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Irak

L'appel à l'aide de Washington

Les Etats-Unis tentent d'obtenir une nouvelle résolution du Conseil de sécurité, qui encouragerait la communauté internationale à participer à l'effort de stabilisation en Irak. Mais, dans la mesure où ils refusent de céder la moindre parcelle de leur autorité à l'ONU, la démarche a peu de chances de réussir.
De notre correspondant aux Nations unies

Le Conseil de sécurité de l'ONU a réservé un accueil très mitigé, cette semaine, à la proposition américaine d'une nouvelle résolution, destinée à encourager la communauté internationale à participer militairement et financièrement à l'effort de stabilisation en Irak. L'idée n'est pas nouvelle. Colin Powell, le secrétaire d’Etat, s'en était fait l'avocat, au début de l'été, auprès de Kofi Annan et de plusieurs de ses homologues du Conseil de sécurité.

Dans l'espoir de lever les réticenses des pays qui hésitent à envoyer des troupes en Irak, le secrétaire d'Etat américain avait tenté d'obtenir une résolution en forme de bénédiction de l'opération américano-britannique en Irak. Il aurait pu y parvenir, si le Pentagone avait accepté, comme monnaie d'échange, de céder une partie de son autorité aux Nations unies. Mais cela n’a pas été le cas. En raison de l'intransigeance du commandement militaire, l'initiative américaine avait été abandonnée.

Colin Powell a tenté de la réanimer, en surfant sur la vague d'émotion créée par l'attentat meurtrier contre le siège de l'ONU à Bagdad, dans lequel au moins 24 personnes, dont le chef de la mission, Sergio Vieira de Mello, ont péri. «La démarche américaine est opportuniste, voire cynique», estime une diplomate du Conseil de sécurité. «Ils exploitent l'émotion créée par l'attentat contre le siège de l'ONU à Bagdad, pour faire passer une résolution dont nous ne voulons pas». Au lendemain de l'attaque contre le quartier général de l'ONU à Bagdad, Colin Powell s'est rendu à l'ONU à New York, où il a tenté de convaincre Kofi Annan de promouvoir l'idée d'une nouvelle résolution américaine.

Partager le fardeau

«Nous espérons une formulation qui pourrait demander aux Etats membres de faire plus», a-t-il expliqué. Il exclut toutefois de sortir l'ONU du rôle marginal dans lequel les Etats-Unis l'ont cantonnée depuis la fin de la guerre en Irak. «Nous n'avons pas eu à discuter de la question d'une délégation d'autorité», a poursuivi Colin Powell. Les Etats-Unis n'ont, pour l'instant, soumis aucun texte, mais leur projet tourne autour d'une résolution essentiellement symbolique, qui encouragerait les pays du monde à fournir des troupes fraîches à la coalition, ainsi que des policiers et des capitaux pour financer la reconstruction. Le tout, sous contrôle des forces d'occupation.

Au cours d'une séance publique du Conseil de sécurité consacrée à l'Irak, la France a répondu sur un ton glacial. La mobilisation de la communauté internationale «n'est possible que si les autorités de la coalition reconnaissent qu'elles ne peuvent pas réussir seules et qu'elles jouent le jeu d'une parfaite transparence», a asséné le représentant adjoint français Michel Duclos. «Partager le fardeau et les responsabilités dans un monde de nations égales et souveraines, signifie également partager l'information et l'autorité», a-t-il ajouté. Côté allemand, russe ou mexicain, les termes sont plus diplomatiques, mais l'esprit est le même. Pour eux aussi, la mobilisation internationale ne se fera qu'au prix d'un recentrage du rôle de l'ONU.

Consensuel comme à son habitude, Kofi Annan a tenté de jouer les intermédiaires. «Il n'est pas exclu que le Conseil de sécurité décide de transformer l'opération en une force multinationale sous mandat de l'ONU, opérant sur le terrain avec l'appui d'autres gouvernements», a-t-il expliqué après une rencontre vendredi avec le ministre des Affaires étrangères britannique Jack Straw, venu au secours de l'initiative américaine . «Cela impliquerait non seulement un partage des tâches, mais aussi un partage des décisions et des responsabilités avec les autres. Si cela ne se produit pas, il sera très difficile d'obtenir une seconde résolution qui puisse satisfaire tout le monde», a-t-il reconnu.

Les Etats-Unis n'ont, dans le fond, pas grand chose de neuf à apporter sur la table du Conseil de sécurité. Ils restent fermement accrochés à leur mainmise sur l'avenir politique, économique et militaire de l'Irak. Mais, dans la mesure où leurs soldats sont dépassés sur le terrain, ils espèrent obtenir l'aide de pays arabes ou musulmans, comme la Turquie, le Pakistan et quelques autres. Ils tablent sur le fait qu'une nouvelle résolution, même vide de sens, leur offrirait une couverture politique suffisante pour envoyer des troupes en Irak, sans passer pour les supplétifs des forces d'occupation. La manoeuvre diplomatique a toutefois peu de chance d'être couronnée de succès. Et il en faudra beaucoup plus pour enrôler les poids lourds du Conseil de sécurité que sont la Russie, la Chine, la France ou l'Allemagne.



par Philippe  Bolopion

Article publié le 23/08/2003