Sri Lanka
Sur la route A 9 rouverte après 20 ans de guerre
Depuis 20 ans, le Sri Lanka est déchiré par une guerre civile qui oppose le gouvernement cingalais, ethnie majoritaire de l’Ile, aux sécessionnistes Tamouls du Nord et de l’Est. En 1987, après plusieurs semaines de combats, la route A9 a été définitivement fermée par les autorités, coupant de fait l’Ile en deux, imposant aux populations tamoules un embargo économique draconien et interdisant toute circulation entre le nord et le sud. Depuis l’accord de cessez-le-feu de février dernier et la réouverture de l’A9, la situation économique tend à s’améliorer et la région du Vanni, zone administrée par les rebelles du LTTE (le mouvement de libération des tigres de l’Eelam tamoul) s’ouvre aux échanges commerciaux.
Correspondance du Sri lanka
Sous le flot des bicyclettes, des piétons, des camions rafistolés, des tracteurs, des minibus, la route reprend peu à peu du service bien qu’elle soit parsemée de nids de poules et de cratères, vestiges des combats qui ont sévit dans la région. Unique axe de communication entre Nord et Sud, elle voit chaque jour, son trafic augmenter.
Sihan appuie violemment sur l’avertisseur et évite de justesse un bœuf paresseusement allongé sur la route. «Dès l’accord de cessez-le-feu, les rebelles du LTTE ont commencé à déminer la route et entrepris des travaux de reconstruction pour que la route A9 puisse être rouverte rapidement», raconte-t-il. Sihan est chauffeur de taxi à Kilinochchi, fief du LTTE, le mouvement de libération des tigres de l’Eelam tamoul.
A l’annonce du cessez-le-feu, Sihan a sorti sa vieille Austin aux sièges défoncées et l’a transformée en taxi collectif. «On peut désormais se rendre dans les autres villes. Je n’ai pas encore l’autorisation de circuler en dehors de la région du Vanni car je n’ai pas de plaque d’immatriculation nationale mais je peux aller chercher mes clients à Vavunya, qui arrivent par le train de Colombo». Vavunya, ville majoritairement tamoule en zone gouvernementale, semble prospère et développée. Ici pas de ruines ni de camps de réfugiés.
Tout est à reconstruire
De retour dans le nord de l’île, Arjuna Shankar est très ému. Tamoul de Jaffna, la grande ville du nord de l’Ile, il s’est réfugié avec sa femme à Colombo en 1983 après l’incendie de sa maison par les membres du JVP, le mouvement ultra-nationaliste cingalais. «Je ne suis pas revenu dans le Nord depuis la fermeture de l’A9 en 1987. je viens retrouver des membres de ma famille que je n’ai pas vus depuis 15 ans». A l’instar d’un touriste, Arjuna fait arrêter la voiture à l’entrée de Kilinochchi pour photographier le panneau indicateur: «Kilinochchi, capitale de l’Eelam Tamoul».
Au Kamatheny Lodge, Roi, directeur de l’unique hôtel de la ville, se frotte les mains. «Depuis l’ouverture en août dernier, nous avons accueilli plusieurs centaines de personnes. En majorité des tamouls de Colombo qui viennent retrouver la famille et des cingalais qui viennent découvrir une partie de leur pays qui leur était interdite».
Critiana Veroni, elle, est ethnologue à l’Université de Bologne. Elle était venue accompagner un groupe d’adolescents tamouls exilés en Italie. «Quand nous sommes venus, il y a trois mois, l’hôtel venait d’ouvrir, il n’y avait pas encore l’électricité. Les jeunes étaient complètement déboussolés: ils n’avaient pas imaginé leur pays en ruine et ont été élevés dans le mythe de l’Eelam Tamoul». Elle s’étonne de la rapidité des travaux et du développement que connaît la région depuis son premier séjour: réinstallation du téléphone, réouverture des magasins, restructuration du marché.
Au secrétariat général du développement, dépendant du gouvernement, A. Nagendran, le directeur de projet s’affaire autour de l’ordinateur et peste contre les coupures de courant encore fréquentes. Constamment interrompu dans son travail par une succession de décisions à prendre, Nagendran garde le sourire et règle les problèmes au cas par cas. «L’organisation est très compliquée car tout est à reconstruire et tout arrive en même temps. Nous avons un afflux régulier de gens qui désirent se réinstaller dans la région, d’investisseurs, de touristes sri lankais ou étrangers mais nous n’avons absolument pas les infrastructures pour les accueillir».
Un nouvel établissement, l’A9 Inn, nom ô combien symbolique, ouvrira très prochainement ses portes grâce à une autorisation conjointe signée du LTTE et du secrétariat du développement.
