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Internet dans le monde

L’Icann nouveau sur les rails

Les mois prochains vont être cruciaux pour la gouvernance du réseau des réseaux. Plusieurs acteurs de l’Internet francophone se sont retrouvés cette semaine à Paris pour débattre des grands axes de la réforme tant attendue de l’Icann, (l’Internet Corporation for Assigned Names and Numbers), l’organisme de supervision mondiale de l’Internet. Préoccupation principale : la mise en place d’une organisation autonome permettant la participation des utilisateurs européens.
«A l’heure actuelle, l’Icann est dominé par les Etats-Unis. Il faut internationaliser l’Icann et couper les liens avec le secrétariat d’Etat américain au Commerce». C’est le premier constat formulé par Sébastien Bachollet, le représentant du Cigref (Club informatique des grandes entreprises françaises), en introduction aux premiers Etats généraux européens du nommage Internet. Ces propos s’inscrivent dans le même ordre d’idées que ceux du président de l'Isoc-France, Olivier Iteanu, pour qui la réforme de l’Icann est désormais admise par principe par tous les acteurs.

L’Isoc-France, le chapitre français de l’Internet Society souhaite jouer un rôle important dans la gouvernance de l’Internet. D’où la tenue à Paris, cette semaine, sous ses auspices, d’un colloque qui a réuni les acteurs du nommage Internet. Objectif de cette réunion plutôt novatrice dans son genre: la réforme tant attendue de l’Icann. Rappelons le, la mission de cette instance -qui gouverne à l’échelle mondiale les ressources Internet (adresses IP, systèmes de noms de domaine & protocoles techniques)- est d’apporter une certaine stabilité nécessaire au bon fonctionnement du réseau.

Depuis sa création en 1998, l’Icann ne fonctionne pas avec la transparence qu’elle affiche. Toutes les décisions importantes sont prises au secrétariat d’Etat américain au commerce. Les permanents à l’Icann sont en majorité des Américains. C’est devenu au fil du temps une réunion de professionnels qui font du lobbying pour essayer de faire passer un certain nombre de résolutions, et dans laquelle les internautes ne peuvent donner leur opinion. Conscient du fait que la dépendance vis-à-vis du gouvernement américain a conduit l’Icann dans une impasse, le président de celle-ci, Stuart Lynn, a proposé une réforme.

Vers une co-gouvernance

L'idée de Stuart Lynn est de supprimer le collège des représentants élus par la communauté des utilisateurs au profit d’une représentation gouvernementale directe. Un principe de réforme qui ne fait pas l’unanimité. Pour Sébastien Bachollet, tous les utilisateurs ont leur mot à dire dans cet Icann restructuré et pas seulement les gouvernements comme le propose Suart Lynn dans son avant-projet : «Pourquoi partir des propositions du président de l’Icann, et non de la situation actuelle et des différentes propositions des internautes européens. Les utilisateurs doivent trouver une place sur l’ensemble des dossiers dont l’Icann a la responsabilité». Jusqu’à présent, cette instance n’a pas réussi à intégrer la communauté de l’Internet dans ses travaux. D’où l’idée de la mise en place d’une structure de coordination européenne des utilisateurs.

Second constat pour Sébastien Bachollet, c’est l’absence de l’Europe dans ce vaste débat. «Il faut que l’Europe fasse entendre sa voix dans la gouvernance de l’Internet», explique-t-il. Le système de nommage de l’Internet est un enjeu de pouvoir sur Internet aujourd’hui. Cet enjeu reste méconnu, en particulier des Européens, car il est difficile à comprendre et à appréhender. Il touche à de nombreuses problématiques d’ordre économique, juridique et politique. Richard Delmas chargé de la société de l’information au sein de la Commission européenne, plaide également pour une participation de l’Europe au processus de restructuration de l’Icann, sinon il sera hors contrôle: «La Commission a décidé de lancer une étude sur la problématique de l’Icann de manière à clarifier le débat. Pour mettre en place une instance de gouvernance performante, il faut régionaliser les enjeux avec des conseils régionaux pour l’Europe, l’Afrique tout en gardant une structure internationale. Une piste intéressante pour l’espace européen». Autrement dit : doit mise être en place une co-gouvernance entre les Etats-Unis et les autres pays connectés. La question est de savoir à quelle vitesse et avec quelle intelligence on pourra atteindre ce but.




par Myriam  Berber

Article publié le 06/07/2002