Culture
Un missionnaire chez les Pygmées
Dégoûté du pouvoir et de ses abus, un haut fonctionnaire africain abandonne son poste. Après avoir pris fait et cause pour les Pygmées, il part vivre avec eux dans la forêt : telle est la trame du Silence de la forêt, premier long métrage du Centrafricain Didier Ouenangaré, co-réalisé avec le Camerounais Bassek ba Kobhio. Le film est présenté au festival de Cannes 2003, section «Quinzaine des réalisateurs».
Vouloir faire le bien de l’autre, serait-ce à son corps défendant : noble et dangereuse cause, dont les profondeurs de l’histoire gardent plus de nauséeux souvenirs que de bons, de la Terreur française à la Révolution culturelle maoïste, sans oublier, versant africain, quelques désastres où les missionnaires prirent part plus souvent qu’à leur tour. C’est d’ailleurs avec l’âme d’un Bon Père que se réveille un beau matin Gonaba, haut fonctionnaire africain depuis dix ans. Dix ans : autant dire suffisamment longtemps pour avoir vu ses espoirs rognés jusqu’à la corde par l’arrogance, la gabegie et la corruption de ses pairs. Gonaba se cherche une cause à défendre, une soirée de gala à la présidence la lui fournit : les Pygmées, peuple de la forêt, dont les notables africains regardent les chants et danses avec un mépris à peine dissimulé (ont-ils une âme ?).
Rousseauiste avéré, Gonaba a trouvé ses Bons Sauvages. Abandonnant villa, piscine, maîtresse et Mercedès, il part dans la forêt rejoindre ceux qu’il entend réhabiliter, éduquer, bref formater et accommoder à la sauce républicaine. Sauver les Pygmées, mais les sauver de quoi ? Sans le savoir, Gonaba se trouve pris au cœur de la contradiction humanitaire de base, celle qui veut que sous le masque bon teint de l’altruisme, c’est le plus souvent soi-même que l’on entend sauver.
C’est l’objet de la plus belle partie du film, qui se déroule dans le campement pygmée. Partagé entre son désir de fusion (y compris au sens le plus littéral, en se trouvant femme sur place) et ses ambitions pédagogiques (leur apprendre le français, leur apprendre à lire), Gonaba s’enferme peu à peu dans un réseau de contradictions dont la moindre n’est pas la résistance amusée et polie des Pygmées à sa «mission» éducative.
Une collection de clichés
Une scène, la plus drôle et la plus juste du film, est d’ailleurs celle où il prête main forte aux femmes du village pour construire les nouvelles cases, enfreignant la tradition qui veut qu’un homme, un vrai, se contente de commenter leurs efforts entre deux bols de vin de palme : «Ce gars est vraiment nul !» gouaille un villageois.
Le sort du film est à l’unisson de celui de Gonaba. Naïf et plein de bonnes intentions dans sa première partie, ne laissant planer aucun mystère sur ses intentions de son réalisateur-scénariste (le but de Didier Ouenangaré étant évidemment de jeter à la face du monde ce manifeste pour le sort de son peuple), il se cantonne dans les limites d’un réalisme laid et plat (décors trafiqués, dialogues et comédiens à la frontière du ridicule, à commencer par Eriq Ebouaney, qu’on a rarement vu aussi mauvais).
Le film trouve en revanche son rythme dès qu’il entre dans la forêt. Autant dire : dès que les réalisateurs s’affrontent à une matière filmique autrement plus coriace que celle des scènes urbaines, avec des acteurs non professionnels dont on peut soupçonner qu’ils offrent autant de résistance aux injonctions des réalisateurs que les personnages du film aux ordres de Gonaba. C’est dans ces (trop) rares instants qu’on a l’intuition de ce que le film aurait pu être : autre chose qu’une collection de clichés.
Rousseauiste avéré, Gonaba a trouvé ses Bons Sauvages. Abandonnant villa, piscine, maîtresse et Mercedès, il part dans la forêt rejoindre ceux qu’il entend réhabiliter, éduquer, bref formater et accommoder à la sauce républicaine. Sauver les Pygmées, mais les sauver de quoi ? Sans le savoir, Gonaba se trouve pris au cœur de la contradiction humanitaire de base, celle qui veut que sous le masque bon teint de l’altruisme, c’est le plus souvent soi-même que l’on entend sauver.
C’est l’objet de la plus belle partie du film, qui se déroule dans le campement pygmée. Partagé entre son désir de fusion (y compris au sens le plus littéral, en se trouvant femme sur place) et ses ambitions pédagogiques (leur apprendre le français, leur apprendre à lire), Gonaba s’enferme peu à peu dans un réseau de contradictions dont la moindre n’est pas la résistance amusée et polie des Pygmées à sa «mission» éducative.
Une collection de clichés
Une scène, la plus drôle et la plus juste du film, est d’ailleurs celle où il prête main forte aux femmes du village pour construire les nouvelles cases, enfreignant la tradition qui veut qu’un homme, un vrai, se contente de commenter leurs efforts entre deux bols de vin de palme : «Ce gars est vraiment nul !» gouaille un villageois.
Le sort du film est à l’unisson de celui de Gonaba. Naïf et plein de bonnes intentions dans sa première partie, ne laissant planer aucun mystère sur ses intentions de son réalisateur-scénariste (le but de Didier Ouenangaré étant évidemment de jeter à la face du monde ce manifeste pour le sort de son peuple), il se cantonne dans les limites d’un réalisme laid et plat (décors trafiqués, dialogues et comédiens à la frontière du ridicule, à commencer par Eriq Ebouaney, qu’on a rarement vu aussi mauvais).
Le film trouve en revanche son rythme dès qu’il entre dans la forêt. Autant dire : dès que les réalisateurs s’affrontent à une matière filmique autrement plus coriace que celle des scènes urbaines, avec des acteurs non professionnels dont on peut soupçonner qu’ils offrent autant de résistance aux injonctions des réalisateurs que les personnages du film aux ordres de Gonaba. C’est dans ces (trop) rares instants qu’on a l’intuition de ce que le film aurait pu être : autre chose qu’une collection de clichés.
par Elisabeth Lequeret
Article publié le 21/05/2003