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Irak

La menace vient de l’extérieur selon les Américains

Après avoir nié l’existence d’une résistance irakienne, puis reconnu qu’une guérilla désorganisée, formée essentiellement de fidèles de l’ancien régime, tentait de s’opposer aux forces de la coalition, les Américains admettent aujourd’hui que des centaines de terroristes se sont infiltrés en Irak ces dernières semaines. Alors que la situation sécuritaire est de plus en plus préoccupante, la coalition américano-britannique doit désormais également faire face à un regain de tensions ethniques et religieuses. Au nord des affrontements entre Turcomans et Kurdes ont fait 13 morts en 48 heures et à Nadjaf dans le centre du pays un attentat dirigé contre un dignitaire chiite a coûté la vie à 3 personnes.
Visiblement préoccupé par la dégradation de la situation sécuritaire en Irak, le président américain George Bush, qui avait pourtant annoncé la fin des opérations militaires le 1er mai dernier, a mis l’accent samedi, dans son allocution radiodiffusée hebdomadaire, sur le terrorisme international. Il a en effet estimé que l’Irak constituait désormais un «front essentiel dans la guerre antiterroriste» que mènent les Etats-Unis à travers le monde. Cette préoccupation, due essentiellement à la multiplication des actes de sabotages contre les forces de la coalition, a largement été partagée par l’administrateur américain en Irak, Paul Bremer. Ce dernier a en effet concédé que les troupes américano-britanniques devaient désormais affronter trois niveaux d’insécurité en Irak. Le premier est en relation directe avec l’infiltration de terroristes «venus de l’étranger». L’administrateur américain a chiffré à «plusieurs centaines» le nombre de ces activistes ayant réussi à pénétrer en Irak depuis la chute du régime de Saddam Hussein en avril.

Paul Bremer s’est également déclaré très préoccupé par les attaques quasi-quotidiennes dirigées contre les troupes américano-britanniques. Ces attaques imputées aux forces fidèles à l’ancien régime ont coûté la vie à quelque 64 soldats américains et à une dizaine de militaires britanniques. Le commandement américain avait récemment reconnu que si le nombre de ces attaques s’était stabilisé à 12 ou 15 par jour, ces dernières étaient devenues beaucoup plus ciblées et donc plus meurtrières. La coalition doit également faire face à un troisième niveau d’insécurité qui concerne les actes de sabotages à l’égard des infrastructures du pays. La semaine dernière deux explosions ont sérieusement endommagé, trois jours après sa mise en service, l’oléoduc qui achemine le pétrole irakien vers le port turc de Ceyhan, sur la Méditerranée. Un acte de sabotage a en outre détruit une canalisation à Bagdad, privant quelque 300 000 personnes d’eau potable. Ces attaques sont sans doute les plus déstabilisatrices pour la coalition dans la mesure où elles sont la preuve de l’incapacité des forces d’occupation à garantir la sécurité et encore moins à travailler à la reconstruction du pays.

Dans ce contexte, les déclarations du général Richard Myers sonnent comme un désaveu pour la stratégie américaine en Irak. Le chef d’état-major interarmes a en effet reconnu que les forces américaines sur place étaient «plutôt maigres». «Nous sommes plutôt maigres mais nous avons des troupes supplémentaires à envoyer en Irak», a-t-il déclaré tout en admettant que le général Abizaïd qui commande les soldats américains en Irak «n’a à ce jour pas fait de demande» dans ce sens. Cette déclaration du général Myers laisse présager des tensions au sein du Pentagone où le secrétaire à la Défense s’est déclaré en faveur d’une force plus efficace mais pas plus nombreuse en Irak. De nombreuses voix se sont élevées ces derniers jours au Congrès, au lendemain de l’attentat meurtrier contre le siège des Nations unies à Bagdad, pour réclamer un renforcement du contingent déployé en Irak alors que Donald Rumsfeld reste convaincu, lui, qu’aucun renfort n’est nécessaire.

Regain de tensions ethniques et religieuses

La dégradation de la situation sécuritaire en Irak et surtout la menace terroriste brandie par Paul Bremer ont contraint le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) à réduire de moitié la présence de son personnel expatrié en Irak. «Nous avons reçu plusieurs avertissements disant que nous sommes une cible probable et nous avons décidé à contre-cœur de ne garder qu’une cinquantaine d’expatriés en Irak et 700 employés locaux», a déclaré un porte-parole de cette organisation. Les Nations unies durement frappées par l’attentat qui a coûté la semaine dernière la vie à une vingtaine de personnes, dont le représentant spécial en Irak, Sergio Vieira de Mello, ne fonctionnent qu’avec 50% de leur personnel expatrié. L’organisation internationale a annoncé avoir trouvé «de nouveaux locaux» dans la capitale irakienne et affirme vouloir poursuivre sa mission.

La présence des organismes internationaux est plus que jamais souhaitée en Irak où de nouvelles tensions ethniques et religieuses sont apparues ces derniers jours. Au sud, trois personnes ont été tuées dimanche à Nadjaf dans un attentat dirigé contre un haut dignitaire chiite. Des milliers de personnes ont assisté lundi aux obsèques des deux gardes du corps et du chauffeur de l’ayatollah Mohammad Saïd al-Hakim, lui-même légèrement blessé. Certains dignitaires religieux ont accusé un groupe de chiites hostile à la présence américaine en Irak d’être à l’origine de cette attaque. Les luttes de pouvoir entre les chiites, qui représentent la plus forte communauté religieuse en Irak, sont cruciales pour l’avenir politique du pays.

Dans le nord, des affrontements entre Kurdes et Turcomans ont par ailleurs coûté la vie à 13 personnes en 48 heures. Ces manifestations ont rouvert les plaies de décennies de rivalités entre ces deux ethnies et risquent d’être à l’origine d’un nouveau front dans un pays déjà ravagé par l’insécurité et en proie à l’anarchie et aux actes de guérilla.




par Mounia  Daoudi

Article publié le 25/08/2003