Pakistan
Epreuve de force à Islamabad
Le chef de l’Etat pakistanais est en difficulté. Il fait face à une coalition d’opposition qui menace son pouvoir. En conséquence, Pervez Musharraf a reporté d’une semaine l’ouverture de la session du Parlement qui devait se tenir le 8 novembre. Il veut mettre à profit ce délai pour réunir une majorité favorable à ses projets.
C'est une coalition quelque peu hétéroclite qui se dresse sur le chemin du général Musharraf, mais elle fonctionne, et avant même d'avoir pu engager le fer. En effet, la session inaugurale du Parlement, la première depuis trois ans au Pakistan, est reportée d'une semaine, renvoyée donc au vendredi 15 novembre. Cette brusque décision, à deux jours de l'échéance, illustre le désarroi qui vient de saisir les autorités d'Islamabad après l'alliance d'opposition conclue entre une coalition de six partis islamistes (Muttahida Majlis-e-Amal, MMA) et le Parti du peuple pakistanais (PPP) de l'ancien Premier ministre en exil, Benazir Bhutto.
Sur le plan arithmétique, après les élections législatives du 10 octobre, et malgré les fraudes observées, on devrait donc compter une centaine de députés favorables à Pervez Musharraf, sur les bancs de la future assemblée, contre prés de 140 membres de la nouvelle alliance, sur un total de 342. En conséquence, celle-ci exige un Premier ministre issu de ses rangs et s'apprête à mener au Parlement une opposition farouche aux projets de renforcement des pouvoirs du général-président. La menace est en tout cas prise suffisamment au sérieux pour que les autorités, soucieuses de préserver une façade démocratique et n’ayant pas réussi à former une alliance majoritaire, tente une ultime manœuvre: gagner une semaine et la mettre à profit pour obtenir le soutien des petits partis afin d’inverser la tendance et d’être en mesure de former la prochaine équipe gouvernementale. A moins que cette opposition de circonstance ne franchisse pas les premières épreuves, à commencer par les intrigues qui ne manqueront pas de marquer la semaine qui s’annonce.
Spécialiste du grand écart
En effet les deux principales formations de la coalition n’ont en commun que la volonté d’entraver la mainmise de Musharraf sur la totalité des institutions. Mais pas pour les mêmes raisons. Les deux formations qui la composent auraient même davantage de points de désaccord que de convergence. Le PPP est un parti d’opposition traditionnel aux orientations laïques, attaché au départ des militaires et à la restauration de la démocratie; les partis du MMA veulent faire du Pakistan une théocratie. Bien que le choix commun de leur Premier ministre n’ait pas encore été annoncé officiellement, on évoque le nom de Maulana Fazlur Rehman, un dirigeant fondamentaliste connu pour sa rhétorique anti-américaine et pro-taliban. Une union opérationnelle, pour le moment, face à un adversaire commun, mais qui pourrait s’avérer bien fragile au sein d’un même cabinet.
Cette crise politique intérieure survient dans le contexte régional que l’on sait. Sous la pression de Washington, Islamabad a dû brusquement opérer un virage à 180° au lendemain des attentats du 11 septembre afin de servir de base arrière à la première phase de la contre-offensive anti-terroriste américaine. Le général Musharraf s’est trouvé un allié puissant, mais exigeant. Et il n’a pas cessé d’affronter une opposition de plus en plus vive à sa politique de collaboration avec Washington dont ces mésaventures politiques sont l’ultime avatar. Son opinion publique a dû consentir à exécuter avec lui, pratiquement du jour au lendemain, un grand écart d’une virtuosité étonnante dans la mesure où les Taliban sont une créature des Pakistanais. A présent que les Etats-Unis ont achevé l’essentiel de la mission qu’ils s’étaient fixés sur ce front-là, en chassant les talibans de Kaboul, le Pakistan a certainement perdu de son caractère indispensable dans le dispositif de «l’Oncle Sam». Ce qui ne signifie pas non plus que les Etats-Unis sont prêt à accepter la déstabilisation de l’un de leurs meilleurs alliés dans cette partie de l’Asie. Mais pour que ce scénario se réalise, il faudrait que la direction pakistanaise et ses puissants services secrets acceptent de se suicider en adhérant au jeu démocratique.
Sur le plan arithmétique, après les élections législatives du 10 octobre, et malgré les fraudes observées, on devrait donc compter une centaine de députés favorables à Pervez Musharraf, sur les bancs de la future assemblée, contre prés de 140 membres de la nouvelle alliance, sur un total de 342. En conséquence, celle-ci exige un Premier ministre issu de ses rangs et s'apprête à mener au Parlement une opposition farouche aux projets de renforcement des pouvoirs du général-président. La menace est en tout cas prise suffisamment au sérieux pour que les autorités, soucieuses de préserver une façade démocratique et n’ayant pas réussi à former une alliance majoritaire, tente une ultime manœuvre: gagner une semaine et la mettre à profit pour obtenir le soutien des petits partis afin d’inverser la tendance et d’être en mesure de former la prochaine équipe gouvernementale. A moins que cette opposition de circonstance ne franchisse pas les premières épreuves, à commencer par les intrigues qui ne manqueront pas de marquer la semaine qui s’annonce.
Spécialiste du grand écart
En effet les deux principales formations de la coalition n’ont en commun que la volonté d’entraver la mainmise de Musharraf sur la totalité des institutions. Mais pas pour les mêmes raisons. Les deux formations qui la composent auraient même davantage de points de désaccord que de convergence. Le PPP est un parti d’opposition traditionnel aux orientations laïques, attaché au départ des militaires et à la restauration de la démocratie; les partis du MMA veulent faire du Pakistan une théocratie. Bien que le choix commun de leur Premier ministre n’ait pas encore été annoncé officiellement, on évoque le nom de Maulana Fazlur Rehman, un dirigeant fondamentaliste connu pour sa rhétorique anti-américaine et pro-taliban. Une union opérationnelle, pour le moment, face à un adversaire commun, mais qui pourrait s’avérer bien fragile au sein d’un même cabinet.
Cette crise politique intérieure survient dans le contexte régional que l’on sait. Sous la pression de Washington, Islamabad a dû brusquement opérer un virage à 180° au lendemain des attentats du 11 septembre afin de servir de base arrière à la première phase de la contre-offensive anti-terroriste américaine. Le général Musharraf s’est trouvé un allié puissant, mais exigeant. Et il n’a pas cessé d’affronter une opposition de plus en plus vive à sa politique de collaboration avec Washington dont ces mésaventures politiques sont l’ultime avatar. Son opinion publique a dû consentir à exécuter avec lui, pratiquement du jour au lendemain, un grand écart d’une virtuosité étonnante dans la mesure où les Taliban sont une créature des Pakistanais. A présent que les Etats-Unis ont achevé l’essentiel de la mission qu’ils s’étaient fixés sur ce front-là, en chassant les talibans de Kaboul, le Pakistan a certainement perdu de son caractère indispensable dans le dispositif de «l’Oncle Sam». Ce qui ne signifie pas non plus que les Etats-Unis sont prêt à accepter la déstabilisation de l’un de leurs meilleurs alliés dans cette partie de l’Asie. Mais pour que ce scénario se réalise, il faudrait que la direction pakistanaise et ses puissants services secrets acceptent de se suicider en adhérant au jeu démocratique.
par Georges Abou
Article publié le 06/11/2002