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Kurdistan irakien

Chez les islamistes kurdes

L’arrestation de Mala Krekar risque de relancer la division des chefs islamistes kurdes, déchirés par les rivalités personnelles.
De notre envoyé spécial au Kurdistan irakien

Dressant sa masse imposante à plusieurs centaines de mètres au dessus de la ville de Halabja, le mont Shinerwe a été l’objet de batailles acharnées entre les Iraniens et les Irakiens, pendant les années 1980, et plus récemment, entre les «pechmergas» (combattants) de l’Union Patriotique du Kurdistan de Jelal Talabani et les combattants du groupe fondamentaliste «Ansar al Islam».

Depuis le début du mois d’octobre 2001, il est entre les mains de l’UPK qui a repris cette montagne éminemment stratégique après une dure bataille qui s’est prolongée pendant deux nuits et une journée, et qui a fait 40 morts chez les partisans de l’Ansar, et 13 chez l’UPK.

Inspectant les positions de ses pechmergas sur les mamelons du sommet du mont Shinerwe, cheikh Jaffar Barzinji, membre du commandement général des forces de l’UPK, nous donne une magistrale leçon de géographie politique: à une dizaine de kilomètres devant nous, se détachent très nettement des taches vertes au pied de l’imposante chaîne des monts Haoramand, qui domine la plaine de Charizour: ce sont, successivement, de gauche a droite, les villages de Khurmal, Ahmed Aoua, Sergat, Gouloup, et les petites villes de Biyara et Taouila.

Nichées dans des vallées au pied des monts Haoramand, ces agglomérations, abondamment pourvues en eau par des sources intarissables, forment des îlots de végétation qui se détachent très nettement sur ces montagnes arides.

Cheikh Jaffar, un petit homme nerveux, pechmerga depuis l’âge de 19 ans, qui a reconquis de haute lutte le mont Shinerwe à la tête de ses pechmergas, nous explique que ce panorama représente le spectre politique de toutes les tendances de l’islam politique présentes au Kurdistan irakien: tout a gauche, les villages de Khurmal et d’Ahmed Aoua constituent le quartier général du mollah Ali Bapir, l’émir du Komal Islam. Gouloup était la base de Mala Krekar, l’émir d’Ansar al Islam, qui contrôle aussi la petite ville de Biyara. Taouila est théoriquement contrôlée par le Mouvement Islamique Unifie du Kurdistan (MIUK) de mollah Ali Abdel Aziz.

Une nébuleuse hétérogène

Mais en fait, géographiquement et politiquement, les choses ne sont pas aussi claires: ces groupuscules islamiques ne cessent de se faire et de se défaire, et les hommes circulent librement d’un village à l’autre. Le mollah Ali Bapir a des mots très durs pour le mouvement «Ansar al Islam». «Ils tirent avant de parler, nous a-t-il dit, et ils risquent de faire couler le bateau sur lequel vivent tous les Kurdes de la région libérée du Kurdistan». Mais en traversant le village de Khurmal, pour aller à son quartier général d’Ahmed Aoua, nous avons pu y voir de nombreux combattants d Ansar al Islam, reconnaissables à leur tenue particulière: plus de 150 familles de combattants d’Ansar al Islam vivraient à Khurmal. Et beaucoup soupçonnent Ali Bapir d’avoir avec Ansar al Islam des relations beaucoup plus étroites qu’il ne veut bien le dire.

De même, la ville de Taouila est théoriquement contrôlée par le MIUK de mollah Ali Abdel Aziz; mais, selon un observateur kurde averti, son fils Tahsine, qui l’y représente, «n’obéit pas à son père, et, en fait, fait partie du mouvement d’Ansar al Islam», dirigé par Mala Krekar.

Cette nébuleuse islamique kurde est composée de groupes très hétérogènes, diriges par des émirs déchirés par des rivalités personnelles, et l’arrestation de Mala Krekar risque fort de susciter de nouvelles divisions.



par Chris  Kutschera

Article publié le 21/09/2002