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République tchèque

La fin des années Havel

Le Parlement tchèque se réunit mercredi pour tenter d’élire un nouveau président qui devra succéder au très charismatique Vaclav Havel, symbole du renouveau démocratique et artisan de la modernisation du pays. L’issue du scrutin reste toutefois très incertaine faute de favori indiscutable et plusieurs tours devraient être nécessaires avant que ne soit connu le nom du nouveau chef de l’Etat. Si ses prérogatives ne sont certes pas aussi étendues que dans d’autres démocraties, le président tchèque a tout de même des pouvoirs qui lui permettent d’influer sur la vie politique et économique du pays. Des pouvoirs dont a su user Vaclav Havel au cours de ses treize années passées à la tête de la Tchécoslovaquie puis de la République tchèque, au risque de voir vivement critiquée son ingérence dans les affaires du gouvernement. Avec son départ , les Tchèques tourneront néanmoins une page importante de leur histoire.
Lorsque Vaclav Havel est triomphalement porté à la tête de la Tchécoslovaquie en décembre 1989, c’est son passé de militant de la liberté et de la démocratie qui est honoré. Héros de la lutte contre le communisme, le dissident s’était illustré à travers notamment la rédaction de la Charte 77, un manifeste pour le respect des droits de l’homme qui avait eu un grand retentissement à l’étranger. Ses prises de positions politiques et idéologiques lui ont valu plusieurs séjours dans les geôles communistes dont le plus long dura quatre années. Auteur engagé dont les textes furent interdits pendant vingt ans, Vaclav Havel n’était pas vraiment préparé au métier de chef d’Etat, une tâche dont il s’est pourtant acquitté avec brio. Sur le plan politique, il a en effet permis l’instauration d’une démocratie strictement parlementaire dont la constitution lui retirait pourtant l’essentiel de ses prérogatives au profit du Premier ministre. L’un de ses rares échec aura toutefois été de ne pas avoir réussi à empêcher la partition en janvier 1993 du pays en deux Etats distincts, la Slovaquie et la République tchèque à la tête de laquelle il est néanmoins triomphalement réélu.

Sur le plan économique, les mesures de libération des prix et de suppressions des monopoles d’Etat en matière d’échanges extérieurs ainsi que les réformes structurelles ont permis d’engager très rapidement le passage d’une économie planifiée à une économie de marché. Les privatisations ont progressé plus vite que dans les autres pays de l’ancien bloc de l’Est, prenant aussi bien la forme de restitution de leurs biens aux anciens propriétaires que de ventes à des investisseurs locaux ou étrangers. Applaudie par les institutions financières internationales, cette politique a permis non seulement d’élargir considérablement la part du secteur privé dans la formation des richesses mais également d’engager une restructuration en profondeur de l’appareil productif. Bénéficiant d’une longue tradition industrielle, la République tchèque a en outre su attirer les investisseurs étrangers par une main d’œuvre qualifiée et relativement peu coûteuse.

Reconnaissance sur le plan international

En plus des réformes engagées sur les plans politique et économique, Vaclav Havel a su donner à la République tchèque une place sur la scène internationale. D’abord en signant dès 1991 des traités d’amitiés et de bon voisinage avec respectivement l’Allemagne, la Pologne et la Russie afin de régler des contentieux frontaliers nés de la Seconde Guerre mondiale et de l’occupation du pays par les troupes soviétiques après 1968. Puis en ouvrant l’économie de son pays vers les pays membres de l’Union européenne à travers un accord d’association conclu dès 1992.

Son charisme ainsi que le succès des politiques engagées sur le plan intérieur vaudront à Vaclav Havel le respect et l’appui des dirigeants occidentaux. La République tchèque est ainsi le premier pays de l’ancien bloc communiste à être admis en 1995 au sein de l’Organisation pour la coopération et le développement économiques (OCDE). Depuis 1999, elle est membre de l’OTAN et a même accueilli son dernier sommet à Prague destiné à étudier son élargissement aux autres pays d’Europe de l’Est. Elle est enfin appelée à devenir membre de l’Union européenne le 1er mai 2004.

Le président Vaclav Havel a indéniablement marqué de son empreinte l’histoire contemporaine de la République tchèque. Si au fil des années son étoile a un peu pâli à cause notamment de ses «leçons de morale aux politiques» et son ingérence dans les affaires du gouvernement, les Tchèques semblent aujourd’hui réaliser que son successeur n’aura probablement ni son autorité, ni sa vision, ni l’immense respect dont il jouit à l’étranger.

Ecouter également : Alexis Juan, Directeur général de la Kommercni bank.



par Mounia  Daoudi

Article publié le 15/01/2003