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Islam en France

Le Conseil français du culte musulman enfin sur les rails

Nicolas Sarkozy a-t-il réussi là où ses prédécesseurs ont échoué pendant treize années, à savoir mettre en place une instance représentative du culte musulman en France ? Le succès de la rencontre de Nainville-les-Roches, près de Paris, semble l’accréditer puisque les différents participants à cette sorte de «conclave» sont parvenus à un accord sur la composition du futur Conseil français du culte musulman (CFCM). Même les plus récalcitrants comme le très médiatique Soheib Bencheikh, le mufti libéral de la mosquée de Marseille, se sont rendus aux arguments du ministre de l’Intérieur pour qui «tous les musulmans doivent participer» au CFCM pour «éviter un islam des caves qui nourrit le fondamentalisme».
En convaincant, le 9 décembre dernier, les trois plus grosses fédérations de musulmans de France de signer un protocole d’accord pour la création d’une instance représentative du culte musulman, le ministre de l’Intérieur Nicolas Sarkozy avait réussi le plus dur. La rivalité entre la mosquée de Paris, contrôlée par l’Algérie, la Fédération nationale des musulmans de France, la FNMF soutenue par le Maroc, et l’Union des organisations islamiques de France, l’UOIF proche des Frères musulmans d’Egypte, était en effet la principale cause des blocages de la consultation initiée en 1999 par l’ancien ministre de l’Intérieur Jean-Pierre Chevènement pour mettre en place une telle instance. Une fois obtenue la signature de ce protocole d’accord –qui portait sur les structures du futur CFCM, sur la composition de son conseil d’administration et de son bureau–, le ministre n’a plus eu qu’à convaincre les autres organisations musulmanes d’accepter de participer aux discussions relatives aux statuts de ce Conseil et d’en arrêter les modalités d’élections. Son credo pour y parvenir a été d’insister sur la nécessité de réussir un vrai débat, quitte à ce que les courants fondamentalistes y soient présents. Il s’est toutefois engagé à ce que «l’islam citoyen et libre des attaches étrangères» ait la place centrale dans le futur CFCM.

Il faut croire que Nicolas Sarkozy a su être convaincant puisque, outre les trois grandes fédérations, l’Union turco-islamique des affaires religieuses en France, la Fédération française des associations islamique d’Afrique, des Comores et des Antilles et les deux mouvements piétistes fondamentalistes, Foi et pratique et Tabligh, ont accepté de participer à la réunion de Nainville-les-Roches aux côtés des cinq grandes mosquées du pays et des six «personnalités qualifiées» choisies par le ministère de l’Intérieur. Moins de quarante-huit heures après le début de leurs travaux, les participants sont parvenus à un accord sur la composition du CFCM même s’il a fallu remettre en question l’accord du 9 décembre dernier et élargir le bureau du futur conseil à 16 membres au lieu des 11 prévus. La présidence du Conseil sera donc attribuée à Dalil Boubaker, le recteur de la grande mosquée de Paris. Les deux vice-présidences reviendront aux deux autres grandes fédérations que sont l’UOIF et la FNMF. Six postes seront attribués en outre aux autres organisations des musulmans de France, cinq aux grandes mosquées et deux aux fameuses «personnalités qualifiées». Les responsables musulmans se sont par ailleurs pliés aux exigences du ministère de l’Intérieur puisqu’une femme, Betoule Fekkar-Lambiotte, siège désormais au bureau du CFCM.

«Un accord historique»

La constitution de ce bureau n’est toutefois que la première étape dans la constitution du Conseil français du culte musulman. Les délégués de toutes les mosquées de France–plus de mille personnes– devront en effet élire son conseil d’administration. Cet organe aura le pouvoir de sanctionner les membres du bureau qui ne respecteront pas les orientations définies par le CFCM. Une fois mis en place, ce Conseil sera désormais l’interlocuteur des pouvoirs publics au niveau national et régional. Il sera chargé de négocier l’ouverture d’aumôneries musulmanes dans l’armée et l’Education nationale. Il sera également habilité à gérer les carrés musulmans dans les cimetières, la construction des mosquées et l’organisation du pèlerinage à la Mecque. La délivrance du label halal sera en outre de son ressort.

Nicolas Sarkozy a dû peser de tout son poids pour parvenir à cet accord qu’il a qualifié d’«historique», en soulignant notamment qu’il était l’aboutissement d’«un travail de longue haleine». Il est vrai que la France souhaitait depuis treize ans déjà qu’un organe représentatif du culte musulman soit mis en place à l’instar de celui qui existe depuis 1994 en Allemagne qui compte quelque 3,2 millions de musulmans. Dans l’hexagone, la communauté musulmane est estimée à environ cinq millions de personnes.



par Mounia  Daoudi

Article publié le 20/12/2002