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Libye

Londres et Washington tournent la page de Lockerbie

Ce jeudi 14 août, la Libye pourrait reconnaître, devant l’Onu et par écrit, ses responsabilités dans l’attentat de 1988 contre l’appareil de la compagnie américaine Panam. Le même jour, un accord devrait être conclu pour l’indemnisation des victimes. Enfin, Tripoli renonçant officiellement au terrorisme, les sanctions internationales pourraient être levées et une reprise des relations avec les entreprises américaines envisagées. Mais Paris risque de s’opposer à ce règlement si les victimes de l’attentat de 1989 contre la Française Uta ne sont pas indemnisées à la même hauteur que celles de la Panam.
L’interminable bras de fer diplomatique semble toucher à sa fin. Crise économique aidant côté libyen, le colonel Mouammar Kadhafi a d’ailleurs multiplié les gages de bonne volonté ces derniers mois. En mars dernier, son ministre des Affaires étrangères avait reconnu la responsabilité civile de son pays dans l’attentat de 1988 contre le Boeing de la compagnie américaine PanAm, qui avait explosé au-dessus du village écossais de Lockerbie, faisant quelque 270 victimes. Avant que cette étape ne soit franchie, il avait fallu attendre une décennie et de multiples rebondissements pour qu’en avril 1999 Tripoli condescende à livrer deux suspects au tribunal écossais chargé de l’affaire. En janvier 2001, l’un des deux hommes avaient été acquitté et l’autre reconnu coupable. Il s’agissait d’un agent des services libyens de renseignements, finalement condamné à la détention à perpétuité. A l’époque, en échange de son geste, Tripoli avait obtenu une suspension, mais non point un abandon, des sanctions adoptées par le Conseil de sécurité en 1992 et 1993 . Celles-ci consistaient en un double embargo, aérien et terrestre, pour isoler la Libye, auquel s’ajoutait l’interdiction de vendre certains équipements pétroliers à Tripoli. Aujourd’hui, c’est la levée définitive de ces sanctions qui est en jeu. Mais la Libye espère aussi se voir rayée de la liste noire américaine, commercialement prohibitive.

"La France n'est pas prête à transiger"

«Il semble que les Libyens qui avaient traîné les pieds depuis des années, veulent soudain accélérer les choses» : le président de l’association des familles des victimes du vol 103 de la PanAm, Glenn Johnson, espère pour le 14 août la signature d’un accord définitif sur les 2,7 milliards de dollars d’indemnités promis aux ayants-droits des victimes. A Londres, les négociations avec Washington et Tripoli se seraient soldées cette semaine par un calendrier précis. Sous trente jours après signature, la Libye devra déposer un premier avoir sur un compte bloqué de la Banque des règlements internationaux (BRI) qui siège à Bâle (Suisse). Les fonds seront distribués par tranche, à raison de 10 millions de dollars au total par famille ayant-droit, mais surtout, au fur et à mesure de la réintégration de la Libye dans le giron international. C’est ainsi que la levée des sanction de l’Onu marquera le versement de quatre millions de dollars à chacune des familles, la levée des sanctions américaines sera saluée par quatre millions supplémentaires, les deux millions restant accompagnant l’effacement de la Libye des listes américaines des Etats soutenant le terrorisme.

Pour faire bonne mesure, la Libye devra parallèlement reconnaître sa responsabilité dans l’attentat de Lockerbie, formellement et par écrit, auprès du Conseil de sécurité de l’Onu. Sur ce point délicat, le colonel Mouammar Kadhafi assurait au début du mois que «les experts ont trouvé une formule», mais, ajoutait-il pudiquement «je n’en ai pas les détails». L’accord semble finalisé mais la France, qui dispose d’un droit de veto, a justement saisi l’occasion pour réclamer à Tripoli des indemnités équivalentes pour les ayants-droits des 187 passagers et membres d’équipage de l’appareil de la compagnie française UTA, tués dans l’explosion de l’appareil au dessus du désert du Ténéré, le 19 septembre 1989. «La France n’est pas prête à transiger», insiste le Quai d’Orsay en indiquant qu’il maintient un contact permanent avec Tripoli et attend «des progrès substantiel sur ce point avant toute levée des sanctions» internationales. Quant aux sanctions bilatérales imposées par Washington, certaines remontent à 1982 comme l’embargo sur les importations de brut libyen.

Pour sa part, Mouammar Kadhafi prêche pour un retour des entreprises américaines dont, dit-il, «un grand nombre bénéficiait d’avantages dans d’énormes champs pétroliers et produisaient des centaines de milliers de barils par jour». Qualifiant Al-Qaïda de «cancer», le colonel-président a aussi changé récemment son fusil économique d’épaule en préconisant la privatisation des aéroports, des banques et du secteur pétrolier. Mais en dépit de ses efforts de langage et de l’intérêt grandissant que Washington manifeste pour l’or noir africain, la perspective d’une reprise des relations commerciales entre les deux pays suscite des avis très partagés au département d’Etat américain.

Ecouter également :

L'invité de la rédaction du 13 août 2003, Farida Ayari



par Monique  Mas

Article publié le 13/08/2003