Côte d''Ivoire
Realpolitik à Accra
En proposant à un gouvernement légitime d’ouvrir des négociations avec des rebelles, la CEDEAO a privilégié le constat de l’état des forces en présence sur le terrain.
Le sommet d’Accra s’achève sur le constat que les principes ne doivent pas être reniés, mais qu’il faut également agir de façon pragmatique et s’accommoder des faits tels qu’ils existent. Sans doute la Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) a désigné l’agresseur et l’agressé, exprimé son inquiétude et sa volonté d’intervenir sans délai pour restaurer l’ordre constitutionnel. Mais, disposant désormais d’une certaine expertise en matière d’intervention au sein des Etats-membres, elle sait d’expérience que rares sont les conflits qui s’achèvent sur une victoire militaire totale et qu’en conséquence mieux vaut une mauvaise négociation rapide qu’une bonne guerre interminable. Or, pour négocier, il faut être deux. C’est le premier obstacle qui ne tardera pas à survenir sur la voie tracée dimanche par les quinze.
Car si la bonne volonté de la communauté sous-régionale est manifeste, la mise en œuvre de ses décisions risque en effet de se heurter à nombres d’obstacles que la CEDEAO a délibérément choisi d’ignorer à ce stade de la prise en charge. Etre deux autour du tapis vert, cela suppose le préalable de la reconnaissance de l’autre comme un partenaire digne de considération. Or, depuis le début de la crise, les autorités ivoiriennes entretiennent un discours de guerre, réaffirmant chaque jour que les forces armées loyalistes sont sur le point de lancer la contre-offensive. A de très rares exceptions près (celle notamment du ministre des Sports), il n’a jamais été question d’entamer des discussions avec les mutins, tant qu’ils n’auront pas déposé les armes en tout cas. Aucun Etat n’a, a priori, vocation à négocier avec des «terroristes», ou des «rebelles», selon les expressions employées à Abidjan. Pourtant, sans le formuler clairement, c’est bien ce que souhaite la CEDEAO. De ce point de vue, en appelant les deux parties à se rencontrer pour résoudre le conflit, l’organisation sous-régionale place les deux protagonistes dans une position symétrique qui évoque une responsabilité commune, non pas dans le déclenchement de l’affaire dont elle attribue clairement l’origine aux mutins, mais dans sa résolution. Une mise en perspective difficilement acceptable pour les autorités ivoiriennes.
Le danger de partition demeure
Pourtant il faut bien aussi compter avec le facteur militaire. Les mutins-rebelles sont maîtres du terrain qu’ils occupent et, au douzième jour de la crise, il n’y a pas de signe tangible d’une reconquête victorieuse du territoire par les Forces armées nationales ivoiriennes (FANCI). Et, à moins d’une aide massive bilatérale ou multilatérale, elles ne seront pas de sitôt en mesure de restaurer le pouvoir central dans le Nord. C’est pourtant sur cette hypothèse que les autorités ivoiriennes auraient préféré travailler: recevoir un soutien militaire et réduire l’assaillant. Or, en cas d’échec de la première phase du plan, la deuxième étape ne prévoit pas non plus d’engagement armé auprès des FANCI de la part des soldats de la force ouest-africaine. Le déploiement des hommes de l’Ecomog se bornerait alors à créer les conditions propices aux négociations. Avec le risque que cela comporte d’un gel des positions militaires et de l’installation du pays dans la partition.
Du côté des mutins on a, en revanche, tout lieu de se féliciter des travaux d’Accra. Par la grâce des armes, ils accèdent à la reconnaissance de toute la sous-région. En moins de deux semaines, alors qu’ils étaient promis, en cas d’échec, aux oubliettes de l’exil ou aux fosses communes, ils sont élevés au titre d’interlocuteurs incontournables. Mais qu’ont-ils à dire ou à revendiquer ? Ont-ils un projet, au-delà des revendications sectorielles qu’ils présentaient au début de la mutinerie, le 19 septembre ? S’ils en ont un, il demeure à cette heure informulé. A moins que cette mutinerie initiale ne soit que le début d’autre chose, d’un mouvement plus vaste, orchestré ailleurs, ou d’un projet autrement plus structuré qui viendrait se substituer à ce premier épisode proto-politique ? A Accra les mutins ont gagné une tribune. Comment s’en serviront-ils ?
