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Culture

Cannes et l'Afrique fantôme

Le 56e festival de Cannes ouvre ses portes le 14 mai. Comme toujours, il donnera à voir une photographie assez fiable de la planète cinématographique mondiale. Photographie où l’Afrique tient, cette année, une place plus que discrète.
Toujours plus de films, de business, de paillettes : on se demande jusqu’où le festival de Cannes, alerte quinquagénaire, ira sur la voie du gigantisme. Cette année, Thierry Frémaux, responsable de la programmation, n’a t-il pas déclaré avoir visionné 10 % de films en plus que l’an dernier (2 498, contre moins de 1 000 à la fin des années 90) ? Cette évolution, d’ailleurs, n’est pas que quantitative: «Le cinéma mondial est ainsi fait que les œuvres peuvent désormais arriver de n’importe quel endroit géographique, à n’importe quel moment et dans n’importe quelle matière: pellicule, numérique, cassettes VHS, Beta et même cette année directement en DVD».

Le festival, dont le jury est cette année présidé par le réalisateur français Patrice Chéreau, s’ouvre le 14 mai avec la projection hors compétition de Fanfan la tulipe, remake signé Gérard Krawczyk (le metteur en scène de la série des Taxi), avec Vincent Pérez et Penelope Cruz dans les rôles jadis tenus par Gérard Philipe et Gina Lollobrigida. Parmi les films concourant pour la Palme d’or figurent des habitués du festival (le Danois Lars Von Trier, l’Américain Clint Eatswood, le Russe Sokourov) mais aussi des talents avérés (le Français François Ozon, l’Iranienne Samira Makhmalbaf, le Japonais Kiyoshi Kurosawa) pour qui cette présence en compétition officielle est une première.

Absence de l’Afrique noire, sursaut maghrébin

L’un des principaux intérêts du festival de Cannes est qu’il offre une cartographie somme toute assez fiable de la planète cinéma. Il était à craindre que, cette année, des données très largement circonstancielles telles que l’épidémie de pneumopathie atypique en Asie et les houleuses relations diplomatiques entre la France et les Etats-Unis brouilleraient cette image. Il n’en a rien été, et malgré une proportion inhabituelle de films français (cinq, soit un quart des films en compétition), il semble bien que la carte n’ait pas beaucoup bougé: bonne santé de l’Europe et des Etats-Unis, légère régression des cinémas asiatiques (mais il est vrai qu’elle n’est que la contrepartie d’un engouement auxquels des effets de mode ne sont pas étrangers), présence iranienne (l’an dernier Kiarostami, cette année, la toute jeune – elle a 23 ans – Samira Makhmalbaf), absence de l’Afrique noire, sursaut maghrébin dans la section «Un certain regard» (Mille mois, du Marocain Faouzi Bensaidi, coscénariste d’André Téchiné, lui-même en compétition… officielle avec son dernier film, Les égarés).

Cette désaffection de l’Afrique fait aussi ressentir ses effets dans les sélections parallèles. La Quinzaine des réalisateurs propose comme toujours un long et riche voyage à travers de nombreuses régions du monde (Afghanistan, Brésil, Iran, Japon, Roumanie, Norvège, Israël…). Cette année, celui-ci ne comportera que deux escales en terre africaine, avec Les Yeux secs, de la Marocaine Narjiss Nejjar et le Silence de la forêt (Cameroun), co-réalisation Bassek ba Kobhio et Didier Ouenangaré sur les pygmées de Centrafrique. Silence radio complet, en revanche, du côté de la Semaine de la critique qui avait l’an dernier présenté Kabala, premier film du Malien Assane Kouyaté.



Les 20 films en compétition pour la Palme d’or

– Les Invasions barbares de Denys Arcand (Canada)
– Il Cuore altrove («Le Coeur est ailleurs») de Pupi Avati (Italie)
– Carandiru de Hector Babenco (Brésil)
– Les Côtelettes de Bertrand Blier (France)
– Tiresia de Bertrand Bonello (France)
– Uzak de Nuri Bilge Ceylan (Turquie)
– Mystic River de Clint Eastwood (USA)
– The Brown bunny de Vincent Gallo (USA)
– Moab story - The Tulse Luper Suitcases Part I de Peter Greenaway (GB)
– Shara de Naomi Kawase (Japon)
– Akarui Mirai («Bright future») de Kiyoshi Kurosawa (Japon)
– A cinq heures de l’après-midi de Samira Makhmalbaf (Iran)
– La Petite Lili de Claude Miller (France)
– Swimming pool de François Ozon (France)
– Ce jour-là de Raoul Ruiz (Suisse)
– Mère et fils de Alexandre Sokourov (Russie)
– Les Egarés de André Téchiné (France)
– Dogville de Lars von Trier (Danemark)
– Elephant de Gus Van Sant (USA)
– Purple butterfly de Lu Ye (Chine)




par Elisabeth  Lequeret

Article publié le 14/05/2003