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Culture

Le triomphe du "Seigneur des anneaux"

Avec ses onze trophées, Le retour du roi égale les records établis par Ben Hur (1960) et Titanic (1998), et devient le premier film fantastique à obtenir la récompense suprême.
C’est la Nouvelle-Zélande toute entière qui vient de célébrer le triomphe aux Oscars du dernier volet de la trilogie du Seigneur des anneaux, mis en scène par le réalisateur du pays, Peter Jackson. Lors d’une soirée qui couronnait tous les favoris, le film a remporté la totalité des prix pour lesquels il était en lice, dont celui de meilleur film. Peter Jackson a été sacré meilleur réalisateur. Ngila Dixon a remporté l’Oscar des meilleurs costumes et Howard Shore celui de la meilleure musique. La procession interminable de Néo-Zélandais venus chercher leur trophée faisait dire à l’acteur Billy Crystal, animateur de la soirée, «il n’y a plus personne à remercier en Nouvelle Zélande». Les clameurs gagnaient en intensité au fur et à mesure que pleuvaient les récompenses attribuées aux enfants du pays, et un des membres de la société Weta Workshop -ordonnateur des nombreux effets spéciaux- déclarait sur une chaîne de la télévision «nous, les employés de Weta Workshop, méritons vraiment ça. Nous avons fait ce film». Tandis que Peter Jackson estimait quant à lui avoir sans doute atteint «le point culminant de sa carrière», le Premier Ministre, Helen Clark, assistant à une cérémonie tenue dans une salle de cinéma de Wellington lançait «Peter Jackson et l’ensemble de l’équipe du Seigneur des anneaux méritent notre admiration. Cela a été une année extraordinaire pour l’industrie néo-zélandaise du film (…) les trophées gagnés aujourd’hui sont une nouvelle illustration du savoir-faire et du talent de l’industrie néo-zélandaise du film».

Aventure, fantaisie, mystère, même si tout le monde ne se sent pas concerné par cette épopée légendaire peuplée de monstres et ponctuée d’hallucinantes batailles rangées entre les bons et les méchants, il faut s’incliner devant l’unanimité de la critique qui salue un tour de force réussi dans l’adaptation à l’écran de la trilogie réputée inadaptable de l’œuvre de Tolkien. Le retour du roi, troisième volet de cette saga de 1000 pages, dure 3 heures 20, et se termine sur un générique qui dure 8 minutes, le temps de rendre hommage à toutes les chevilles ouvrières qui ont participé à l’élaboration du rêve.

A quoi attribuer la réussite et le succès ? A l’imagination fertile d’un professeur de littérature médiévale, à l’exigence maniaque d’un réalisateur de film, et aux moyens mis en œuvre grâce à un budget colossal. Dans les années 70, Tolkien, alors professeur à l’université d’Oxford, crée un univers étrange, vieux de 7000 ans, pétri de mythologies guerrières et de légendes féeriques. Séduit par l’intrigue alambiquée, Peter Jackson relève le défi de l’adapter à l’écran. Qualifié tour à tour de titanesque ou de pharaonique, le projet de Jackson a occupé tout son temps pendant sept ans, le moindre détail devant être contrôlé et ratifié par le réalisateur pointilleux, «PJ approved» (bon pour accord, Peter Jackson). Perfectionniste, le réalisateur a paraît-il relu plus de cent fois l’œuvre intégrale en 7 ans pour être sûr de coller au plus près du texte, n’hésitant pas à faire intervenir des professeurs pour s’assurer de la bonne prononciation des acteurs en anglais châtié, et à faire appel à des linguistes pour leur enseigner la langue des elfes!

Dépenses et recettes: le business du «Seigneur des anneaux»

Si le spectateur se laisse en effet décoiffer par la démesure des effets spéciaux, il est pris d’un vertige similaire quand il découvre quelques chiffres, car derrière la magie de l’effet, c’est bien d’une industrie de l’invention dont il s’agit: vingt six-mille figurants, deux mille quatre-cents techniciens, quarante huit-mille pièces fabriquées pour le tournage (prothèses, armes, costumes), trente kilomètres de routes, cent-dix comédiens, des décors et des lieux de tournage à travers toute la Nouvelle-Zélande, des heures et des heures de grimage. Au total, la prouesse visuelle qui laisse admiratif a un coût: elle pèse trois-cent-dix millions de dollars.

Mais l’investissement promet de belles rentrées d’argent: le montant des recettes enregistré pour les deux premiers volets de la saga est estimé à près de 2 milliards de dollars, et en décembre la diffusion du troisième film avait déjà attiré plus de 100 000 spectateurs lors de la première sortie en salle. Aux recettes liées à la projection, s’ajoutent les effets dérivés. Ainsi, le succès du «Seigneur» a popularisé les paysages néo-zélandais, catapultant les recettes touristiques à près de quatre milliards de dollars américains; il a également crée une sorte d’«économie Frodon» (du nom du héros du film) forte de 20 000 emplois, et qui continue d’attirer le tournage de films, comme Le dernier samouraï ou le futur King Kong également réalisé par Peter Jackson. Au-delà du phénomène cinématographique enfin, gageons que la «tolkien-mania» n’a pas dit son dernier mot. Ainsi, au royaume des produits et des jeux dérivés, nombreux sont les amateurs de jeux de rôles qui jouent au Seigneur des anneaux, ils ont leur site sur Internet où un catalogue en ligne propose épées, boucliers et anneaux.



par Dominique  Raizon

Article publié le 02/03/2004