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Serbie

Deuxième tour : l’inconnue de la participation

Les sondages sont unanimes et prévoient tous une large victoire de Vojislav Kostunica sur le candidat réformateur Miroljub Labus, au second tour de l’élection présidentielle serbe, prévue pour dimanche prochain. Le face-à-face télévisé entre les deux hommes organisé mercredi soir, une première en Serbie, ne devrait pas changer la donne. L’appel à la participation lancé par les deux candidats ne sera pourtant peut-être pas suffisamment entendu.
De notre correspondant dans les Balkans

Si Vojislav Kostunica paraît donc assuré de l’emporter dimanche soir, il n’est pas certain, pour autant, qu’il devienne Président de Serbie. En effet, la loi exige un taux de participation de 50% au moins des électeurs inscrits pour que l’élection soit validée. Or, au premier tour, le 29 septembre dernier, ce taux de participation n’avait été que 55,5% des inscrits. Et plusieurs candidats appellent au boycottage du deuxième tour, notamment le candidat de l’extrême droite ultra-nationaliste, Vojislav Seselj, fort des 22,5% qu’il a engrangé le 29 septembre. Le Parti socialiste de Serbie, la formation de l’ancien Président Slobodan Milosevic, a aussi lancé un appel au boycottage.

Vojislav Seselj et les socialistes seront sûrement entendus par une partie de leurs électeurs, très disciplinés. De plus, tous les analystes soulignent qu’en Serbie, la participation a toujours tendance à chuter entre les deux tours de scrutin. À l’inverse, il est probable qu’une partie au moins des électeurs qui ont donné leur voix à Vojislav Seselj ou à d’autres candidats nationalistes lors du premier tour choisiront, dimanche, d’émettre un «vote utile» en faveur de Vojislav Kostunica, qu’ils perçoivent comme un «moindre mal» par rapport au réformateur Mirolub Labus.

Le véritable enjeu demeure toutefois d’essayer de mobiliser les abstentionnistes du premier tour. Les jeunes et les classes urbaines instruites, plutôt susceptibles de voter pour Miroljub Labus, avaient alors largement boudé les urnes. À Belgrade, beaucoup d’anciens militants de l’opposition au régime de Slobodan Milosevic n’ont pas voté le 29 septembre : «j’attendais un candidat de gauche, et Miroljub Labus est un ultra-libéral», explique ainsi Milo Petrovic, sociologue. Nombreux sont ceux qui reprochent à Miroljub Labus d’avoir feint de se rapprocher du nationalisme traditionnel pour tenter de gagner les faveurs de l’électorat. «Pourquoi Miroljub Labus a-t-il cru de répéter qu’il était un fidèle croyant orthodoxe ? pourquoi a-t-il commencé sa campagne en allant au pèlerinage au monastère serbe du Mont Athos ? Il est difficile de savoir quel aurait été son score s’il s’était vraiment présenté comme un candidat libéral, moderne et laïc», analyse l’éditeur Ivan Colovic.

Beaucoup de ces déçus de la campagne de Miroljub Labus voteront toutefois pour ce dernier dimanche prochain, afin de faire barrage au nationalisme conservateur que représente Vojislav Kostunica. Milo Petrovic ira lui aussi voter. «L’essentiel est que les élections soient validées. Les votes blancs compteront tout autant», explique-t-il, sans préciser davantage ses intentions. «Les préférences certaines de l’Occident pour le candidat Labus ont moins d’importance que le succès des élections. Si la Serbie se retrouve sans président dimanche soir, ce sera un très mauvais signal sur la stabilisation et la démocratisation du pays», reconnaissent la plupart des commentateurs politiques.

Il n’est pas certain que cette mobilisation des abstentionnistes soit suffisante. Si l’élection était annulée, la Serbie connaîtrait une nouvelle crise politique. Le gouvernement sera tenu d’organiser un nouveau scrutin dans un délais de trois mois. Dans l’immédiat, le Premier ministre de Serbie, Zoran Djindjic, adversaire résolu de Vojislav Kostunica, se retrouvera cependant plus que jamais maître du jeu. À charge pour lui d’accélérer le rythme des négociations constitutionnelles avec le Monténégro, afin de vider de toute sa substance la présidence fédérale yougoslave, toujours occupée par Vojislav Kostunica.



par Jean-Arnault  Dérens

Article publié le 12/10/2002