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Golfe

Bahreïn: l'opposition boycotte les élections

Un quart de siècle après la suspension de la vie parlementaire à Bahreïn, les premières élections législatives se tiennent ce jeudi. Mais la décision des principales formations de l’opposition de boycotter le scrutin en relativisent fortement la portée.
Le roi –puisque roi il y a désormais– a dû battre le rappel des électeurs en appelant les citoyens à se rendre aux urnes. Les militaires (entre 25 000 et 30 000) sont invités à accomplir leur devoir électoral. L’enjeu est de taille : la crédibilité de ces premières élections législatives organisées à Bahreïn depuis 1973 (et la dissolution du parlement en 1975). Mais ce scrutin, qui devait être l’apothéose du retour à la démocratie de l’archipel, après une suspension de vingt-sept ans, marquée par le régime des lois d’exception, risque d’être terni par l’abstention des quatre principales formations de l’opposition qui ont appelé à boycotter le vote.

Ces quatre formations (en l’absence de partis politiques qui ne sont toujours pas formellement autorisés), qui regroupent des mouvements nationalistes et islamistes, ont longuement hésité avant de décider, finalement, d’opter pour le boycottage. Dans une démonstration qui n’est pas passée inaperçu, dans cette petite monarchie du Golfe où, naguère encore, toute manifestation était interdite et réprimée, dans la nuit de mardi à mercredi, près de 75 000 personnes se sont rassemblées à l’appel de leur coordination à Manama, la capitale. Symboliquement, le rassemblement s’est tenu dans le quartier de Juffair, où se trouve le siège de la Ve flotte américaine, qui aurait un rôle capital à jouer dans le cas d’une attaque américaine contre l’Irak.

L’opposition dénonce une «mascarade»

Les plus hésitants à se prononcer pour le boycottage sont aujourd’hui les plus déterminés : les islamistes chiites de l’Association de l’entente nationale islamique, menés par un jeune prédicateur naguère déporté vers la Grande Bretagne, cheikh Ali Salmane. Vainqueurs incontestés des élections municipales du mois de mai (une autre première à Bahreïn), ils avaient toutes les chances d’être confortablement représentés dans la nouvelle Assemblée nationale. Ce qui a emporté leur décision (et celle des autres mouvements) est la nouvelle constitution, amendée par l’émir le jour même où il se proclamait roi, le 14 février dernier.

Contrairement à toutes les promesses faites précédemment, la nouvelle constitution instituait un bicaméralisme dans lequel le sénat, une assemblée entièrement composée de membres nommés par le monarque, a le dernier mot en cas de désaccord avec l’Assemblée Nationale, composée pour l’essentiel (mais pas uniquement) de membres élus au suffrage universel. De plus, le roi se réservait le pouvoir de réviser seul la Constitution comme bon lui semble. Après avoir été plongés dans la stupeur, puis l’abattement et enfin la colère, les mouvements d’opposition, toute tendances confondues, ont décidé de rester à l’écart de ce qui leur apparaissait comme une mascarade. La décision n’a pas été facile à prendre car après plus d’un demi-siècle d’exil ou de prison, ces opposants aspiraient à prendre part à la réconciliation que leur offrait le roi Cheikh Hamad Bin Salman Al Khalifa. Le progrès, par rapport aux années de plomb dont sort Bahreïn, n’est pas mince : la participation aux élections des femmes (que la plus vieille démocratie parlementaire du Golfe, le Koweït, continue de leur refuser) et un rôle, même consultatif, dans la conduite des affaires du pays. Pour qui a connu le pays depuis le milieu des années 70, le contraste est saisissant : la parole s’est libérée, les journaux, naguère insipides, contiennent désormais une véritable information et ouvrent leurs colonnes à l’opposition.

Ils sont quand même 174 candidats (dont huit femmes) à se disputer les faveurs des quelque 243 000 inscrits pour 37 sièges. Mais lors des élections municipales du printemps, le taux de participation n’avait été que de 51,28 %. Compte tenu de l’appel à boycotter les urnes des principaux partis d’opposition, la participation électorale risque d’être plus faible encore pour ces premières élections législatives en un quart de siècle.



par Olivier  Da Lage

Article publié le 23/10/2002