Le soir tombe sur Kilinochchi, le trafic se raréfie sur l’A9, plongeant la ville dans le silence. Enthousiaste, Arjuna lève son verre sur la terrasse du KamathenyLodge: «La diaspora Tamoule va revenir maintenant. Elle va investir ici pour reconstruire le pays. Nous allons enfin connaître la paix et donner à cette région la place qui lui revient».
Sous le flot des bicyclettes, des piétons, des camions rafistolés, des tracteurs, des minibus, la route reprend peu à peu du service bien qu’elle soit parsemée de nids de poules et de cratères, vestiges des combats qui ont sévit dans la région. Unique axe de communication entre Nord et Sud, elle voit chaque jour, son trafic augmenter.
Sihan appuie violemment sur l’avertisseur et évite de justesse un bœuf paresseusement allongé sur la route. «Dès l’accord de cessez-le-feu, les rebelles du LTTE ont commencé à déminer la route et entrepris des travaux de reconstruction pour que la route A9 puisse être rouverte rapidement», raconte-t-il. Sihan est chauffeur de taxi à Kilinochchi, fief du LTTE, le mouvement de libération des tigres de l’Eelam tamoul.
A l’annonce du cessez-le-feu, Sihan a sorti sa vieille Austin aux sièges défoncées et l’a transformée en taxi collectif. «On peut désormais se rendre dans les autres villes. Je n’ai pas encore l’autorisation de circuler en dehors de la région du Vanni car je n’ai pas de plaque d’immatriculation nationale mais je peux aller chercher mes clients à Vavunya, qui arrivent par le train de Colombo». Vavunya, ville majoritairement tamoule en zone gouvernementale, semble prospère et développée. Ici pas de ruines ni de camps de réfugiés.
Tout est à reconstruire
De retour dans le nord de l’île, Arjuna Shankar est très ému. Tamoul de Jaffna, la grande ville du nord de l’Ile, il s’est réfugié avec sa femme à Colombo en 1983 après l’incendie de sa maison par les membres du JVP, le mouvement ultra-nationaliste cingalais. «Je ne suis pas revenu dans le Nord depuis la fermeture de l’A9 en 1987. je viens retrouver des membres de ma famille que je n’ai pas vus depuis 15 ans». A l’instar d’un touriste, Arjuna fait arrêter la voiture à l’entrée de Kilinochchi pour photographier le panneau indicateur: «Kilinochchi, capitale de l’Eelam Tamoul».
Au Kamatheny Lodge, Roi, directeur de l’unique hôtel de la ville, se frotte les mains. «Depuis l’ouverture en août dernier, nous avons accueilli plusieurs centaines de personnes. En majorité des tamouls de Colombo qui viennent retrouver la famille et des cingalais qui viennent découvrir une partie de leur pays qui leur était interdite».
Critiana Veroni, elle, est ethnologue à l’Université de Bologne. Elle était venue accompagner un groupe d’adolescents tamouls exilés en Italie. «Quand nous sommes venus, il y a trois mois, l’hôtel venait d’ouvrir, il n’y avait pas encore l’électricité. Les jeunes étaient complètement déboussolés: ils n’avaient pas imaginé leur pays en ruine et ont été élevés dans le mythe de l’Eelam Tamoul». Elle s’étonne de la rapidité des travaux et du développement que connaît la région depuis son premier séjour: réinstallation du téléphone, réouverture des magasins, restructuration du marché.
Au secrétariat général du développement, dépendant du gouvernement, A. Nagendran, le directeur de projet s’affaire autour de l’ordinateur et peste contre les coupures de courant encore fréquentes. Constamment interrompu dans son travail par une succession de décisions à prendre, Nagendran garde le sourire et règle les problèmes au cas par cas. «L’organisation est très compliquée car tout est à reconstruire et tout arrive en même temps. Nous avons un afflux régulier de gens qui désirent se réinstaller dans la région, d’investisseurs, de touristes sri lankais ou étrangers mais nous n’avons absolument pas les infrastructures pour les accueillir».
Un nouvel établissement, l’A9 Inn, nom ô combien symbolique, ouvrira très prochainement ses portes grâce à une autorisation conjointe signée du LTTE et du secrétariat du développement.
Le soir tombe sur Kilinochchi, le trafic se raréfie sur l’A9, plongeant la ville dans le silence. Enthousiaste, Arjuna lève son verre sur la terrasse du KamathenyLodge: «La diaspora Tamoule va revenir maintenant. Elle va investir ici pour reconstruire le pays. Nous allons enfin connaître la paix et donner à cette région la place qui lui revient».
par Aurélie Tisseyre
Article publié le 24/12/2002