, dans mon âme, dans mon esprit. Pensées, sentiments, en ce moment je suis comme une mer multicolore». En oubliant quelque peu qu’il devait son spectaculaire retour au pouvoir d’abord à ses partisans dans l’armée, mais aussi aux incroyables fautes commises par le «patron des patrons» Pedro Carmona, président-dictateur durant moins de quarante-huit heures, et aux mauvais calculs de Washington.

«La dictature de droite a été renversée!»

C’est en effet la décision de Pedro Carmona de dissoudre toutes les institutions démocratiques du pays, à commencer par l’Assemblée nationale, qui a mis le feu aux poudres, et qui a surtout irrité profondément une partie de l’armée, qui s’est vite prononcé contre celui qui venait de s’auto-proclamer président de la République. En quelques heures seulement, le président-putsciste s’est retrouvé isolé et a préféré jeter vite l’éponge, sous la pression de la rue, désormais envahie à partir de samedi par les partisans de Hugo Chavez, un leader populiste qui a toujours bénéficié dus soutien des classes les plus pauvres du pays. Carmona lui même a annoncé sa démission, ainsi que celle de ses «ministres», la restauration de l’Assemblée nationale dissoute la veille, et la désignation à la présidence de Disdado Cabello, le vice-président proche de Chavez, qui a aussitôt tout fait pour que l'ancien président détenu dans une île regagne le plus vite possible Caracas.

«Nous avons passé des heures très difficiles, mais la dictature de droite a été renversée» a déclaré dimanche un député du parti de Chavez (le Mouvement Vème République). Des incidents violents ont émaillé la journée de samedi dans la capitale, où des dizaines de milliers de manifestants ont déferlé, en partculier des quartiers pauvres, pour réclamer la libération du président élu en 1998 et réélu en 2000 pour six ans: trois personnes ont été tuées et dix-huit autres blessées.

Dans ce pays clé plus que jamais partagé en deux, les télévisons privées ont une fois de plus joué un rôle non négligeable, surtout durant les trois jours de grève générale organisée par l’élite et les classes moyennes. Leur militantisme en faveur des opposants de Chavez et notamment de l’éphémère président Carmona a vraisemblablement été l’un des facteurs qui ont déclenché le déferlement de la foule vers le palais de Miraflores, avant même la démission formelle de Carmona, mais surtout juste après son départ du palais présidentiel Omniprésentes jusque là, ces télévisions privées n’ont pas «couvert» le spectaculaire retournement de situation ni la liesse populaire. Le «non à la dictature des puissants» brandis par l’un des manifestants visait en réalité tout autant Carmona que les télévisions privées, qui font partie d’une oligarchie puissante et riche - pétrole oblige. Tandis que les défavorisés constituent près de 80% des 24 millions de Vénézuéliens.

Enfin, le retour au pouvoir de Hugo Chavez - la bête noire de Washington, en raison notamment de son amitié avec Fidel Castro et de sa politique en matière énergétique - est un camouflet évident pour la diplomatie américaine. Dès vendredi la Maison blanche avait rejeté sur Chavez la responsabilité de la crise et de sa destitution. «Il est clair qu’il y a eu une manifestation pacifique qui a dégénéré, lorsque les partisans de Chavez ont tiré sur les manifestants» qui participaient à la grève générale, a déclaré le porte-parole de Bush, Ari Fleischer. Quant au Département d’Etat, il avait publié un communiqué pour dénoncer les multiples «provocations» commises à ses yeux par Hugo Chavez.

Quatrième producteur mondial de brut, le Venezuela assure actuellement le secrétariat de l’OPEP et est le principal fournisseur des Etats-Unis. Quant à Chavez, il n’avait eu de cesse de se battre pour obtenir la revalorisation du prix du baril, ce qui avait fort déplu à Washington. Dans son premier discours après son retour à Miraflores, il a certes appelé à l’unité nationale et déclaré qu’il n’y aura pas de chasse aux sorcières, mais aussi qu’il avait accepté la démission du Conseil d’administration de la compagnie pétrolière du pays (Petroleos de Venezuela). Deux jours seulement avant d’être renversé.



par Elio  Comarin

Article publié le 14/04/2002