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Libye

Les sanctions levées par l'ONU

Le Conseil de sécurité de l'ONU a définitivement levé ses sanctions contre la Libye, après que Tripoli a accepté de dédommager les familles des victimes de deux attentats d'inspiration libyenne : celui de Lockerbie, et celui contre le DC 10 d'UTA. Cette réintégration au sein de la communauté internationale a été tempérée par les Etats-Unis et la France, pour qui la Libye doit encore faire ses preuves.
De notre correspondant à New York (Nations unies)

La fête a été un peu gâchée, pour la Libye. La levée des sanctions de l'ONU, qui devait marquer le retour de Tripoli dans le concert des Nations après plus de dix ans d'ostracisme, a été accompagnée de sérieuses mises en garde franco-américaines. Ces sanctions avaient été imposées en 1992 et 1993, pour contraindre Tripoli à livrer deux Libyens, suspectés d’implication dans l'attentat de Lockerbie qui avait fait 270 morts en 1988. Le pays se voyait imposer un embargo aérien, un embargo sur les armes, ainsi que des mesures pesant sur son industrie pétrolière. Après avoir longtemps résisté, la Libye avait livré les deux suspects, ce qui avait conduit à la suspension des sanctions en avril 1999. Pour leur levée définitives plusieurs conditions devaient être remplies : la Libye devait payer une compensation aux familles des victimes, reconnaître sa responsabilité dans l'attentat, renoncer au terrorisme et coopérer avec les enquêteurs. C'est désormais chose faite.

Jusqu'à jeudi, la France s'est opposée à la levée des sanctions, n'hésitant pas à brandir son droit de veto, pour donner le temps aux familles d'un autre attentat imputé à la Libye, celui perpétré contre le DC 10 français de l'UTA qui a explosé au dessus du Niger en 1989, faisant 170 morts, de négocier avec les autorités libyennes un accord «équitable», au regard des 10 millions de dollars promis par Tripoli à chaque famille des victimes de Lockerbie. La stratégie s'est avérée payante. A la veille d'un vote programmé au Conseil de sécurité, les familles de l'UTA et la fondation Kadhafi ont annoncé un accord de principe sur les dédommagements. Pour la France, cet accord a ouvert la voie à la levée des sanctions de l'ONU contre la Libye, adoptée par 13 voix pour et deux abstentions, celles de Washington et Paris.

Les Etats-Unis ont expliqué leur position, avec des mots très durs. Ils ne se sont pas opposés à la levée des sanctions, car c'était la condition posée par la Libye pour verser une première tranche de 4 millions de dollars de dédommagements aux familles américaines et britanniques des victimes de l'attentat de Lockerbie. «Notre décision ne doit pas être faussement interprétée par la Libye ou la communauté internationale comme étant la reconnaissance tacite par le gouvernement américain de la réhabilitation libyenne», a prévenu l'ambassadeur adjoint américain à l'ONU, James Cunningham. Et de dénoncer le rejet libyen des normes démocratiques, «un comportement irresponsable en Afrique» et un lourd passif en matière de terrorisme.

Encore du chemin à parcourir

Plus grave, le diplomate américain a dénoncé les tentatives libyennes de se doter «d'armes de destruction massives», biologiques et chimiques, ainsi que les «améliorations continuelles de l'infrastructure nucléaire libyenne». «Les Etats-Unis vont intensifier leurs efforts pour mettre un terme aux actions menaçantes de la Libye», a-t-il prévenu. Il a aussi promis que les sanctions bilatérales américaines, beaucoup plus sévères que celles de l'ONU, seraient maintenues intégralement. La Libye n'est donc pas prête de quitter la liste américaine des Etats qui soutiennent le terrorisme.

De son côté, tout en s'abstenant aussi, l'ambassadeur français a prévenu que «cette normalisation suppose que la Libye continue de faire les gestes nécessaires, au-delà des exigences posées pour la levée des sanctions». Jean-Marc de la Sablière a également appelé Tripoli à «prendre les mesures qu'on attend d'elle sur d'autres dossiers essentiels aux yeux de la communauté internationale, en particulier pour assurer un règlement équitable pour les victimes de l'attentat contre la discothèque La Belle à Berlin en 1986». «Nous entendons également marquer notre vigilance pour tout ce qui concerne les droits de l’homme et la lutte contre le terrorisme» a-t-il ajouté.

Mais le représentant français a surtout prévenu que Paris ferait «preuve de vigilance pour que l'accord conclu entre les familles des victimes du Vol UTA et la fondation Kadhafi soit mis en oeuvre rapidement». La remarque n'est pas anodine. Car par peur de voir un veto français ruiner tout espoir de compensation, les familles de l'UTA ont accepté de signer un accord qui ne prévoit ni le montant des dédommagements, ni la date et les modalités de leur versement.

Or, la Libye semble déjà faire marche arrière. Dans une interview au Figaro, Seïf al-Islam, fils du colonel Kadhafi et négociateur en chef, a affirmé que la Libye avait posé des conditions. Il parle d'une solution pour les six Libyens condamnés par contumace en 1999 à Paris dans le procès de l'attentat. Les sommes évoquées pour les familles de l'UTA (autour d'un million de dollars), sont très loin de ce qu'ont obtenu les familles américaines. Et selon le fils du dirigeant libyen, les entreprises françaises travaillant en Libye devraient contribuer à régler la note.

Ce genre de déclaration est de mauvais augure. Mais malgré la levée des sanctions onusiennes, les pays du Conseil de sécurité ne baissent pas leur garde. Dans sa quête de respectabilité, Tripoli a encore beaucoup de chemin à parcourir.

Ecouter également :
Guillaume Denoix de Saint Marc, fondateur et porte-parole du collectif des familles des victimes de l'attentat du DC-10



par Philippe  Bolopion

Article publié le 13/09/2003 Dernière mise à jour le 12/09/2003 à 22:00 TU