Libye
Paris contre l’accord Washington-Tripoli
C’est un véritable retournement historique : Américains et Libyens sont unis contre Paris pour résoudre le contentieux de l’attentat de Lockerbie, en 1989.
Le soulagement général qu’aurait dû procurer la perspective d’un règlement imminent des derniers épisodes du dossier du terrorisme libyen est en train de se transformer en un nouveau bras de fer diplomatique mettant en scène d’une part les États-Unis, la Grande-Bretagne et la Libye et, de l’autre, la France. Selon un responsable américain, pour la seconde fois cette année, Paris menace ses partenaires d’user de son droit de veto au Conseil de sécurité des Nations unies dans l’ultime phase du règlement de la crise ouverte par les attentats contre les Boeing et DC-10 américain et français, en 1988 et 1989. Paris soumet désormais son approbation à une réévaluation des indemnités libyennes aux familles des 170 victimes du vol UTA détruit au-dessus du désert nigérien du Ténéré, le 19 septembre 1989. Alors que les indemnités négociées pour l’appareil américain détruit approchent les 10 millions de dollars par famille des victimes, les familles des tués du vol français n’avaient obtenu que 3 000 à 30 000 euros (1 euro = 0,9 dollar).
Selon un responsable américain, la conduite française est dictée par le dépit : «Ils sont vexés. Ce n’est pas notre faute si les (responsables) Français laissent les gens se faire avoir», déclare ce responsable, abandonnant le langage diplomatique des chancelleries. De fait, l’association de défense des victimes du vol français ont longuement dénoncé la passivité des autorités françaises. Pour la présidente de SOS-Attentats «Le Quai d’Orsay (ministère français des Affaires étrangères, NDLR) cherche à rattraper le temps perdu et les erreurs commises». «Jusqu’à présent on nous disait de tourner la page, qu’il était temps d’oublier. Et puis il y a eu soudain ce nouveau discours».
Pagaille diplomatique
C’est une situation particulièrement embarrassante pour les États-Unis qui, après avoir longuement diabolisé le régime libyen, tente aujourd’hui de sortir de cette impasse diplomatique. Un arrangement financier a donc finalement été trouvé pour indemniser les familles des quelque 270 victimes de l’attentat contre l’avion de la Pan Am dans le ciel écossais, en décembre 1988. Les détails en sont connus et devraient être officiellement annoncés d’un moment à l’autre. Or, après la livraison par Tripoli et le jugement par un tribunal écossais des deux suspects libyens, le contentieux américano-britanno-libyen semblait en voie d’épuisement et les deux capitales occidentales pouvaient donc envisager de retisser des relations à peu près normales avec Tripoli. Tout en maintenant toutefois, pour la partie américaine, une certaine distance vis-à-vis de cet accord de règlement civil en raison de l’ancienneté et de la profondeur des divergences politiques entre les deux capitales. En effet, Washington n’envisageait pas d’aller au-delà d’une abstention lors du vote attendu de la résolution de l’ONU levant les sanctions internationales contre la Libye. Outre le fait que la menace française de veto change la donne au sein du Conseil et pourrait retarder le règlement du contentieux, nous assistons à la réédition d’un face-à-face franco-américain qui rappelle furieusement les passes d’armes qui ont précédé la guerre contre l’Irak et qui conforte la thèse américaine que la France est décidément un allié insupportable.
Confrontée à cette surprenante pagaille diplomatique occidentalo-occidentale, Tripoli attend, embarrassée elle aussi par la tournure des événements. Si, depuis la fin des années 90, l’embargo international contre Tripoli a été allègrement violé, et au plus haut niveau, avant d’être suspendus en 1999, le régime du colonel Kadhafi attend néanmoins beaucoup de la levée des sanctions internationales et américaines. Après des années de mise à l’écart, Tripoli a besoin d’investir au moins 5 milliards de dollars dans les deux ans pour remettre à niveau ses infrastructures. C’est un pays solvable qui dispose d’énormes ressources, notamment pétrolière (2,8% des réserves mondiales d’hydrocarbure et 0,9% de gaz naturel), et qui a la réputation de payer cash. Signe de l’impatience de Tripoli, le ministre libyen des Affaires étrangères a estimé que «la France essaie d’exercer une politique de pression et de chantage et nous n’accepterons jamais cela».
