Afrique du Sud
Pas de miracle économique
(Photo: AFP)
Entre 1994 et 2002, plus d’un million de nouvelles maisons en brique ont été construites en Afrique du Sud. En 2003, plus de 26 millions de Sud-africains avaient accès à l’eau potable, et le gouvernement a fourni de l’électricité à 70% des foyers, dont beaucoup dépendaient jusque là de la paraffine pour se chauffer et cuisiner.
Outre ces services, le gouvernement sud-africain a, ces dernières années, permis aux employés de maison de toucher le chômage et d’être ainsi moins vulnérables. Il accordé des allocations aux grands-mères qui se retrouvent souvent avec plusieurs enfants à charge et établi un salaire minimum.
Voilà pour la théorie, mais dans la pratique, le chômage dépasse les 40% et beaucoup de ménages n’ont pas les moyens de payer la facture d’eau ou d’électricité.
"J’ai été licencié le mois dernier, cela faisait sept ans que je travaillais dans l’entreprise", se plaint Selby Tshepe, qui habite dans le township d’Alexandra en banlieue de Johannesburg. Selby a été victime d’un licenciement économique, à la suite du rachat de l’entreprise qui fabrique des composants électroniques. "C’est vrai que mon salaire avait augmenté, mais l’école, les frais médicaux, tout cela plombe n’importe quel salaire", dit Selby qui gagnait environ 2400 rands par mois (310 euros) après impôts.
«Mes enfants ne trouvent pas de travail»
"Mes deux enfants ont 23 et 26 ans, ils ont eu leur matric (baccalauréat) mais ne trouvent pas de travail", regrette Margaret, sur le perron de sa petite maison en brique à l’entrée d’Alexandra et qui est au chômage depuis l’année dernière, après la fermeture du supermarché dans lequel elle travaillait.
A Soweto, dans une rue du quartier de Phiri, beaucoup d’habitants ont, ces dernières années, perdu leur travail, en raison, disent-ils, du rachat de l’entreprise dans laquelle ils travaillaient. Sous l’égide du Forum antiprivatisation (APF), beaucoup refusent d’avoir un compteur d’eau installé dans leur jardin. "Ils disent qu’ils vont donner 6 000 litres d’eau gratuits et ensuite c’est payant. Si on paie pas, on vous coupe le robinet, et tout ça sans nous demander notre avis", tonne Ephraim, au milieu de bassines d’eau utilisées pour nettoyer le linge. Sous l’apartheid, le gouvernement avait abandonné les représailles contre ceux qui ne payaient pas l’eau à Soweto, la rendant de facto gratuite.
«Les gens attendent des miracles du gouvernement»
Trevor Ngwane, à la tête de l’APF, est un ancien membre de l’ANC, et publiquement opposé à la politique néo-libérale choisie par le gouvernement sud-africain. Il estime que le parti "a trahi ses idéaux, et en même temps les plus pauvres". "Le problème c’est que les gens attendent des miracles de la part du gouvernement", se plaint Moabi Maropeng, membre de l’ANC. "En 1994, certains ont pensé qu’ils allaient devenir riches du jour au lendemain. On ne peut pas attendre en se croisant les bras", poursuit-il.
L’ANC explique avoir hérité d’une économie au bord du gouffre en 1994 et se félicite d’avoir ramené le déficit budgétaire de 8,6% à 3%. Mais la politique de black empowerment qui consiste à promouvoir les noirs dans l’économie sud-africaine, a pour l’instant uniquement profité à une minorité.
"L’économie sud-africaine fonctionne comme un bus à deux étages, ceux d’en haut ont des qualifications, ceux d’en bas n’en ont pas" écrit le journaliste Allister Sparks dans son livre sur l’Afrique du Sud, intitulé "Au-delà du miracle", et de proposer une politique de grands travaux à la Roosevelt, estimant que l’économie de libre-marché à elle seule ne peut pas résoudre les injustices.
Le gouvernement a récemment annoncé l’extension d’une politique de grands travaux, en promettant la création d’un million d’emplois sur cinq ans, soit un investissement de deux milliards d’euros. "Ce n’est pas d’assez grande ampleur, mais cela va dans la bonne direction", commente Sparks pour qui une telle politique serait certes du court terme, mais permettrait au moins de "renforcer l’unité familiale, avec des enfants qui voient leurs parents aller au travail, et d’acquérir des qualifications".
par Stéphanie Savariaud
Article publié le 13/04/2004 Dernière mise à jour le 14/04/2004 à 09:06 TU