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Fracture numérique

Logiciels libres: le moyen de réduire la fracture numérique

Comment réduire la fracture numérique entre l’Afrique et les pays développés ? C’est le défi que se lance le Comité de l’information pour le développement (Codi), un organe statutaire de la Commission économique des Nations unies pour l’Afrique (CEA). La troisième session de ce comité a regroupe du 12 au 17 mai à Addis Abeba plus de 400 experts dont un groupe de promoteurs de logiciels libres réunis pour un atelier organisé conjointement par la CEA et l’Agence intergouvernementale de la francophonie. Pour ces experts en informatique notamment, l’Afrique peut rattraper son retard numérique grâce aux possibilités offertes par les logiciels libres.
De notre envoyé spécial à Addis-Abeba

Un logiciel se définit comme libre par la garantie qu’il donne à son utilisateur, non seulement de l’exploiter de façon illimitée, mais aussi de pouvoir le modifier et le redistribuer librement. A l’opposé donc des logiciels propriétaires ou sous licence, le logiciel libre peut servir à l’ensemble de la communauté. «Grâce à leur facilité d’accès, les logiciels libres apparaissent ainsi comme les médicaments génériques pour l’Afrique». Pour les associations d’utilisateurs qui se sont réunies dans la capitale éthiopienne, les logiciels libres sont le meilleur moyen pour accélérer l’informatisation des entreprises africaines. Le constat, c’est que les coûts des logiciels propriétaires restent prohibitifs. Conséquence: certaines entreprises africaines rechignent à se lancer dans l’informatisation de leurs services. D’autres s’adonnent plutôt au piratage en copiant sur plusieurs ordinateurs un logiciel censé servir pour un seul. «Le jour où elles se font prendre, les pénalités sont si énormes que c’est la faillite», avertit un expert. Ce qui fait dire à Pierre Ouedraogo, responsable des programmes à l’Institut francophone des nouvelles technologies, que les logiciels libres constituent une chance pour le continent africain pour réduire la fracture numérique avec les pays développés. «Si l’Afrique ne s’y engage pas, prévient-il, les fonds internationaux qui lui seront octroyés dans le cadre du développement des technologies de l’information vont être engloutis dans des dépenses au profit des éditeurs de logiciels propriétaires alors que ces mêmes ressources auraient pu servir pour développer les logiciels libres et donner un début d’industrialisation numérique au continent».
«Il y a donc un choix stratégique à faire, souligne-t-il. l’Afrique veut-elle jouer un rôle dans la société de l’information ou veut-elle rester un consommateur passif ? Si elle veut être un acteur, il lui faut aller vers l’industrialisation. Sinon, ce qui va se passer pour elles dans la société de l’information, ce sera comme dans toutes les autres révolutions c’est-à-dire être simple consommateur».

A la disposition de la communauté internationale

Se basant sur l’expérience de certains pays développés ou d’Amérique latine déjà engagés dans le développement et la vulgarisation des logiciels libres, l’Afrique croit donc à ses chances. Un optimisme fondé sur quelques exemples existants déjà sur le continent comme au Mali où on a mis au point un logiciel en télémedecine utilisable partout. Le meilleur exemple vient de la Côte d’Ivoire ou des ingénieurs de Ci-Telcom viennent de mettre au point pour Aviso, sa filiale Internet, un logiciel unique pour la gestion commerciale, la facturation et l’authentification des abonnés. Il remplace l’ancien logiciel de fabrication israélienne qui revenait cher alors que son utilisation se heurtait fréquemment a des dysfonctionnements. Ce nouveau logiciel a été conçu sur un modèle libre. Les concepteurs qui appartiennent à l’association ivoirienne des utilisateurs de Linux et des logiciels libres ont décidé de le mettre a la disposition de la communauté internationale notamment des fournisseurs d’accès Internet. Ainsi, «ce logiciel qui fonctionne depuis un an sans problème va être mis à la disposition de la communauté internationale. Il pourra alors servir à des entreprises en France, en Australie, aux États-Unis, bref dans tous les pays ou nous achetons nous aussi des logiciels», lance fièrement Pierre Ouedraogo.

Principal concepteur de ce logiciel, Didier Kla, par ailleurs président de l’Association ivoirienne des utilisateurs de logiciels libres estime que les entreprises africaines disposent des compétences pour accélérer leur informatisation. «En Afrique, on a de bonnes écoles et de bons ingénieurs qui peuvent développer des logiciels. On peut donc informatiser nos administrations en s’appuyant sur des compétences locales, réduire les coûts d’accès à l’informatique en utilisant les logiciels libres et garantir la fiabilité de nos systèmes».
Il reste à convaincre les décideurs et les utilisateurs sur les opportunités des logiciels libres. Les promoteurs de ces outils réunis à Addis-Abeba ont recommandé pour la prochaine réunion des ministres de la CEA (juin 2003), l’adoption de textes réglementaires et de mesures pour vulgariser l’utilisation des logiciels libres. Parallèlement, ils ont eux-mêmes mis en place une association à l’échelle africaine qui devrait «fédérer toutes les énergies des africains qui travaillent dans ce domaine pour promouvoir, sensibiliser les décideurs sur l’opportunité que représente les logiciels libres pour une intégration de l’Afrique à la société mondiale de l’information».



par Alpha  Barry

Article publié le 19/05/2003