Pourtant les autorités libyennes multiplient les gestes de bonne volonté à l’égard des Français. Par l’intermédiaire de la fondations internationale Kadhafi, le fils du leader de la Jamahiriya libyenne, Seïf el-Islam, a multiplié au cours de ces dernières semaines les contacts avec le collectif des familles des victimes de l’attentat contre l’avion français afin de trouver une issue à cette crise dans la crise.
Selon un responsable américain, la conduite française est dictée par le dépit : «Ils sont vexés. Ce n’est pas notre faute si les (responsables) Français laissent les gens se faire avoir», déclare ce responsable, abandonnant le langage diplomatique des chancelleries. De fait, l’association de défense des victimes du vol français ont longuement dénoncé la passivité des autorités françaises. Pour la présidente de SOS-Attentats «Le Quai d’Orsay (ministère français des Affaires étrangères, NDLR) cherche à rattraper le temps perdu et les erreurs commises». «Jusqu’à présent on nous disait de tourner la page, qu’il était temps d’oublier. Et puis il y a eu soudain ce nouveau discours».
Pagaille diplomatique
C’est une situation particulièrement embarrassante pour les États-Unis qui, après avoir longuement diabolisé le régime libyen, tente aujourd’hui de sortir de cette impasse diplomatique. Un arrangement financier a donc finalement été trouvé pour indemniser les familles des quelque 270 victimes de l’attentat contre l’avion de la Pan Am dans le ciel écossais, en décembre 1988. Les détails en sont connus et devraient être officiellement annoncés d’un moment à l’autre. Or, après la livraison par Tripoli et le jugement par un tribunal écossais des deux suspects libyens, le contentieux américano-britanno-libyen semblait en voie d’épuisement et les deux capitales occidentales pouvaient donc envisager de retisser des relations à peu près normales avec Tripoli. Tout en maintenant toutefois, pour la partie américaine, une certaine distance vis-à-vis de cet accord de règlement civil en raison de l’ancienneté et de la profondeur des divergences politiques entre les deux capitales. En effet, Washington n’envisageait pas d’aller au-delà d’une abstention lors du vote attendu de la résolution de l’ONU levant les sanctions internationales contre la Libye. Outre le fait que la menace française de veto change la donne au sein du Conseil et pourrait retarder le règlement du contentieux, nous assistons à la réédition d’un face-à-face franco-américain qui rappelle furieusement les passes d’armes qui ont précédé la guerre contre l’Irak et qui conforte la thèse américaine que la France est décidément un allié insupportable.
Confrontée à cette surprenante pagaille diplomatique occidentalo-occidentale, Tripoli attend, embarrassée elle aussi par la tournure des événements. Si, depuis la fin des années 90, l’embargo international contre Tripoli a été allègrement violé, et au plus haut niveau, avant d’être suspendus en 1999, le régime du colonel Kadhafi attend néanmoins beaucoup de la levée des sanctions internationales et américaines. Après des années de mise à l’écart, Tripoli a besoin d’investir au moins 5 milliards de dollars dans les deux ans pour remettre à niveau ses infrastructures. C’est un pays solvable qui dispose d’énormes ressources, notamment pétrolière (2,8% des réserves mondiales d’hydrocarbure et 0,9% de gaz naturel), et qui a la réputation de payer cash. Signe de l’impatience de Tripoli, le ministre libyen des Affaires étrangères a estimé que «la France essaie d’exercer une politique de pression et de chantage et nous n’accepterons jamais cela».
Pourtant les autorités libyennes multiplient les gestes de bonne volonté à l’égard des Français. Par l’intermédiaire de la fondations internationale Kadhafi, le fils du leader de la Jamahiriya libyenne, Seïf el-Islam, a multiplié au cours de ces dernières semaines les contacts avec le collectif des familles des victimes de l’attentat contre l’avion français afin de trouver une issue à cette crise dans la crise.
par Georges Abou
Article publié le 15/08/2003