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Droit de l’Internet

Tollé contre le projet de loi

La bataille se déchaîne autour du projet de loi pour la confiance en l’économie numérique que vient d’adopter l’Assemblée nationale. Les prestataires techniques (fournisseurs d’accès, hébergeurs, éditeurs) s’inquiètent des conséquences de cette loi pour le marché de l’Internet en France. Ils menacent de fermer l’accès aux contenus hébergés, pages personnelles ou forums, si le texte était adopté en l'état par le Sénat.
L’heure est toujours à la mobilisation chez les grands patrons de l’Internet français, malgré l’annonce, mercredi 14 janvier, d’une rencontre prochaine avec le ministre déléguée à l’Industrie, Nicole Fontaine. Un front commun s’est constitué pour repousser la mise en place de la loi sur l’économie numérique adoptée en deuxième lecture par les députés. On y trouve notamment les fournisseurs d’accès à Internet Wanadoo, AOL, Tiscali, Club Internet, 9Telecom, Free, Tele2 et Noos. «Baptisée "Loi pour la confiance dans l'Economie Numérique", cette loi est devenue une "Loi de défiance vis-à-vis de l'Internet français", en raison d'amendements adoptés en deuxième lecture par l'Assemblée la semaine dernière». C’est ce qu’a déclaré Marie-Christine Levet, la présidente de l’Association des fournisseurs d'accès (AFA) qui a révélé son intention de faire évoluer la loi avant son examen par le Sénat le mois prochain.

Dans un communiqué commun publié mardi 13 janvier, les fournisseurs d’accès ne cachent pas leur préoccupation face à trois propositions inscrites dans cette législation. Très déterminés, tous ont menacé, si le texte était adopté dans sa forme actuelle par le Sénat, de «couper l'accès aux contenus hébergés, pages personnelles, forums de discussions ou album photos». Le désaccord, sérieux, porte sur le contrôle a priori et sur le filtrage des informations diffusées sur la toile mais aussi sur la disparition de la notion de correspondance privée pour les courriers électroniques.


Un rôle de censeur

Principal point à revoir:la responsabilité des hébergeurs. Sous peine de sanctions civiles ou pénales, le texte de loi impose aux prestataires techniques (fournisseurs d’accès et hébergeurs) «à faire le ménage» pour supprimer les sites pédophiles, négationnistes et racistes qu’il leur serait signalé par simple déclaration d’un tiers. Ces mesures imposent notamment aux prestataires techniques d’effectuer «un minimum de surveillance sur les pages qu’ils stockent, éditent ou hébergent» afin d’empêcher «la diffusion de contenus pédophiles et d’informations faisant l’apologie des crimes de guerre ou incitant à la haine raciale». L’AFA s’inquiète en particulier de la pression judiciaire sur les fournisseurs d’accès qui va les obliger à jouer le rôle de juge/censeur de proximité. «Alors que jusqu'ici seule une décision de justice pouvait nous contraindre à retirer des contenus illicites, nous risquons de passer à un filtrage a priori de tous les contenus, ce qui nous transformerait en censeurs», a remarqué le président de Wanadoo France Jean-Claude Demas.

Deuxième proposition susceptible d’affecter la liberté d’expression des internautes: un juge peut ordonner aux fournisseurs d’accès, en référé ou sur requête, le filtrage de contenus divers sur le Web. Objectif avoué de cette mesure si l’on en croit l’AFA: bloquer le téléchargement de fichiers musicaux sur Internet via les réseaux d’échange peer-to-peer. Réprobation également du côté des associations de défense des libertés comme l’IRIS (Imaginons un Réseau Internet Solidaire), la FIL (Fédération informatique des libertés) et Reporters Sans Frontières pour qui cet amendement est injustifié. Selon ces associations, cette disposition a été adoptée à la suite des pressions des majors du disque qui souhaitent éradiquer le piratage sur Internet.

Les professionnels de l’Internet ont également exprimé leur préoccupation face à un dernier point de cette nouvelle législation qui porte atteinte à la confidentialité des communications électroniques. Un sous-amendement supprime «la notion de correspondance privée» de la définition du courrier électronique. Le motif invoqué est encore celui du piratage, afin d’éviter les échanges de fichiers illégaux comme l’explique l’auteur de ce sous-amendement, le président de la commission des affaires économiques Patrick Ollier (UMP): «Cela aurait pu permettre de faire indûment bénéficier de la protection liée au secret, des échanges de fichiers notamment musicaux».



par Myriam  Berber

Article publié le 14/01/2004 Dernière mise à jour le 13/01/2004 à 23:00 TU