«Dialoguer n’est pas synonyme de faiblesse», déclarait le président en exercice de la CEDEAO, dimanche dans la capitale ghanéenne. C’est une formule inspirée par la sagesse. Dans le contexte ivoirien on imagine qu’elle fait grincer des dents à Abidjan.
Car si la bonne volonté de la communauté sous-régionale est manifeste, la mise en œuvre de ses décisions risque en effet de se heurter à nombres d’obstacles que la CEDEAO a délibérément choisi d’ignorer à ce stade de la prise en charge. Etre deux autour du tapis vert, cela suppose le préalable de la reconnaissance de l’autre comme un partenaire digne de considération. Or, depuis le début de la crise, les autorités ivoiriennes entretiennent un discours de guerre, réaffirmant chaque jour que les forces armées loyalistes sont sur le point de lancer la contre-offensive. A de très rares exceptions près (celle notamment du ministre des Sports), il n’a jamais été question d’entamer des discussions avec les mutins, tant qu’ils n’auront pas déposé les armes en tout cas. Aucun Etat n’a, a priori, vocation à négocier avec des «terroristes», ou des «rebelles», selon les expressions employées à Abidjan. Pourtant, sans le formuler clairement, c’est bien ce que souhaite la CEDEAO. De ce point de vue, en appelant les deux parties à se rencontrer pour résoudre le conflit, l’organisation sous-régionale place les deux protagonistes dans une position symétrique qui évoque une responsabilité commune, non pas dans le déclenchement de l’affaire dont elle attribue clairement l’origine aux mutins, mais dans sa résolution. Une mise en perspective difficilement acceptable pour les autorités ivoiriennes.
Le danger de partition demeure
Pourtant il faut bien aussi compter avec le facteur militaire. Les mutins-rebelles sont maîtres du terrain qu’ils occupent et, au douzième jour de la crise, il n’y a pas de signe tangible d’une reconquête victorieuse du territoire par les Forces armées nationales ivoiriennes (FANCI). Et, à moins d’une aide massive bilatérale ou multilatérale, elles ne seront pas de sitôt en mesure de restaurer le pouvoir central dans le Nord. C’est pourtant sur cette hypothèse que les autorités ivoiriennes auraient préféré travailler: recevoir un soutien militaire et réduire l’assaillant. Or, en cas d’échec de la première phase du plan, la deuxième étape ne prévoit pas non plus d’engagement armé auprès des FANCI de la part des soldats de la force ouest-africaine. Le déploiement des hommes de l’Ecomog se bornerait alors à créer les conditions propices aux négociations. Avec le risque que cela comporte d’un gel des positions militaires et de l’installation du pays dans la partition.
Du côté des mutins on a, en revanche, tout lieu de se féliciter des travaux d’Accra. Par la grâce des armes, ils accèdent à la reconnaissance de toute la sous-région. En moins de deux semaines, alors qu’ils étaient promis, en cas d’échec, aux oubliettes de l’exil ou aux fosses communes, ils sont élevés au titre d’interlocuteurs incontournables. Mais qu’ont-ils à dire ou à revendiquer ? Ont-ils un projet, au-delà des revendications sectorielles qu’ils présentaient au début de la mutinerie, le 19 septembre ? S’ils en ont un, il demeure à cette heure informulé. A moins que cette mutinerie initiale ne soit que le début d’autre chose, d’un mouvement plus vaste, orchestré ailleurs, ou d’un projet autrement plus structuré qui viendrait se substituer à ce premier épisode proto-politique ? A Accra les mutins ont gagné une tribune. Comment s’en serviront-ils ?
«Dialoguer n’est pas synonyme de faiblesse», déclarait le président en exercice de la CEDEAO, dimanche dans la capitale ghanéenne. C’est une formule inspirée par la sagesse. Dans le contexte ivoirien on imagine qu’elle fait grincer des dents à Abidjan.
par Georges Abou
Article publié le 30/09/2002 Dernière mise à jour le 29/09/2002 à 22:00 TU