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Côte d''Ivoire

Puissance régionale, pays fragile

Il règne toujours une grande incertitude sur l’issue de la nouvelle crise qui vient de s’ouvrir en Côte d’Ivoire. Deux villes importantes sont toujours sous le contrôle de la rébellion. Et ressurgissent les démons de la suspicion autour de la question de savoir : «mais qui a vraiment fait le coup ?»
Deux jours après le début de la mutinerie, la situation est loin d'être normalisée en Côte d'Ivoire. Sur le plan militaire, tout d'abord, les villes de Bouaké et Korhogo sont toujours sous le contrôle des «mutins», devenus «putschistes» au fur et à mesure qu'on découvrait le degré d'organisation de leur action, puis enfin «terroristes» selon les termes employés par le chef de l'Etat avant d'embarquer dans l'avion qui devait le ramener sur Abidjan à l'issue de sa visite officielle écourtée en Italie. Ce vendredi soir, les propos restaient guerrier, tant du côté des autorités et des forces loyalistes, que du côté des insurgés. Les premiers préparent l’assaut sur Bouaké, deuxième ville du pays. Les seconds s’apprêtent tantôt à négocier, tantôt à affronter. Leurs motivations sont encore floues.

S’agit-il, comme on l’a cru au début des événements, d’une révolte de soldats désespérés à la perspective de se retrouver sans-soldes d’ici la fin de l’année ? Sont-ils les instruments d’un complot ? Les deux ? Pour l’instant les faits indiquent qu’ils ont participé à une opération coordonnée au niveau national et qu’ils ont d’emblée chercher à décapiter le pouvoir en s’en prenant, dès le déclenchement des opérations, aux principaux ministres du gouvernement, tous deux membres du parti du président, le Front populaire ivoirien. Le ministre de l’Intérieur l’a payé de sa vie et le ministre de la Défense en a réchappé de justesse.

A qui profite le crime ?

Si la thèse de la tentative de putsch devait être définitivement retenue, à qui profite le crime ? En associant les insurgés au nom de l’ex-général putschiste, Robert Gueï, les autorités ont désigné un coupable dont on n’obtiendra plus les aveux car son procès n’aura pas lieu. La dépouille de Robert Gueï a été retrouvé jeudi, criblée de balles. Les corps de son épouse et de son aide de camp, tués par balles, ont été découverts ce vendredi. «Ils ont été exécutés», selon un témoignage recueilli par l’AFP. La restauration de la légalité républicaine à Abidjan s’est donc accomplie avec une incontestable brutalité. A cet égard le départ précipité de son domicile de l’opposant Alassane Ouattara, jeudi aux premières heures de la matinée, est exemplaire. Le président du Rassemblement des républicains s’est enfui lorsque le blindé de soldats loyalistes venus le protéger a défoncé la grille de sa résidence.

Et si le général Gueï n’avait rien eu à voir avec toute cette histoire ? Une autre hypothèse circule depuis ce vendredi matin. Le ministre de la Défense a évoqué la piste étrangère et, pour expliquer la relative difficulté à laquelle il était confronté pour rétablir l’ordre dans les deux villes du nord, la porosité de la frontière avec le Burkina, principal pourvoyeurs de main-d’œuvre immigrée, et propice à l’installation aux portes du pays d’opposants armés. Au cours de ces dernières années, la défiance à l’égard des étrangers et le débat sur «l’ivoirité» ont dégradé le climat politique et engendré une violence inhabituelle en Côte d’Ivoire. Ces derniers mois pourtant, le président avait fait preuve d’ouverture tant sur le plan politique que sur le plan régional, en formant une nouvelle équipe de cohabitation. C’est ce fragile édifice qui risque de souffrir des derniers événements en ne trouvant pas le temps nécessaire pour parfaire sa construction. En fin d’après-midi, on apprenait que des gendarmes s’en prenaient à des logements d’immigrés dans des quartiers populaires de la capitale.



par Georges  Abou

Article publié le 20/09/2002