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L’avenir des vols habités en question

L’explosion de la navette Columbia a relancé le débat autour des dangers des vols habités. Les résultats de l’enquête, qui a déjà commencé, pour trouver les causes de cet accident seront, de ce point de vue, déterminantes et influeront, si ce n’est sur l’avenir des vols habités en général, au moins sur le choix d’en programmer d’autres à bord des trois navettes spatiales américaines encore disponibles.
«Notre aventure dans l’espace se poursuivra». Pour George W. Bush, le tragique accident de la navette Columbia qui a coûté la vie à sept astronautes et a endeuillé les Etats-Unis, ne remet pas en cause le programme spatial américain. Malgré tout, pour le moment la Nasa a décidé de suspendre tous ses vols en attendant de connaître les causes de l’explosion et de trouver les moyens d’éviter un nouvel accident.

Au-delà de l’enquête interne de l’Agence spatiale américaine, une commission indépendante a été nommée par le gouvernement pour mener des investigations. Elle est présidée par un amiral en retraite, Harold Gehman, qui avait déjà dirigé l’enquête sur l’attentat contre le vaisseau USS Cole au Yémen. Plusieurs hypothèses sont envisagées pour expliquer l’explosion. Il est possible que la navette ait dévié de sa trajectoire en phase d’atterrissage mais il est aussi envisageable que les protections thermiques de Columbia aient été détériorées à un moment ou un autre du vol. Dans ce cas, l’incident survenu au décollage qui avait endommagé l’aile de la navette pourrait avoir un lien avec l’accident.

Les navettes sont-elles obsolètes ?

Pour la Nasa, il s’agit d’un coup très dur. D’autant que ce n’est pas le premier. Le souvenir de l’explosion de Challenger, en 1986, est encore présent dans les esprits. A l’époque, les vols avaient été suspendus pendant trente-deux mois. Aujourd’hui, une telle décision aurait des implications énormes. Notamment en ce qui concerne l’assemblage de la Station spatiale internationale (ISS) pour lequel les navettes sont indispensables.

Le sort des trois astronautes qui y séjournent actuellement est d’ailleurs l’enjeu immédiat de la réflexion autour de la décision de reprendre ou non les vols. Pour le moment, ils ne sont pas en danger. Leur ravitaillement est assuré jusqu’à la fin du mois de mars, date à laquelle devait normalement s’achever leur mission dans l’espace. Il se pourrait malgré tout, que celle-ci soit prolongée, si d’ici-là il n’a pas été possible de sécuriser totalement l’envoi d’une navette pour les récupérer. Au pire, ils ont la possibilité d’utiliser le vaisseau Soyouz arrimé à la station. Mais il ne s’agit que de la solution du dernier recours.

A plus long terme, la Nasa va devoir procéder à une réévaluation des ses choix stratégiques. La question centrale étant de savoir s’il est prudent de continuer à utiliser les navettes spatiales dont la technologie date de près de quatre décennies. De nombreuses voix se sont d’ailleurs élevées depuis l’annonce de l’accident pour s’interroger sur le choix de faire voler Columbia, une navette mise en circulation en 1981. Patrick Baudry, l’astronaute français qui a participé à des vols sur la navette américaine, a par exemple, estimé que cela était devenu «dangereux et périmé».

A plusieurs reprises avant l’accident de Columbia, des mises en garde sur l’état de la flotte des navettes et les dangers liés à leur utilisation ont eu lieu. Un rapport du Conseil pour la sécurité aérospatiale avait ainsi précisé aux autorités américaines que la navette était «vieillissante». Un ex-ingénieur de la Nasa, Don Nelson, a aussi envoyé, en août dernier, une lettre au président Bush dans laquelle il évoque clairement la possibilité d’un accident et demande un moratoire sur les vols spatiaux.

L’Agence spatiale américaine a-t-elle mal évalué les risques ? A-t-on voulu, pour des raisons budgétaires (les fonds alloués à la Nasa ont été diminués de 40 % en dix ans) prolonger plus que de raison l’utilisation d’engins dont la longévité n’est pas infinie sans prendre suffisamment en compte les risques encourus par les équipages? L’explosion de Columbia est-elle due à des problèmes dans l’entretien des navettes ou les procédures de vols et met-elle en cause de nouveaux lancements ?

L’enquête donnera certainement des éléments de réponse. Quant à savoir si les vols habités doivent être poursuivis, la plupart des membres de la «grande famille de l’espace» semble y être favorables. John Glenn, le premier Américain à avoir fait une révolution autour de la terre, en 1962, a ainsi estimé que «les bénéfices de la conquête spatiale valaient vraiment les risques pris». La Chine a d’ailleurs annoncé qu’elle maintenait son projet de lancement d’un vaisseau spatial habité pour l’année 2003, malgré l’accident de Columbia.

Par contre, l’explosion de la navette pourrait inciter la Nasa à s’engager plus rapidement que prévu dans la mise au point d’une nouvelle génération de vaisseaux, plus petit et moins dangereux. Le projet d’un avion spatial orbital, lancé par une fusée classique, est en cours d’élaboration mais ne pourra pas être opérationnel avant plusieurs années.



par Valérie  Gas

Article publié le 03/02/2003