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Libye

DC-10 d’UTA : pas d’accord en vue

La situation est toujours tendue entre Paris et Tripoli depuis l’interruption mardi des négociations entre les familles des victimes de l’attentat du DC-10 d’UTA et la Fondation Kadhafi chargée de fixer le montant des indemnités qu’elle s’était engagée à leur verser «pour des raisons humanitaires». La France a une nouvelle fois affirmé vendredi «souhaiter une reprise sur des bases claires» des discussions et insisté sur le fait qu’à aucun moment il n’y avait eu de négociations d’Etat à Etat dans cette affaire. Un message clair, destiné à Seïf al-Islam, le fils du colonel Kadhafi en charge de ce dossier, qui dans une interview au Figaro accusait vendredi la France de ne pas respecter les engagements contenus dans un document confidentiel signé par Paris et Tripoli en septembre.
L’accord de principe conclu le 11 septembre dernier entre la fondation Kadhafi et les familles des victimes prévoyait l’aboutissement en un mois des négociations sur les indemnisations. Cet accord avait d’ailleurs permis le 12 septembre la levée des sanctions de l’ONU frappant la Libye, Paris renonçant à brandir son veto au Conseil de sécurité dans la mesure ou Tripoli s’engageait à réévaluer les indemnités qu’il s’est engagé à verser aux proches des victimes de l’attentat du DC-10 d’UTA. Or cinq semaines se sont déjà écoulées sans qu’aucune avancée notable n’ait été enregistrée.

Il a d’ailleurs fallu l’intervention en personne du président français pour que les négociations entre les deux parties reprennent in extremis quelques heures avant l’expiration du délai d’un mois. Depuis la visite à Paris le 19 septembre dernier d’un négociateur libyen, les contacts entre représentants des familles des victimes et membres de la Fondation Kadhafi avaient en effet été rompus. Jacques Chirac a donc mis en garde la Libye lui rappelant notamment ses engagements, «clairement confirmés» selon lui au cours de deux conversations téléphoniques par Mouamar Kadhafi. Le chef de l'Etat français a en outre estimé que le non-respect des engagements libyens exposerait Tripoli à des «conséquences», qui seraient décidées «sans agressivité» mais «sans faiblesse».

Les menaces à peine voilées du président français ont certes permis la reprise des discussions, mais les négociations ont de nouveau très vite été suspendues par la partie libyenne. Le fils de Mouamar Kadhafi, Seïf al-Islam, a en effet fait état lundi d’un accord en six points conclu en septembre dernier avec les autorités françaises et invité ces dernières à respecter leurs engagements avant toute négociation définitive. La France a aussitôt démenti l’information soulignant que «cette affaire devait se régler dans la transparence la plus totale entre les familles et la Fondation». «Il n’y a aucun accord secret de quelque type que ce soit et de quelle nature que ce soit», a ainsi insisté un porte-parole du ministère français des Affaires étrangères. La réaction libyenne a été immédiate. Les négociateurs de la Fondation Kadhafi ont en effet reçu l’ordre de suspendre toute discussion avec la partie française.

«S’attaquer à la racine des problèmes»

Dans une interview au Figaro, Seïf al-Islam Kadhafi a affirmé vendredi qu’il était «nécessaire de s’attaquer à la racine des problèmes entre la France et la Libye». Il a de nouveau confirmé l’existence d’«un document confidentiel» qu’il considère comme «la base de tout accord». Le fils du président libyen a ainsi affirmé que sa fondation était prête à «envisager des indemnisations pour les familles» mais à condition que Paris s’engage, à son tour, à verser «des compensations financières pour les familles des trois aviateurs libyens tués par l’armée française dans les années 80 au Tchad». Il a également évoqué le cas des six ressortissants libyens –parmi lesquels le beau-frère du guide de la révolution libyenne– condamnés par contumace par la justice française pour leur implication dans l’attentat du DC-10 d’UTA. «Leur innocence doit être reconnue», a-t-il affirmé. Il a enfin évoqué la nécessité d’un «accord de non-agression et de coopération avec la France».

Concernant le montant des indemnisations à verser aux familles des victimes, le président de la Fondation Kadhafi a une nouvelle fois affirmé que la somme d’un million de dollars était un maximum. «Si jamais j’envisageais de verser plus, a-t-il déclaré, je perdrais le soutien du gouvernement libyen». Cette proposition avait déjà été qualifiée d’«inacceptable» par les familles qui la considéraient très éloignée des 4 millions de dollars que Tripoli s’est engagé à allouer aux proches des victimes de l’attentat de Lockerbie en vertu d’un accord signé en août dernier avec Londres et Washington. Les familles ont en outre récemment affirmé que les tractations avec la Fondation tournaient en début de semaine autour de montants allant de 2 à 2,5 millions de dollars.

Face à l’apparente intransigeance de Seïf al-Islam Kadhafi, la position de la France est des plus inconfortables. Paris a en effet perdu tout moyen de pression sur Tripoli depuis qu’il a renoncé à bloquer la levée des sanctions contre la Libye. Les autorités françaises n’ont guère aujourd’hui que la menace d’une dégradation des relations entre les deux pays pour faire fléchir la partie libyenne. Une menace des plus relatives à un moment où les entreprises françaises cherchent à profiter de la levée des sanctions des Nations unies pour investir le marché libyen. Dans ce contexte, les proches des victimes de l’attentat du DC-10 semblent aujourd’hui les grands perdants dans cette affaire.



par Mounia  Daoudi

Article publié le 17/10/2003