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Afrique du Sud

Les Blancs cherchent leur place dans la nation arc-en-ciel

Les Sud-Africains sont attendus aux urnes pour les troisièmes élections démocratiques depuis 10 ans. 

		(Photo AFP)
Les Sud-Africains sont attendus aux urnes pour les troisièmes élections démocratiques depuis 10 ans.
(Photo AFP)
Les Sud-Africains se rendent aux urnes pour les troisièmes élections générales multiraciales de leur histoire. L’issue du scrutin ne fait pas de doute. L’ANC sortira largement vainqueur et Thabo Mbeki se verra confier un second mandat à la tête du pays. Un pays qui fait le bilan de dix ans de démocratie multiraciale. Aujourd’hui, ce sont les Blancs qui s’interrogent sur leur rôle et leur place au sein de la nation arc-en-ciel.

De notre correspondante en Afrique du Sud

«Je ne me sens pas coupable, même si sous l’apartheid, j’avais la conviction que ce n’était pas juste», explique Coleen Vucinovich, 35 ans, lorsqu’on lui demande quelles sont les relations entre Blancs et Noirs dans l’Afrique du Sud contemporaine, un pays où une minorité de Blancs ont toujours le pouvoir économique, malgré la politique de promotion des noirs (black empowerment). Colleen qui vit dans le quartier cossu de Rivonia, en banlieue nord de Johannesburg, est «fièrement sud-africaine» et représentative des atermoiements des Blancs du pays.

Une employée de maison noire fait le ménage et s’occupe de ses deux jeunes enfants tous les jours pour 1 300 rands par mois (166 euros), mais doit laisser ses propres enfants chez sa grand-mère à 300 kilomètres. «Ce n’est pas juste», laisse échapper cette maquilleuse de profession. L’héritage de l’apartheid laisse encore des traces. Des milliers de femmes de ménage venues à la ville pour chercher du travail, laissent leurs enfants seuls à la maison. «L’intégration au jour le jour est vraiment réelle», relativise Colleen, «mes enfants sont à l’école avec des camarades noirs , pour eux, la vie sera clairement différente».

La frustration des Blancs

Avec la mise en place de la politique de black empowerment, certains Blancs ne cachent pas leur frustration. «Je sens que je dois prouver quelque chose, et je me battrai jusqu’au bout», explique Priscilla Maré déterminée. Elle est la seule vendeuse blanche dans une nouvelle concession BMW installée au centre de Johannesburg. L’entreprise est uniquement contrôlée par des managers noirs. La concession a été récemment rachetée et Priscilla ne cache pas que la plupart des Blancs «n’ont pas eu envie de continuer avec les nouveaux patrons».

«Les Sud-Africains ont une remarquable capacité d’adaptation, mais ça ne veut pas dire qu’il n’y a pas de frustration. Il est plus dur d’abandonner le pouvoir que de le gagner, et les Afrikaners sont ceux qui ont dû le plus changer», écrivait récemment l’ancien journaliste Max Du Preez dans les colonnes du quotidien The Star. Les Afrikaners, descendants des colons hollandais débarqués au Cap il y a trois siècles, représentent en effet 60% des blancs sud-africains.

Chaque année une centaine d’entre eux commémore la bataille de Blood river où, en 1838, un groupe de fermiers afrikaners parvenait à repousser une attaque de 10 000 guerriers zoulous. «Un signe de Dieu», selon eux.

Les extrêmes semblent pourtant avoir été écartés avec succès de la scène politique. Eugene Terreblanche, le leader du parti extrémiste AWB, qui haranguait ses supporters en uniforme kaki, est en prison. Et plusieurs extrémistes accusés d’avoir préparé des attentats contre le gouvernement noir sont actuellement en procès à Pretoria.

Questions sur l’identité des Blancs

Le débat sur l’identité des Blancs en Afrique du Sud semble avoir pris le dessus, du moins en public. Récemment l’exposition d’une jeune photographe à Johannesburg, sur le concept de «whiteness» (blancheur) a connu un succès important, et les débats sur l’identité des «Africains du Sud» sont courants sur les ondes de la radio nationale.

Pour Liese Van der Watt, chercheuse à l’université du Cap, il existe une «crise des Blancs» et l’explosion de nouvelles formes d’art et d’évènements culturels, démontrent, selon elle, une «anxiété». «Beaucoup de gens ont effectué une sorte d’émigration psychologique», explique-t-elle dans une interview accordée à un hebdomadaire sud-africain.

Une anxiété également due à un sentiment d’insécurité lié à la criminalité. «En 1999, on a décidé de partir après un vol à main armé chez nous particulièrement traumatisant», explique Colleen, «finalement on est restés, et c’est tant mieux, je suis fière de mon pays, même si ce sentiment d’insécurité colle à la peau», confie-t-elle.

Malgré cela, beaucoup de Sud-Africains partis travailler à l’étranger, commencent également à revenir. Angel Jones, qui est récemment revenue au pays a même créé un site internet pour aider ceux qui veulent rentrer. «L’Afrique du Sud est toujours une terre d’opportunités, ce n’est pas parfait, mais il ne tient qu’à nous d’aider à la transformation du pays», explique-t-elle.

par Stéphanie  Savariaud

Article publié le 14/04/2004 Dernière mise à jour le 14/04/2004 à 17:56 TU