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Togo

Les préparatifs du scrutin présidentiel battent leur plein

Le processus électoral est définitivement lancé au Togo avec la clôture le 30 mars 2003 de la révision des listes électorales en vue du scrutin présidentiel de juin prochain. Contrairement à sa stratégie de boycott au cours des deux dernières législatives, l’opposition s’est engagée pour la présidentielle.
De notre correspondant à Lomé

Les préparatifs de la prochaine échéance électorale présidentielle sont entrés dans leur phase active avec le déroulement du 21 au 30 mars 2003 de la révision des listes sur lesquelles l’opposition a fortement appelé ses militants à s’inscrire. Contrairement aux législatives d’octobre 2002 et de mars 1999, qui avaient vu la seule participation du pouvoir, l’engagement de l’opposition dans le processus électoral en cour en change tout l’enjeu. Bien qu’ayant vigoureusement contesté la modification de la constitution et de la loi électorale, respectivement en décembre 2002 et en février dernier, les partis de l’opposition estiment à présent qu’il «ne faut pas laisser du boulevard» au chef de l’État, qui pourrait briguer un autre mandat.

Au cours d’une conférence de presse le 21 mars dernier, la Coalition des forces démocratiques (CFD), qui regroupe une dizaine de partis de l’opposition, avait appelé ses jeunes militants et la population à s’inscrire «massivement» sur les listes électorales ou à vérifier si leurs noms s’y figurent, pour ceux qui s’étaient déjà inscrits lors des précédentes opérations. Le langage a changé, et, sans doute, les esprits aussi.

Depuis fin février déjà, l’opposition s’est fait représenter à la Commission électorale nationale indépendante (CENI) en faisant élire par l’Assemblée nationale trois de ses membres sur les neuf que compte la CENI. Il a néanmoins fallu de longues et laborieuses discussions entre les participationnistes et les partisans du boycott, en l’occurrence l’Union des forces de changement (UFC) de l’opposant Gilchrist Olympio, pour désigner quatre membres dont trois seront élus par le Parlement. Le parti de M. Olympio, fidèle à son radicalisme, avait soutenu jusqu’au bout que participer à la présidentielle revenait à légitimer la modification des lois que l’opposition a toujours dénoncée. D’autant plus que le code électoral, depuis février 2002, et la constitution, modifiée en décembre dernier, exigeaient du futur candidat à la présidentielle, en l’occurrence le leader de l’UFC, en exil depuis plusieurs années, une résidence permanente d’au moins douze mois au Togo avant le scrutin.

La candidature unique devient un casse-tête

L’opposition dans sa majorité est désormais convaincue d’une évidence : le boycott n’a pas encore empêché le régime du général Gnassingbé Eyadéma d’organiser un scrutin, ni la présidentielle d’août 1993, ni les législatives de mars 1999 et d’octobre 2002. La divergence de vue a provoqué le départ en février de l’UFC de la Coalition. Un départ qu’on pourrait interpréter comme une libération des autres partis de l’opposition qui affirment, selon Me Yaovi Agboyibo du Comité d’action pour le renouveau (CAR), avoir boycotté les législatives d’octobre 2002 «par solidarité» à Gilchrist Olympio. «Maintenant que chacun est libre, aux actes opposants!», titrait à la une le 27 février 2003 l’hebdomadaire Carrefour (opposition).

Reste maintenant à résoudre la difficile équation de la candidature unique de l’opposition, c’est-à-dire de ce qui reste de la Coalition. Sur le principe, les partis membres de la CFD sont d’accord pour dégager un seul candidat pour la prochaine présidentielle. Mais, le profil du présidentiable est encore difficile à arrêter. Au sein de la Coalition, l’on compte encore entre autres Yaovi Agboyibo, arrivé en troisième position à la présidentielle de juin 1998, Edem Kodjo, ancien Premier ministre, Léopold Gnininvi et Zarifou Ayéva, anciens candidats à la présidentielle. Depuis douze ans, tous ces leaders de parti, toujours les mêmes, luttent chacun pour accéder au pouvoir.

C’est là où la candidature unique de l’opposition devient un casse-tête. L’idée avait été retenue pour mobiliser assez de voix des électeurs autour du candidat de l’opposition, suite à la première modification en février 2002 du code électoral qui rend désormais le scrutin «uninominal et à un seul tour». Ce qui fut à la base de la création de la Coalition en octobre dernier. Mais, la division et les conflits d’intérêt qui caractérisent l’opposition font croire, à juste titre, à plusieurs observateurs de la scène politique togolaise que l’hypothèse de candidature unique va sûrement provoquer l’éclatement de l’opposition.

D’ores et déjà, Gilchrist Olympio, après avoir qualifié la stratégie de participation au scrutin de ses collègues de «incohérente et illisible» et boudé la Coalition, a été le premier à annoncer, début mars, sa propre candidature à la présidentielle. Dans une déclaration la semaine dernière sur RFI, il rejette l’idée de candidature unique et affirme que «d’ailleurs» son parti est «suffisamment fort» pour affronter seul et battre Eyadéma aux élections, se fondant sur les résultats de juin 1998 qu’il estime à trois fois supérieurs à ceux de toute l’opposition réunie. S’il doit y avoir un candidat unique de l’opposition, il est sans doute l’homme idéal. Or, la Coalition, dont il ne fait plus partie, déclare qu’il «n’est pas son candidat». La candidature de Gilchrist Olympio, qui risque d’être rejetée par la Cour constitutionnelle, est perçue comme pour enquiquiner ses collègues de l’opposition, d’autant plus que le leader de l’UFC ne répond pas au critère de résidence au Togo. En fait, l’UFC reproche à la Coalition de ne s’être pas suffisamment battue pour ramener l’organisation du scrutin dans le cadre des accords politiques conclus en 1999 avec la mouvance présidentielle. Cette situation augure d’un sérieux bras de fer, d’une part entre l’UFC et le pouvoir qu’il combattait et d’autre part avec ses collègues de l’opposition qui semblent désormais se désolidariser du principal opposant au régime togolais.

La grande inconnue de ces conflits d’hégémonie demeure la candidature du chef de l’État. En dépit du fait que la constitution semble, visiblement, avoir été modifiée pour lui permettre de se succéder à lui-même, le président Eyadéma ne s’est pas encore prononcé, à quelques semaines des élections. Malgré les appels répétés des militants de son parti l’exhortant à briguer un nouveau mandat. En réponse à toutes ces sollicitations, le président de l’Assemblée nationale, Fambaré Ouattara Natchaba, avait publiquement déclaré en février que «Eyadéma sera notre candidat et il sera réélu brillamment». Le dernier soutien à la candidature du président Eyadéma vient de son fils aîné, le colonel Essonam Gnassingbé, commandant de l’unité para-commando de l’armée togolaise. «Pourquoi contre ?», a-t-il déclaré dans une interview le 28 mars 2003 à l’hebdomadaire Politicos (proche du pouvoir). «Comprenez simplement que je suis avec mon papa et je resterai toujours avec mon papa», a-t-il précisé.



par Guy  Mario

Article publié le 02/04/2003