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Libye

Marchandage autour des sanctions

Au moment où la Libye pourrait admettre sa responsabilité dans l’attentat de Lockerbie pour tenter d’obtenir la levée des sanctions onusiennes, la France rappelle que le dossier de l’attentat de l’UTA 772 doit également trouver préalablement un règlement satisfaisant.
Après plusieurs années de procédures juridiques, de brouilles diplomatiques et de sanctions économiques, l’affaire de l’attentat de Lockerbie serait sur le point d’être réglée. C’est en tout cas l’avis du dirigeant libyen Mouammar Khadafi, qui a estimé qu’elle était «proche de sa conclusion» dans une interview diffusée dimanche par la chaîne de télévision américaine ABC. Refusant de révéler plus d’informations sur le contenu d’un éventuel accord, Mouammar Khadafi a simplement déclaré que les «experts» avaient trouvé «une formule». Et il s’est bien gardé de préciser si la Libye allait accepter de reconnaître officiellement ses responsabilités dans l’explosion du Boeing de la PanAm au-dessus du village écossais de Lockerbie qui avait coûté la vie à 270 personnes en 1988.

La Libye pourrait en fait décider d’informer le 14 août le Conseil de sécurité de l’Onu de sa responsabilité dans cet attentat. Cette date a été rendue publique cette semaine par le quotidien Washington Post qui estime que pourrait être signé préalablement un accord sur le versement de 2,7 milliards de dollars d’indemnisations aux familles des victimes. Tripoli avait accepté en avril de verser un dédommagement mais l’avait assorti de plusieurs conditions, notamment la levée des sanctions onusiennes et américaines. Des tractations diplomatiques actuellement en cours à Londres devraient permettre aux différentes parties de sceller un accord définitif dans cette affaire. La Libye avait déjà obtenu en 1999 la levée d’une partie des sanctions après avoir accepté de livrer deux hommes accusés d’avoir perpétré l’attentat de Lockerbie. Cette fois-ci, elle espère cette fois obtenir leur suspension totale grâce à l’appui des deux membres permanents du Conseil de sécurité, les Etats-Unis et la Grande-Bretagne. Une étape décisive qui pourrait ensuite amener Washington à supprimer d’autres sanctions commerciales. En 1996, le Congrès américain a adopté une loi permettant de sanctionner toute entreprise américaine qui entretient des relations commerciales avec la Libye ou l'Iran, au motif que ces États subventionnent le terrorisme international.

Paris réclame l’équité

La perspective de la levée des sanctions est accueillie avec une certaine appréhension chez un troisième membre permanent du Conseil de sécurité, la France. Elle redoute en effet que cet accord diplomatique ne se fasse au détriment des victimes d’un autre attentat, celui perpétré en 1989 contre le vol français UTA 772 au-dessus du Niger. Un total de 170 passagers et membres d’équipage, de dix-sept nationalités différentes, avaient été tués. Et depuis la condamnation en France par contumace de six fonctionnaires libyens en 1999, les proches des victimes de cet attentat attendent une indemnisation similaire à celle que la Libye s’est engagée à verser dans l’affaire de Lockerbie. Mais les sommes proposées jusqu’à présent sont bien inférieures et ne satisfont ni les autorités françaises, ni les associations des familles de victimes.

Paris comptait en fait sur un règlement simultané des deux affaires obligeant les Libyens à offrir les mêmes indemnités. Le gouvernement français a du coup rappelé à ses partenaires américains et britanniques le rôle qu’il avait joué après l’attentat de Lockerbie. «Nous sommes toujours restés très solidaires de nos partenaires tout au long de cette pénible affaire. Nous attendons qu’ils le soient également à l’égard des victimes du vol UTA 772», a déclaré jeudi un porte-parole du ministère des Affaires étrangères. Demandant à ce que les «indemnités versées dans l’affaire UTA soient jugées en équité par rapport aux compensations que recevront les ayants-droits des victimes de Lockerbie», la France a prévenu qu’elle n’était pas prête à transiger sur ce point. Et elle menace même de s’opposer à la levée des sanctions si la Libye n’accepte pas de revoir les chiffres à la hausse. Une décision qui ne manquerait pas de jeter un nouveau froid sur les relations franco-libyennes au moment où les deux pays viennent à peine d’amorcer des retrouvailles après de longues années de brouille.



par Olivier  Bras

Article publié le 08/08/2003