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Côte d''Ivoire

Sous la mutinerie, le coup d'Etat ?

La «mutinerie» des soldats ivoiriens est désormais qualifiée de «tentative de coup d’Etat» par la télévision ivoirienne. En début d’après-midi, les soldats loyalistes ont repris le contrôle de la situation à Abidjan. En revanche Bouaké et Korhogo est toujours quadrillée par les rebelles. Le ministre ivoirien de l’Intérieur a été tué ainsi que l’ex-général putschiste Robert Gueï. Le président Gbagbo écourte sa visite officielle en Italie.
La gravité des événements survenus dans son pays a finalement convaincu le président ivoirien d’écourter sa visite officielle en Italie. Dès que les conditions de sécurité le permettront et que les liaisons aériennes seront rétablies, Laurent Gbagbo rentrera en Côte d’Ivoire. Au discours rassurant des premières heures, indiquant une situation «en voie de normalisation», a fait place en milieu d’après-midi une appréciation moins sereine. Désormais on ne parle plus de «mutinerie» : la télévision nationale ivoirienne estime que le pays est confronté à une «tentative de coup d’Etat»

Pour l’heure, c’est toujours la confusion qui domine. A Abidjan, dès le début de l’après-midi de ce jeudi, on n’entendait plus de tirs d’armes automatiques, ni de détonation d’armes lourdes, signes que les forces loyalistes avaient repris le contrôle de la situation après la reconquête de l’école de gendarmerie et du camp d’Agban. Selon les déclarations du ministre de la Défense, Moïse Lida Kouassi, cela signifierait la fin de la mutinerie à Abidjan. «On va nettoyer et on va mettre le paquet sur Bouaké», a déclaré le ministre. Selon un premier bilan, partiel, les combats ont fait au moins dix morts et plusieurs dizaines de blessés dans le camp loyaliste, à Abidjan.

Les troubles ont éclaté aux premières heures de l’aube simultanément dans la capitale économique ivoirienne et dans les localités de Bouaké, dans le centre du pays, et Korhogo, dans le nord.

Au cours des premières heures, les événements ont été qualifiés de «mutinerie». Puis, très vite, le ministre de la Défense fait part de ses soupçons : «Il y a des indices que nous faisons face à une tentative de coup d’Etat», déclarait-il. Indices à vérifier et à confirmer, précisait-il. Selon lui, certains mutins «se sont soulevés en s’appuyant sur les ordres du général Gueï». Le général Robert Gueï a été l’auteur du putsch de Noël 1999, à la suite duquel il s’était maintenu au pouvoir jusqu’aux élections d’octobre 2000. Un peu plus tard, le ministre annoncera la découverte de son cadavre près d’un hôpital d’Abidjan.

«Personne ne sort, personne ne travaille»

La brutalité avec laquelle a été menée la «mutinerie» évoque d’autres objectifs que la simple revendication énoncée au début des affrontements. Le Premier ministre ivoirien, Affi N’Guessan, affirmait que ce sont des soldats protestant contre leur démobilisation qui étaient à l'origine des troubles. En tout, sept cent cinquante hommes appartiennent au groupe concerné, répartis sur plusieurs cantonnement, dont deux cent quatre-vingts devaient quitter l’armée en décembre. «Le ministère de la Défense veut nous renvoyer à la vie civile. Ca fait deux ans qu’on est dans l’armée. On n’est pas d’accord. Pour se faire entendre, on n’a que nos armes. On ira jusqu’au bout», a déclaré l’un des mutins. Or il apparaît à présent que ces hommes, recrutés à l’époque du putsch du général Gueï, étaient en effet sur le point d’être remerciés. Lorsqu’ils sont passés à l’attaque, à l’aube, leurs premières cibles abidjanaises ont été les résidences des ministres de la Défense et de l’Intérieur. Selon les habitants du quartier, cité par l’Agence France Presse (AFP), un véhicule de la brigade anti-émeute a tenté d’intervenir mais il a essuyé un tir de roquette de plein fouet. Après plusieurs heures sans nouvelles, nous apprenions dans la matinée la mort du ministre de l’Intérieur, Emile Boga Doudou et l’enlèvement de l’épouse du ministre de la Défense, dont on est toujours sans nouvelle.

Si la situation est sous le contrôle des forces loyalistes dans la capitale économique, en revanche Bouaké, la deuxième ville du pays, était toujours sous le contrôle total des assaillants, jeudi, en fin d’après-midi. Deux officiers ont été tués. Le ministre des sports, François Amichia, présent sur place dans le cadre du tournoi de l’UMOA a été enlevé par les rebelles, ainsi qu’un responsable local de l’ex-parti au pouvoir, le Parti démocratique de Côte d’Ivoire. Selon un témoignage cité par l’AFP, «personne ne sort, personne ne travaille» à Bouaké ce jeudi.

En France, le ministère de la Défense déclarait que les soldats français en Côte d’Ivoire n’ont pas été sollicités et n’ont mené aucune action particulière. Six cents militaires français sont stationnés en Côte d’Ivoire. Lors d'un entretien ce matin sur Europe 1, le ministre français des Affaires étrangères a déclaré que Paris prenait «toutes les dispositions pour faire en sorte que tous nos ressortissants soient évidemment protégés dans les circonstances actuelles». Sur place l’ambassade de France a conseillé à tous ses ressortissants de rester chez eux.

Conséquence, le transport aérien à destination et en partance d’Abidjan est affecté : la rotation quotidienne assurée par Air France Paris-Abidjan et retour a été annulé. Pour la journée de vendredi, «c’est l’incertitude», estime le porte-parole de la compagnie française. Même régime pour les vols Air Ivoire et Air Sénégal International.

Enfin, sur le plan économique, le cacao étaient en hausse ce jeudi en fin de matinée sur le marché à terme londonien, s’établissant à 1 467 livres la tonne, contre 1 455 livres la veille en clôture. Entre-temps il avait atteint son plus haut niveau depuis quinze ans, à 1 490 livres la tonne.



par Georges  Abou

Article publié le 19/09/2002