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Terrorisme

Abou Moussab al-Zarqaoui, l’homme à abattre

La tête du Jordanien Abou Moussab al-Zarkaoui vaut dix millions de dollars pour l'administration américaine. 

		(Photo : AFP)
La tête du Jordanien Abou Moussab al-Zarkaoui vaut dix millions de dollars pour l'administration américaine.
(Photo : AFP)
Qui est Abou Moussab al-Zarkaoui ? L’homme semble occuper depuis quelques mois déjà une place prépondérante dans la liste des terroristes les plus recherchés de la planète. L’administration américaine, qui a mis sa tête à prix dix millions de dollars, le considère comme le commanditaire des principaux attentats qui ont ensanglanté l’Irak depuis la chute du régime de Saddam Hussein. Ce Jordanien de 38 ans, qui aurait perdu une jambe dans un bombardement en Afghanistan, semble avoir un don d’ubiquité puisque son nom est cité dans la plupart des attentats islamistes de ces derniers mois, que ce soit en Irak, en Espagne, au Maroc ou en Turquie. La Jordanie, qui affirme avoir déjoué fin mars un attentat à l’arme chimique qui selon elle aurait pu faire 80 000 morts –une cellule d’al-Qaïda aurait été démantelée à Amman–, accuse al-Zarkaoui d’avoir financé cette opération.

Faute d’avoir pu mettre la main sur le numéro 1 d’al-Qaïda, le milliardaire saoudien Oussama ben Laden, ou sur le cerveau de cette nébuleuse islamiste, l’Egyptien Ayman al-Zawahiri, l’administration américaine semble s’être trouvée un nouvel ennemi en la personne d’Abou Moussab al-Zarkaoui. Le nom de ce Jordanien, aujourd’hui âgé de 38 ans, a été révélé pour la première fois au grand public en février 2003 à la tribune des Nations unies. Dans son réquisitoire contre le régime de Bagdad, le secrétaire d’Etat américain, Colin Powell, affirmait en effet que l’homme était le chaînon entre le réseau d’Oussama ben Laden et Saddam Hussein. Et selon lui, cette information pouvait à elle seule justifier une offensive contre l’Irak devenue dans sa brillante démonstration la nouvelle plaque tournante du terrorisme international. Depuis, le cours de l’histoire a rétabli quelques vérités. Et si les armes de destruction massive de Saddam Hussein n’ont toujours pas été découvertes, aucun lien entre le régime de Bagdad et la nébuleuse d’al-Qaïda n’a non plus pu être établi.

La popularité d’Abou Moussab al-Zarkaoui s’est, elle, en revanche accrue au fil des mois. Cette situation n’est d’ailleurs en rien due au hasard dans la mesure où elle a été soigneusement orchestrée par les autorités américaines qui, en mettant à prix dix millions de dollars la tête de ce Jordanien, ont vraisemblablement décidé d’en faire le nouvel ennemi public numéro 1. Son nom est en outre fréquemment cité par l’administration Bush qui l’accuse ouvertement d’être derrière les troubles en Irak. Il serait notamment derrière les attaques suicide contre les forces de la coalition, contre le quartier général des Nations unies à Bagdad et aussi contre les cibles chiites qui ont coûté en mars la vie à des centaines de personnes dans la capitale irakienne et dans la ville sainte de Kerbala. Plus récemment, la coalition a assuré qu’il était derrière l’insurrection de Falloujah.

Preuve ultime pour Washington de l’implication d’Abou Moussab al-Zarkaoui dans les violences en Irak, la découverte par les forces de la coalition d’un document de dix-sept pages dans lequel le Jordanien détaillerait sa stratégie pour ce pays. Dans ce texte, révélé en février dernier par l’administrateur américain Paul Bremer, le Jordanien appellerait ses partisans à tout faire pour provoquer une guerre civile entre chiites et sunnites et créer une situation de chaos qui pousserait les forces d’occupation hors d’Irak. Ce document n’a jamais été authentifié et de nombreux spécialistes du renseignement ont mis en doute son origine estimant qu’il était rare qu’un terroriste poursuivi par toutes les polices du monde prenne le temps de coucher sur le papier ses projets.

Un parcours classique qui passe par l’Afghanistan

Mais à en croire les autorités américaines, les activités d’Abou Moussab al-Zarkaoui ne se limitent pas au seul territoire irakien. Son nom est cité dans les attaques terroristes de Casablanca et d’Istanbul l’année dernière. Plus récemment, son implication dans les attentats du 11 mars à Madrid a été évoquée. Le Jordanien n’est sans doute pas partout où l’on croit déceler sa trace mais une chose est sûre: il est devenu en quelques mois le symbole d’une nouvelle génération de terroristes «post-11 septembre».Comme leurs aînés, ils ont fait leurs armes en Afghanistan mais sur le tard vers la fin des années 80. Ils y ont suivi un entraînement guerrier et certains d’entre eux y ont appris le maniement des armes chimiques et bactériologiques.

Comme beaucoup de vétérans d’Afghanistan, Abou Moussab al-Zarkaoui est rentré dans son pays après le départ des Soviétiques. Le climat de suspicion qui entourait alors en Jordanie tous les «Afghans» n’est sans doute pas étranger à son incarcération en 1992. Il y passera sept années et n’en ressortira qu’à la faveur d’une amnistie générale. A sa sortie de prison, le Jordanien, alors âgé de 33 ans, semble s’être trouvé un nouvel ennemi et part à la recherche de moyens pour renverser le royaume hachémite accusé de trahir l’islam. Ses premiers contacts avec la nébuleuse d’Oussama ben Laden dateraient de cette époque. L’homme fuit la Jordanie en 1999 peu avant le démantèlement d’une cellule d’al-Qaïda par les autorités jordaniennes. Il est condamné par contumace quelques mois plus tard à 15 ans de prison au terme du procès des 28 membres de cette cellule.

Recherché, le Jordanien trouve refuge dans l’Afghanistan des Taliban où il dirige un camp d’entraînement près de la ville d’Herat à la frontière iranienne. Durant la campagne menée par les Américains contre le régime du mollah Omar, il est blessé à la jambe et à l’abdomen à la suite d’un tir de missile. Les services de renseignements américains affirment qu’il a été amputé d’une jambe et soigné à Bagdad. Une information qui aujourd’hui semble des plus incertaines comme l’a été celle de ses liens présumés avec le régime de Saddam Hussein. Abou Moussab al-Zarkaoui, qui a été récemment condamné à mort par contumace en Jordanie pour son implication présumée dans le meurtre en 2002 d’un diplomate américain, serait aujourd’hui en Irak où il dirigerait la résistance sunnite. Mais là encore, il n’y a aucune certitude. Une chose est en revanche sûre: il est devenu aujourd’hui l’homme à abattre pour les Américains.



par Mounia  Daoudi

Article publié le 27/04/2004 Dernière mise à jour le 14/10/2004 à 15:25 TU