Monténégro
Violences et incertitudes
«Chacals, traîtres, bandits mafieux», le Monténégro a connu une campagne électorale particulièrement violente, où les insultes ont trop souvent remplacé le débat d’idées. En filigrane des élections législatives anticipées de dimanche, pour la désignation de 75 députés, des questions essentielles se trouvent néanmoins posées: le statut du Monténégro et l’avenir de la Fédération yougoslave, et la poursuite de la carrière politique de Milo Djukanovic.
De notre correspondant dans les Balkans
«La route est claire, le but est clair: un Monténégro européen», proclament les affiches des partisans du Président Djukanovic, qui pose en bras de chemise, sans cravate. Ces élections législatives ressemblent fort à un tour de chauffe avant les présidentielles qui viennent d’être convoquées pour le 22 décembre. Et Milo Djukanovic ne s’y trompe pas: il a énormément payé de sa personne tout au long de la campagne, prenant la pose en habits traditionnels, et buvant à la volée des rasades d’eau-de-vie.
Depuis le printemps, le Monténégro n’a plus de gouvernement, plus de majorité, et les institutions étatiques sont l’objet d’une âpre bataille entre les trois clans qui dominent la scène politique. D’un côté, «le bloc monténégrin», qui regroupe les partisans de Milo Djukanovic, et qui revendique toujours l’objectif de l’indépendance, même si l’accord conclu avec la Serbie en mars dernier «gèle» cette question pour trois ans. En face, la coalition «Ensemble pour les changements» regroupe les différents partis pro-serbes ou pro-yougoslaves, qui veulent à tout prix le maintien d’un Etat commun avec la Serbie. Et la troisième force, les Libéraux, hier indépendantistes farouches, maintenant prêts à s’entendre avec l’opposition pro-serbe.
«Nous ne renoncerons jamais à l’objectif sacré de l’indépendance, mais cette perspective est bloquée pour trois ans au moins, en raison de la trahison de Milo Djukanovic qui, au lieu du référendum, a signé un accord avec Belgrade», tonne le porte-parole des Libéraux, Slavko Perovic. Du coup, les Libéraux ont mis «entre parenthèses» la revendication de l’indépendance, pour se concentrer sur un autre objectif: la lutte contre le crime organisé, la corruption et la mafia. Et ils ont désigné un ennemi n°1: le régime de Milo Djukanovic. Pour abattre ce régime, les Libéraux n’auront pas de scrupules à passer une alliance «contre-nature», avec les partis pro-serbes, eux aussi bien décidés à en finir avec Milo Djukanovic.
Les électeurs observent sans enthousiasme
La population, qui avait été convoquée à des élections législatives en avril 2002 et à des municipales en mai 2002, observe ces passes d’armes sans grand enthousiasme, et même parfois avec un certain dégoût. De nombreux indépendantistes risquent de ne pas suivre la déconcertante attitude des Libéraux, sans se décider pour autant à voter en faveur de la coalition «Pour un Monténégro européen» de Milo Djukanovic.
Durant plusieurs années, la petite république a fait figure de principale force d’opposition au régime de Slobodan Milosevic. À ce titre, le Monténégro était le second pays au monde à toucher la plus forte aide financière américaine par habitant après Israël. Ce «bon temps» est terminé, et le pays est plongé dans une crise économique que l’introduction de l’euro comme monnaie légale n’a fait qu’aggraver: les prix ont doublé en neuf mois, sans que les salaires ne suivent.
Les engagements économiques des partisans de Milo Djukanovic, qui promettent de poursuivre réformes et privatisations, ne sont guère pris au sérieux. La plupart des privatisations menées jusqu’à présent ont échoué, à moins qu’elle ne bénéficient directement à des intérêts mafieux. L’opposition pro-yougoslave se croit donc aux portes du pouvoir, mais les partisans de Milo Djukanovic usent de tous les moyens d’une «bonne» campagne à la monténégrine: pressions sur les électeurs, achats de voix, etc. Et la participation risque d’être particulièrement faible.
La plupart des analystes envisagent la possibilité d’un statu quo, les partisans de Milo Djukanovic et les pro-yougoslaves faisant jeu égal, et les Libéraux se retrouvant encore une fois en position d’arbitres. Avec un tel scénario, le Monténégro aurait encore beaucoup de mal à se doter d’un gouvernement stable. Les réformes attendues de la justice et de la police se feraient attendre. La lutte contre la criminalité organisée en resterait aux promesses d’intention, et les négociations constitutionnelles avec la Serbie ne seraient pas près d’aboutir.
