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France : législatives 2002

A droite et à gauche, la difficile union

A moins d’un mois des élections législatives, scrutin décisif et très ouvert qui donnera une majorité à Jacques Chirac ou aboutira à une nouvelle cohabitation, la droite et la gauche tentent de rassembler leurs forces. Le Front national sera en embuscade.
Dans chaque camp, on s’interroge: comment faire l’union ? A un mois des élections législatives, la droite et la gauche s'efforcent de mettre leurs troupes en ordre de bataille. Car après une présidentielle hors-norme qui a vu Jacques Chirac réélu avec 82% des voix, c’est ce scrutin qui déterminera vraiment l’avenir politique de la France. L'enjeu des législatives des 9 et 16 juin est crucial. Ou bien, par une victoire de la droite, elles donneront au président une majorité parlementaire. Ce serait alors donner les «pleins pouvoirs» à la droite, le retour de l’État-RPR, prévient la gauche. Ou bien, par un succès de la gauche, elles reconduiront pour cinq ans une cohabitation. Cela conduirait dans ce cas à la paralysie politique, à la crise de régime, avertit la droite. Pour l’instant, et malgré d'intenses tractations, ni l’une ni l’autre ne sont parvenues à réaliser pleinement cette union jugée vitale.

A droite, si on semble devoir aller au combat en ordre dispersé, c’est faute d’un accord sur la stratégie qu’a voulu imposer le camp chiraquien. La publication samedi par l'Union pour la majorité présidentielle (UMP) d'une liste de 523 candidats aux législatives a provoqué la colère de François Bayrou, président de l'Union pour la démocratie française (UDF), seconde formation de la droite parlementaire. L'UMP, créée en début d'année par le président Chirac, et qui regroupe son parti d'origine, le Rassemblement pour la République (RPR), mais aussi les chiraquiens de l'UDF et de Démocratie libérale (DL), vise à obtenir seule la majorité absolue (289) de la future assemblée. Mais le dirigeant centriste, estimant représenter un courant profond, singulier et traditionnel de la vie politique française, refuse de voir sa formation se dissoudre dans cette grande mouvance chiraquienne, sorte de parti unique de la droite qui priverait l’UDF du financement public et signerait son arrêt de mort politique. Il y voit aussi une machine de guerre au service de l’ancien Premier ministre Alain Juppé, lequel, comme lui, lorgne déjà sur la présidentielle de 2007.

Fort de sa 4ème position au premier tour de la présidentielle, François Bayrou entend en outre faire fructifier les quelque 7 % de suffrages qu'il avait obtenus. Qualifiée de «coup de force» dans son entourage, la publication de cette liste UMP a entraîné la riposte. Le chef de l’UDF a ainsi décidé de présenter ses propres candidats et de provoquer une centaine de primaires à droite. La majorité, a-t-il dit, sera «pluraliste» et «équilibrée», ou «elle ne sera pas».

Le programme «n'est pas plus ceci ou moins cela»

A gauche, où les négociations pour les investitures communes continuent, on tente de recoller les morceaux après l'échec présidentiel du Premier ministre Lionel Jospin. Les socialistes ont décidé de mettre le cap à gauche, afin de séduire à nouveau une base qui s’est largement réfugiée à l’extrême gauche ou dans l’abstention à la présidentielle, et de se présenter comme une alternative crédible au nouveau gouvernement de droite dirigé par Jean-Pierre Raffarin. Encore sous le choc de l'échec surprise essuyé par son candidat, évincé dès le premier tour par celui de l’extrême droite Jean-Marie Le Pen, le parti socialiste s'est donné un «programme de gouvernement».

Intitulé «Pour le progrès, avec la gauche», ce texte de quinze pages veut tirer les leçons de la déroute, et remédier à la perception floue de son programme. Il doit aussi permettre un rapprochement avec les alliés de gauche du PS, les Verts et le parti communiste, qui ont reproché au candidat du PS une dérive de centre-droit. L'ancienne ministre de l'Emploi Martine Aubry, maître d'oeuvre du programme, s'est toutefois défendue de tout infléchissement idéologique. Le programme «n'est pas plus ceci ou moins cela», il «est ancré à gauche», a-t-elle affirmé. Aux yeux du PS, ce programme devrait permettre la mise en place d'un «socle» pour la gauche en vue des législatives, vues comme l'occasion du «débat entre la droite et la gauche» occulté à la présidentielle pour cause d’unanimité contre Jean-Marie Le Pen.

Le secrétaire national du PS chargé des élections, Bruno Le Roux, a souligné mardi que son parti souhaitait aboutir à un accord électoral de rassemblement de la gauche aux législatives «avant la fin de la semaine». Le PS table sur des accords avec le PCF, les Verts et les Radicaux de gauche dans une centaine de circonscriptions. Le PCF, avec 35 députés à l'Assemblée nationale, joue sa survie dans ces élections après la déroute de son candidat Robert Hue à la présidentielle, où il n'a rassemblé que 3,3% des suffrages.

La rupture semblait en revanche consommée avec le Pôle républicain (qui a absorbé ce week-end le Mouvement des citoyens, MDC) dont le chef Jean-Pierre Chevènement a tout juste franchi la barre des 5% à la présidentielle. Le premier secrétaire du PS François Hollande a annoncé que son parti présenterait des candidats contre des sortants MDC après que le Pôle républicain, refusant un ancrage à gauche, eut décidé d'en présenter plus de 400. Les socialistes et les Verts se sont mis d'accord pour présenter dans certains cas des candidatures communes, 68 socialistes et 58 Verts. Les Verts devraient en outre se retirer dans huit circonscriptions en faveur du PCF.

Reste l’inconnue Front national. Le résultat des législatives s'annonce serré. Si les sondages donnaient la majorité des sièges à la droite au lendemain de la présidentielle, une simulation faite par le journal Le Monde annonçait récemment un résultat inverse. Le quotidien se fondait notamment sur la montée en puissance du parti extrémiste. Celui-ci, s’étant vu refuser par la droite tout accord électoral, pourrait jouer les arbitres en maintenant nombre de ses candidats au second tour, provoquant des «triangulaires» qui pourraient fortement handicaper la droite. Fort des 17% des voix qui se sont portées sur son chef à la présidentielle, le FN a désigné ses candidats dans pratiquement toutes les circonscriptions, y compris contre les candidats de la droite traditionnelle. Quant au MNR, l’autre parti d’extrême droite dont le chef Bruno Mégret a fait 2,34% à la présidentielle, il n’a pas le pouvoir de nuisance du FN. Mais, en présentant lui aussi des candidats presque partout, il peut gêner au premier tour le mouvement de Jean-Marie Le Pen.




par Philippe  Quillerier-Lesieur

Article publié le 14/05/2002