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Contrebande : Philip Morris préfère transiger

La contrebande de cigarettes dans l'Union européenne porterait sur plusieurs milliards d’euros par an et concernerait environ 10% du marché.  

		(Photo: AFP)
La contrebande de cigarettes dans l'Union européenne porterait sur plusieurs milliards d’euros par an et concernerait environ 10% du marché.
(Photo: AFP)
Le géant américain du tabac Philip Morris a-t-il organisé en Europe une contrebande de cigarettes faisant perdre des milliards d’euros de taxes aux pays concernés et au budget communautaire ? La justice n’aura jamais à se prononcer sur cette question car la firme américaine qui produit Marlboro, Philip Morris et Chesterfield a accepté de payer un milliard de dollars pour mettre fin aux poursuites engagées.

Deux ans d’enquête de l’Office de lutte anti-fraudes de l’Union européenne (Olaf), le dépôt en novembre 2000 d’une plainte de l’Union européenne auprès d’un tribunal new-yorkais et plus d’un an de négociations ont abouti à un accord entre l’exécutif européen et le géant américain du tabac Philip Morris. Le cigarettier va verser sur 12 ans environ un milliard de dollars (850 millions d’euros) à la Commission européenne et à dix des quinze Etats membres. En contrepartie l’Union européenne abandonne son action en justice pour blanchiment de l’argent issu de la contrebande, intentée contre le groupe.

Qu’on ne s’y trompe pas. Philip Morris, a-t-il été précisé, ne s’acquitte pas d’une «amende» pour avoir, comme la Commission européenne le laissait entendre, organisé en Europe la contrebande de ses propres produits, causant des milliards de dollars de manque à gagner fiscal pour le budget communautaire et celui des pays victimes du trafic. Bien au contraire, Philip Morris va verser une «contribution» à la lutte contre la contrebande et la contrefaçon. Cela prendra notamment la forme d’une traçabilité des cigarettes, par exemple en permettant à l’Europe d’accéder aux bases de données clients de Philip Morris.

Un exemple à suivre

L’ampleur de la contrebande de cigarettes en Europe n’est pas anecdotique. Elle porterait sur des milliards d’euros par an et concernerait environ 10% du marché des cigarettes dans l’Union européenne, ainsi privée de rentrées fiscales importantes. Parmi les pays européens, la France serait relativement peu touchée, moins de 2% des cigarettes seraient issues de la contrebande. Mais cette proportion atteindrait, selon les estimations de la Commission européenne, 10% à 15% du marché au Royaume-Uni et en Allemagne et jusqu’à 20% en Italie et en Espagne.

La transaction entre l’Union européenne et Philip Morris va probablement donner des idées aux deux autres groupes cigarettiers dans le collimateur de Bruxelles, RJ Reynolds et Japan Tobacco international. La plainte européenne contre eux est toujours valable de même que l’action pour blanchiment intentée contre Reynolds en même temps que celle contre Philip Morris en 2002. Ainsi, Japan Tobacco international a déclaré accueillir avec satisfaction l’accord intervenu avec Philip Morris et rappelle que le groupe a déjà pris l’initiative de proposer un projet de compromis du même genre sous condition de l’abandon du contentieux judiciaire l’opposant à la Communauté européenne.

L’intérêt pour les groupes industriels du tabac est évident. Mais pour l’Europe l’avantage consiste à mettre un terme rapide à des procédures longues et malgré tout incertaines, même si le montant des contributions demeure, au bout du compte, très inférieur au préjudice réel.



par Francine  Quentin

Article publié le 06/04/2004 Dernière mise à jour le 06/04/2004 à 13:43 TU