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Culture

Cérémonie des Oscars sur fond de guerre

Sobriété de rigueur à la 75e cérémonie des Oscars du cinéma américain, dimanche 23 mars à Hollywood. A plusieurs milliers de kilomètres du théâtre des opérations en Irak, la grand-messe du cinéma américain a profité de cette tribune ultra-médiatisée pour réaffirmer discrètement son opposition à la guerre.
Le légendaire tapis rouge avait été remisé au placard. Les actrices et les acteurs vêtus de noir, dépourvus de paillettes et de rivières de diamant, arboraient des badges pacifistes portant le signe de la colombe de la paix. Après plusieurs jours de polémique sur la pertinence de maintenir la 75ème cérémonie des Oscars malgré l’intervention militaire américaine en Irak, les organisateurs ont jugé «plus important que jamais» d’honorer la culture américaine. Depuis sa création en 1929, cet événement n’a été reporté qu’à trois reprises : en 1938 en raison d’inondations, en 1968 après l’assassinat de Martin Luther King et en 1981 à cause de l’attentat perpétré contre le président de l’époque, Ronald Reagan.

Cette année, les heureux gagnants des célèbres statuettes n’ont eu droit qu’à 45 secondes pour adresser leurs remerciements ou critiquer la guerre engagée par le président George W. Bush. Vite évoquée par petites touches, la guerre en Irak a ainsi fait son apparition devant un parterre de stars mais aussi devant des millions de téléspectateurs ainsi que devant les troupes américaines présentes dans le Golfe. Dans le même esprit, la chaîne de télévision ABC a même profité d’une pause publicitaire pendant la retransmission de la cérémonie pour diffuser un bref point sur les derniers développements de la guerre.

Le discours anti-Bush de Michael Moore

Pendant ce temps, à l’extérieur des manifestants exprimaient leur opposition à la guerre et d’autres leur soutien aux soldats américains. Il faut dire, qu’en cette période de guerre, la cérémonie s’est déroulée sous haute sécurité ; des hélicoptères de police ont survolé toute la soirée le Kodak Theatre d'Hollywood et depuis le début de la semaine dernière, les alentours du lieu de la cérémonie avaient été interdits à la circulation, les plaques d’égouts scellées et des policiers patrouillaient jour et nuit pour déjouer toute tentative d’attentats terroristes.

En recevant son Oscar du meilleur documentaire pour «Bowling for Columbine» qui dénonce le goût immodéré des Américains pour les armes à feu, le réalisateur américain Michael Moore n’a pas mâché ses mots et a accusé le président américain de mener une «guerre fictive». «Nous sommes opposés à cette guerre, M. Bush. Vous devriez avoir honte !», a lancé l’enfant terrible du cinéma américain. Inévitablement, cette déclaration a fait réagir la salle qui s’est d’abord mise à huer le cinéaste avant que des cris d’encouragement ne l’emportent. Les huées ont ensuite repris de plus belle couvrant même la fin du discours de Michael Moore. Il y a un mois, le réalisateur avait déjà sévèrement jugé la politique étrangère américaine lors de la cérémonie des Césars, à Paris.

Le cinéaste espagnol, Pedro Almodovar, qui a reçu l’Oscar du meilleur scénario pour le film «Parler avec elle», a également tenu à remercier «tous ceux qui élèvent la voix en faveur de la paix», une allusion aux nombreuses manifestations mondiales contre la guerre. «Je ressens beaucoup de honte en voyant que l’Espagne appuie l’offensive américaine contre l’Irak», a-t-il dit et d’ajouter : «Je veux que l’on sache que 90% des Espagnols sont contre le fait que José Maria Aznar appuie Bush dans cette guerre». «Agir contre la volonté du peuple espagnol est un des actes les plus sauvagement antidémocratiques que l’on ait vu depuis que la démocratie existe en Espagne», a-t-il conclu. Puis ce fut au tour de l’acteur américain Chris Cooper, qui a reçu l’Oscar du meilleur second rôle masculin pour son interprétation dans le film «Adaptation» : «Je nous souhaite à tous la paix», a-t-il lancé visiblement ému.

Dans l'ensemble l'Irak a peu perturbé cette soirée : les interviews télévisées et les séances photos ont eu lieu et le présentateur de la soirée Steve Martin a même raconté ses traditionnelles plaisanteries, sans faire directement allusion à la guerre en Irak. A l'exception d'une réflexion sur son retour, après une absence l'an dernier : «Beaucoup de gens m'ont soutenu, à part peut-être la France et l'Allemagne», a-t-il dit.

Ecouter également :

Bérénice Balta évoque la cérémonie des Oscars au micro de Sylvie Berruet (24 mars 2003, 5’16’’).

Les Oscars dans le tourbillon de la guerre en Irak. Bérénice Balta répond aux questions de Raphaël Reynes (24 mars 2003, 4’13’’).


Palmarès de la 75e cérémonie des Oscars :

Meilleur film : Chicago

Meilleur réalisateur : Roman Polanski pour Le Pianiste

Meilleur acteur : Adrien Brody pour Le Pianiste

Meilleure actrice : Nicole Kidman pour The Hours

Meilleur scénario original : Pedro Almodovar pour Parler avec elle

Meilleur second rôle masculin : Chris Cooper pour Adaptation

Meilleur second rôle féminin : Catherine Zeta-Jones pour Chicago

Meilleur film en langue étrangère : Une enfance africaine de Caroline Link

Meilleur film d’animation : Le voyage de Chihiro de Hayao Miyazaki

Meilleure chanson : Lose yourself interprétée par Eminem pour le film 8 Mile

Meilleure bande sonore : Elliot Goldenthal pour Frida

Meilleur documentaire : Bowling for Columbine de Michael Moore




par Clarisse  Vernhes

Article publié le 24/03/2003