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Chine

Congrès du PCC : le capitalisme à visage autoritaire

Le XVIe congrès du plus grand parti communiste du monde s’est ouvert à Pékin ce matin. Renouvellement de l’équipe dirigeante et grandes orientations sont au programme, alors que tout le pays se tient au garde-à-vous.
De notre correspondant à Pékin,

C’est un rendez-vous décisif. Pendant une semaine, plus de deux mille délégués du Parti communiste chinois (PCC) représentant les provinces, les villes, le comité central et les hauts cadres, sont réunis à Pékin pour désigner les nouveaux dirigeants suprêmes. Le congrès a lieu tous les cinq ans, mais cette fois-ci il est spécialement important, car Jiang Zemin, secrétaire général du PCC, va quitter ses fonctions et on connaîtra son successeur. En fait, pas de surprise, car tout est prévu à l’avance par le Comité central. Le successeur désigné est Hu Jintao, actuellement vice-président. On ne connaît presque rien de cet homme de 59 ans, ingénieur hydraulique de formation, qui a fait très peu d’apparitions en public. On le dit capable de mémoriser des discours officiels de plus d’une heure. Ancien gouverneur de la province du Tibet, il a maté les émeutes anti-chinoises de 1989, ce qui lui a valu l’estime de Deng Xiaoping, qui l’a alors désigné comme dauphin. Hu n’a jamais occupé de fonctions en rapport avec l’économie, et a peu voyagé à l’étranger. C’est son défaut, mais il connaît bien l’intérieur du pays. Il fait partie de la quatrième génération de dirigeants, celle qui a connu la Révolution culturelle, et qui est fortement marquée par le nationalisme.

La cérémonie s’est ouverte ce matin par un discours-fleuve de Jiang Zemin, qui a rappelé le «rôle central du PCC dans la gouvernance du pays», et que la Chine «ne suivra pas le modèle occidental de démocratie multipartite». Il s’en est aussi pris à la corruption, «fléau qui ronge notre développement économique». La grande nouveauté de ce congrès, annoncée également dans ce discours, est la main tendue aux «éléments avancés de la société», c’est-à-dire les entrepreneurs capitalistes privés, qui pourront joindre les rangs du plus grand parti communiste du monde, qui compte déjà 66 millions de membres. Il s’agit d’adapter le parti à son époque. Depuis l’ouverture des années 80, le secteur privé a pris une importance considérable (la moitié de la richesse nationale), et Jiang sait que pour conserver le pouvoir, le parti doit absorber les forces libérales.

Ce lifting du socialisme aux couleurs de la Chine constituera d’ailleurs le point d’orgue du congrès, avec l’inscription à la charte du PCC de l’importante Théorie des Trois représentativités. C’est une œuvre de sept cents pages de théorie signée par Jiang, qui indique que le parti ne doit pas seulement représenter les ouvriers et les paysans, mais aussi l’élite sociale et le patronat. Cette théorie a suscité l’opposition des conservateurs dans les rangs du parti, mais a l’approbation du plus grand nombre des cadres.

Aucune concession politique


Pour l’ouverture de ce congrès, la Chine se tient au garde-à-vous. Comme aux temps héroïques, une intense campagne de propagande a été lancée depuis deux semaines dans tout le pays. Les principaux journaux, décorés de bandeaux rouges avec faucille et marteau, sont tenus de faire leur une sur l’événement. Des mouvements idéologiques battent leur plein sur les campus, pour inciter les étudiants à adhérer au PCC, tandis que les radios diffusent en continu des chansons patriotiques et révolutionnaires entrecoupées de flashs de propagande. Dans les rues de Pékin, des drapeaux rouges flottent dans les rues, devant les portes des habitations et sur les bâtiments publics: c’est la consigne officielle. Le long des artères autour de la place Tiananmen, où se trouve le Palais du peuple, et où a lieu le congrès, des militaires sont placés tous les six mètres, formant un ruban kaki a perte de vue. Le ministère de la Sécurité a d’ailleurs ordonné aux forces de l’ordre de renforcer leur surveillance à l’échelon national.

Résultat: en l’espace de deux semaines, il y a déjà eu 46 exécutions de prisonniers dans différentes provinces, et plusieurs centaines d’arrestations de migrants, notamment musulmans. Mais cette campagne sécuritaire n’a pas découragé un groupe de 200 démocrates de signer une lettre ouverte au Parti, pour demander plus de démocratie. La lettre, publiée la semaine dernière, demande des élections libres dans tout le pays, une batterie de réformes politiques pour soutenir la croissance économique, ainsi que la reconnaissance par le gouvernement du massacre de Tiananmen, en 1989. Cette lettre ouverte n’a pas du tout plu aux autorités, et ses principaux signataires ont été aussitôt placés en garde-à-vue. Le message est clair: lors de ce XVIe congrès du Parti communiste chinois, aucune concession ne sera faite dans le domaine politique.



par Abel  Segrétin

Article publié le 08/11/2002