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Togo

Le pouvoir reprend en main l’organisation des scrutins

L’Assemblée nationale togolaise a procédé le jeudi 6 février 2003 à la modification de plusieurs dispositions de la loi électorale, écartant ainsi la Commission électorale nationale indépendante (CENI) de son rôle principal. Le nouveau code électoral confie au ministère de l’Intérieur l’organisation des prochaines consultations électorales, en chargeant la CENI de veiller à leur régularité.
De notre correspondant à Lomé

Par une large majorité, sauf huit abstentions, le Parlement togolais a adopté le jeudi 6 février dernier d’importantes modifications au code électoral qui semblent désormais assurer la victoire du parti au pouvoir à la prochaine élection présidentielle, prévue avant la fin du premier semestre de cette année. La Commission électorale nationale indépendante, chargée jusqu’alors «d’organiser et de superviser les consultations électorales et référendaires en liaison avec le ministère de l’Intérieur», se retrouve réduite à la supervision de la transparence des scrutins. L’article 4 de la nouvelle loi dispose : «Le ministère de l’Intérieur est chargé de l’organisation des différentes consultations référendaires et électorales». L’article 6 précise : «Il est créé une Autorité administrative indépendante dénommée Commission électorale nationale indépendante (CENI) chargée de veiller à la régularité du déroulement des opérations référendaires et électorales». Il n’y a pas l’ombre d’une quelconque confusion entre les tâches de ces deux organes électoraux. L’organisation matérielle et technique des consultations, de l’établissement des listes électorales jusqu’à la confection des bulletins de vote, est du ressort du pouvoir. La loi modifie, par ailleurs, la composition de la CENI dont le nombre des membres est ramené de 10 à 9, afin de donner «plus d’efficacité à la structure» et d’éviter «les blocages dans le fonctionnement de la CENI», explique un communiqué du Parlement. Le président de la CENI est un magistrat des tribunaux de Première instance et les huit autres membres sont désignés sur une base paritaire par la majorité et l’opposition. Enfin, les candidats ou leur parti ne seront plus représentés dans les bureaux de vote. Chaque bureau de vote comprend quatre membres, tous nommés par le ministère de l’Intérieur. Autant de dispositions qui sont loin de convaincre l’opposition sur la transparence des scrutins.

Interrogé, Jean-Pierre Fabre, secrétaire général de l’Union des forces de changement (UFC) de l’opposant en exil Gilchrist Olympio, déclare, sans détour, que la modification du code électoral est un acte «nul et de nul effet». «L’Assemblée nationale monocolore et illégitime, issue de la dénonciation de l’Accord-cadre de Lomé par le régime RPT, peut procéder comme elle veut à toutes les modifications de la constitution ou du code électoral, pour garantir la victoire au chef de l’Etat ou à son système lors de la présidentielle prochaine. Pour nous, tout cela est nul et de nul effet», a déclaré M. Fabre. «Notre position est claire, a-t-il précisé, la prochaine élection présidentielle sera libre, transparente, équitable, démocratique, sans exclusion ou n’aura pas lieu». Pour Me Yaovi Agboyibo, leader du Comité d’action pour le renouveau (CAR), l’un des principaux partis de l’opposition, «ce ne sont pas les textes qui déterminent le destin d’un peuple, c’est la détermination du peuple qui décide de l’issue d’un scrutin». Le leader du CAR a ajouté que «c’est cet élément que l’opposition doit prendre en compte dans la réflexion à mener en réaction au code électoral qui vient d’être adopté». Pour des raisons de transparence des scrutins, souvent évoquées par l’opposition, le code électoral, élaboré en avril 2000 dans le cadre de l’Accord-cadre conclu en juillet 1999 entre la mouvance du président Gnassingbé Eyadéma et l’opposition, avait confié l’organisation et la supervision des scrutins à la Commission électorale nationale indépendante, créée à cet effet. Sa composition avait été arrêtée à 20 membres, à raison de 10 pour la mouvance et autant pour l’opposition, avec un président élu au sein des membres par les pairs. Cette configuration paritaire avait été pendant longtemps la source de nombre de blocages dans la prise des décisions de la CENI jusqu’à la dissolution de cet organe en décembre 2001, sans pouvoir organiser une seule consultation électorale.

Organiser un «scrutin transparent»

Officiellement, il s’agit, par la modification du code électoral, «d’éviter des retards et des blocages et de rendre plus opérationnelle la CENI», selon la Commission des Lois du Parlement. «La CENI, désormais sortie de cet engrenage de confusion d’attribution dans laquelle elle s’était engouffrée, doit mieux jouer son rôle et assurer une supervision effective sur les actes d’organisation que posera l’administration en matière électorale», a ajouté le ministre de l’Intérieur, le chef d’Escadron François Boko, au terme du vote des députés. Comme pour rassurer l’opposition, le ministre de l’Intérieur, dont le département aura désormais la charge d’organiser les prochaines élections, a garanti devant le Parlement d’organiser «un scrutin ransparent». «L’instrument que vous mettez à la disposition du gouvernement doit permettre, et je vous le garantis, d’organiser un scrutin transparent capable d’assurer une saine compétition électorale et de départager de façon équitable les protagonistes du jeu politique togolais», a déclaré le ministre François Boko. «C’est ce pari que nous prenons devant vous afin que les prochaines consultations soient crédibles, transparentes et équitables», a insisté le ministre de l’Intérieur. Il a alors demandé à la classe politique «de faire confiance aux lois de la République pour continuer à bâtir l’édifice jamais achevé de l’Etat de droit pour lequel le gouvernement s’attèle quotidiennement».

En l’espace de cinq semaines, le Parlement togolais, composé en majorité des députés du Rassemblement du peuple togolais (RPT) du président Eyadéma, vient de modifier deux textes fondamentaux devant régir les prochaines opérations électorales. Le 30 décembre 2002, il avait procédé à une réforme constitutionnelle qui permet notamment au chef de l’Etat, s’il le désire, de briguer un troisième mandat présidentiel. Elu en août 1993 lors des toutes premières consultations pluralistes au Togo, et réélu en juin 1998, il devait quitter le pouvoir en 2003 au terme de son second et dernier mandat présidentiel, selon l’ancienne constitution. En revanche, son plus farouche opposant, Gilchrist Olympio, en exil depuis plusieurs années, est écarté d’office de la course à la présidentielle. Les modifications apportées en décembre à la constitution exigent du candidat à la présidence une résidence permanente d’au moins 12 mois sur le territoire national. «Les actes actuels du régime procèdent de la pure provocation et n’iront pas loin», a prévenu le Secrétaire général de l’UFC, Jean-Pierre Fabre, avant d’ajouter : «Nous avons le devoir de bloquer dès maintenant le processus qui, inexorablement, nous conduit à Marcoussis».



par Guy  Mario

Article publié le 09/02/2003