La «formule miracle» de l’Union européenne, qui croyait pouvoir désamorcer la crise monténégrine en poussant à la création d’une nouvelle union avec la Serbie et en obtenant un moratoire sur la question de l’indépendance montrerait alors ses limites.
«La route est claire, le but est clair: un Monténégro européen», proclament les affiches des partisans du Président Djukanovic, qui pose en bras de chemise, sans cravate. Ces élections législatives ressemblent fort à un tour de chauffe avant les présidentielles qui viennent d’être convoquées pour le 22 décembre. Et Milo Djukanovic ne s’y trompe pas: il a énormément payé de sa personne tout au long de la campagne, prenant la pose en habits traditionnels, et buvant à la volée des rasades d’eau-de-vie.
Depuis le printemps, le Monténégro n’a plus de gouvernement, plus de majorité, et les institutions étatiques sont l’objet d’une âpre bataille entre les trois clans qui dominent la scène politique. D’un côté, «le bloc monténégrin», qui regroupe les partisans de Milo Djukanovic, et qui revendique toujours l’objectif de l’indépendance, même si l’accord conclu avec la Serbie en mars dernier «gèle» cette question pour trois ans. En face, la coalition «Ensemble pour les changements» regroupe les différents partis pro-serbes ou pro-yougoslaves, qui veulent à tout prix le maintien d’un Etat commun avec la Serbie. Et la troisième force, les Libéraux, hier indépendantistes farouches, maintenant prêts à s’entendre avec l’opposition pro-serbe.
«Nous ne renoncerons jamais à l’objectif sacré de l’indépendance, mais cette perspective est bloquée pour trois ans au moins, en raison de la trahison de Milo Djukanovic qui, au lieu du référendum, a signé un accord avec Belgrade», tonne le porte-parole des Libéraux, Slavko Perovic. Du coup, les Libéraux ont mis «entre parenthèses» la revendication de l’indépendance, pour se concentrer sur un autre objectif: la lutte contre le crime organisé, la corruption et la mafia. Et ils ont désigné un ennemi n°1: le régime de Milo Djukanovic. Pour abattre ce régime, les Libéraux n’auront pas de scrupules à passer une alliance «contre-nature», avec les partis pro-serbes, eux aussi bien décidés à en finir avec Milo Djukanovic.
Les électeurs observent sans enthousiasme
La population, qui avait été convoquée à des élections législatives en avril 2002 et à des municipales en mai 2002, observe ces passes d’armes sans grand enthousiasme, et même parfois avec un certain dégoût. De nombreux indépendantistes risquent de ne pas suivre la déconcertante attitude des Libéraux, sans se décider pour autant à voter en faveur de la coalition «Pour un Monténégro européen» de Milo Djukanovic.
Durant plusieurs années, la petite république a fait figure de principale force d’opposition au régime de Slobodan Milosevic. À ce titre, le Monténégro était le second pays au monde à toucher la plus forte aide financière américaine par habitant après Israël. Ce «bon temps» est terminé, et le pays est plongé dans une crise économique que l’introduction de l’euro comme monnaie légale n’a fait qu’aggraver: les prix ont doublé en neuf mois, sans que les salaires ne suivent.
Les engagements économiques des partisans de Milo Djukanovic, qui promettent de poursuivre réformes et privatisations, ne sont guère pris au sérieux. La plupart des privatisations menées jusqu’à présent ont échoué, à moins qu’elle ne bénéficient directement à des intérêts mafieux. L’opposition pro-yougoslave se croit donc aux portes du pouvoir, mais les partisans de Milo Djukanovic usent de tous les moyens d’une «bonne» campagne à la monténégrine: pressions sur les électeurs, achats de voix, etc. Et la participation risque d’être particulièrement faible.
La plupart des analystes envisagent la possibilité d’un statu quo, les partisans de Milo Djukanovic et les pro-yougoslaves faisant jeu égal, et les Libéraux se retrouvant encore une fois en position d’arbitres. Avec un tel scénario, le Monténégro aurait encore beaucoup de mal à se doter d’un gouvernement stable. Les réformes attendues de la justice et de la police se feraient attendre. La lutte contre la criminalité organisée en resterait aux promesses d’intention, et les négociations constitutionnelles avec la Serbie ne seraient pas près d’aboutir.
La «formule miracle» de l’Union européenne, qui croyait pouvoir désamorcer la crise monténégrine en poussant à la création d’une nouvelle union avec la Serbie et en obtenant un moratoire sur la question de l’indépendance montrerait alors ses limites.
par Jean-Arnault Dérens
Article publié le 19/10/2002