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Libye

Kadhafi chez ses frères africains

Profitant du sommet de la Cen-sad (la communauté sahélo-soudanaise qui regroupe 18 pays africains) qui s'est tenu le 14 mars à Niamey, le «frère guide», selon l’expression désormais consacrée par le protocole libyen, a fait une tournée africaine qui l’a mené au Niger, au Burkina et au Mali. C’est la seconde visite dans la région en moins de trois ans pour le colonel Mouammar Kadhafi qui semble résolu à se tourner vers ses nouveaux «frères» d’Afrique subsaharienne.
De notre correspondant au Burkina Faso

Le colonel Mouammar Kadhafi a terminé mercredi au Mali une tournée régionale de près d’une semaine. Si les étapes de Niamey et de Bamako ont été politiques avec respectivement le sommet du Cen-sad et le meeting animé au stade Modibo Kéïta, celle de Ouagadougou était placée sous le signe de la coopération économique entre la Libye et les Etats africains. En effet, Kadhafi a inauguré en compagnie de Blaise Compaoré le nouveau siège de la Banque commerciale du Burkina (BCB) dans la capitale burkinabè. C’est le leader libyen lui-même qui avait, avec son homologue burkinabè, posé en juillet 2002 la première pierre de cette banque dont 50 % des capitaux appartiennent à la Libyan arab foreign bank (LAFB). L’ex–Banque arabe libyenne du Burkina (BALIB) est, selon son directeur général le libyen Mahmud Hammuda, «le symbole d’une excellente coopération économique entre les deux pays».

Cette coopération qui se traduit par de nombreux autres investissements s’étend à d’autres pays de la région faisant de la Libye un partenaire économique privilégié des Etats africains. Le colonel Kadhafi qui était connu pour ses grandes promesses sans suite semble donc décidé depuis quelques années à prendre pied chez ses voisins du sud. Et cela ne se fera plus seulement sous forme de pétrodollars donnés aux chefs d’Etats pour payer leurs fonctionnaires, ou ne se limitera pas à la construction de mosquées, d’écoles arabes ou de centres culturels islamiques. Mais plutôt par des investissements socioéconomiques.

Ainsi, la Libye a mis en place plusieurs institutions de coopération avec les Etats africains. Outre le secteur bancaire avec la Lybian foreign arab bank, présente dans plusieurs pays de la région, il y a d’abord la LAAICO, chargé des investissements publics. C’est cette institution qui est chargée de la construction et de la réhabilitation d’hôtels au Tchad, au Niger et au Mali. Au Burkina, la LAAICO réalise un vaste complexe commercial et hôtelier dans le quartier de Ouaga 2000. Prévu pour être prêt avant le prochain sommet de la francophonie que la capitale burkinabè accueille en 2004, ce complexe devrait coûter 51 millions de dollars.

Les «vrais amis» de Kadhafi

Avant de quitter lundi Ouagadougou, le colonel Kadhafi a visité les chantiers de cet important projet confié à l’entreprise française Nord France. Autre institution de développement libyen: le Bureau des investissements populaires. Doté de 250 millions de dollars, ce bureau doit intervenir dans divers projets de développement dans les 17 autres pays de la Cen-Sad. Kadhafi qui se veut populaire et qui aime les bains de foule, n’a pas oublié les secteurs sociaux. Ils ont été confiés au colonel Mabrouk Zahoun, un proche du guide, qui dirige l’African projects autorithy. Cet organisme vient de réaliser deux amphithéâtres de plus de 1 000 places chacun à l’université de Ouagadougou.

Le secteur privé accompagne toute cette dynamique. A commencer par Tamoil, une entreprise de commercialisation de produits pétroliers. Tamoil a racheté Shell au Niger et au Tchad. N’ayant pas réussi la même opération au Burkina, l’entreprise a pris le contrôle des anciennes stations de Tagui, une société à capitaux burkinabè tombée en faillite. Pendant ce temps, Afriqiyah Airways profite comme d’autres compagnies aériennes de la disparition d’Air Afrique et de la levée de l’embargo pour desservir les capitales de la région et offrant par la même occasion aux Africains de l’Ouest des correspondances à Tripoli vers l’Europe et le Moyen-Orient. La Libye n’entend pas s’arrêter en si bon chemin. Un groupe d’hommes d’affaires libyens regroupés au sein de l’Union des investisseurs en Afrique est en visite pour rencontrer les opérateurs économiques burkinabè en vue d’établir des partenariats. «Cette union regroupe des investisseurs d’autres pays et d’autres continents mais qui ont tous des intérêts en Libye», précise le patron de la BCB.

Depuis le sommet de l’OUA de Ouagadougou de 1998, réunion qui avait pris une résolution en faveur de la levée de l’embargo onusien qui frappait depuis des années son pays à la suite de l’attentat aérien de Lockerbie, le colonel Kadhafi semble désormais tourné vers ses voisins du sud. C’est là qu’il croit avoir «ses vrais amis». Une rue et un centre de conférence de Syrte ont été baptisés du nom de la capitale burkinabè. Et sa sécurité a beau le convaincre de ne pas faire une nouvelle tournée, le colonel Kadhafi a insisté pour repasser à Ouagadougou et pour se rendre au Mali, se permettant même de rallier les capitales nigérienne et burkinabè par la route à bord d’un bus.



par Alpha  Barry

Article publié le 21/03/2003