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Guinée

Démission du Premier ministre

Le Premier ministre guinéen, François Louséni Fall a démissionné. 

		(Photo : AFP)
Le Premier ministre guinéen, François Louséni Fall a démissionné.
(Photo : AFP)
François Louséni Fall, a présenté sa démission du poste de Premier ministre qu’il occupait depuis le 23 février dernier. Il a profité d’une visite officielle en France pour annoncer la nouvelle.

En remplacement de Lamine Sidimé, le 23 février dernier, François Fall, le ministre des Affaires étrangères a été porté à la tête du gouvernement qui inaugure le nouveau septennat du président Lansana Conté, au pouvoir depuis 1984. Nommé en même temps que les ministres du nouveau gouvernement, le nouveau Premier ministre avait légitimement craint pour son autorité à la tête d’une équipe qu’il découvre comme tous les Guinéens. Il insiste auprès du président de la République pour procéder à quelques réaménagements à son goût. Deux moutures du gouvernement ont fini par donner une équipe de consensus entre le président de la République et lui.

Mais François Fall n’est pas chef du gouvernement. La constitution de la République de Guinée ne prévoit pas ce poste et précise la nature d’un régime présidentiel intégral. C’est pourquoi le Premier ministre n’a pas cru devoir faire un discours de politique générale, se contentant plutôt d’annoncer les grands chantiers auxquels il voulait s’attaquer. D’abord, ramener la Guinée sur la scène internationale où elle n’était plus en odeur de sainteté. Il voulait jouer de son carnet d’adresse constituée pendant sa longue carrière de diplomate. Premier couac! Le président ne semble pas percevoir l’avantage d’une bonne opinion de la communauté internationale et succombe aux arguments d’un carré de fidèles qui rallument la flamme nationaliste et patriotique en refusant «le diktat de Bruxelles et de l’Union européenne». Ils conseillent, contre l’avis du Premier ministre, au président de la République de se passer de l’aide de l’Union européenne qui est forcément «liée» au profit de nouveau partenariat en négociation avec les Russes pour l’exploitation des minerais guinéens.

François Fall en prend un coup, mais persiste dans l’envie de changer quelque chose. Puis apparaît un dossier dont les tenants et aboutissants lui échappent totalement. Le ministère de la Sécurité gère directement avec la présidence de la République une affaire de «dîner subversif» dans laquelle seraient impliquer les cadres de l’Union des forces républicaines (UFR), parti d’opposition d’un ancien Premier ministre Sidya Touré. «Dès le départ de cette affaire j’ai marqué ma différence avec le ministre de la Sécurité», précise François Fall. Il perçoit alors mieux le rôle qui lui est dévolu: servir de faire valoir. Il a alors fait le choix de ne pas être uniquement le béni-oui-oui du président de la République en posant un acte jamais vu dans la politique guinéenne, démissionner.

«La preuve est faite q’il est impossible de travailler avec Lansana Conté»

La conférence de l’Autorité du bassin du (fleuve) Niger a Paris, les 26 et 27 avril, a servi de prétexte au Premier ministre François Fall pour sortir de Guinée et présenter sa démission au président de la République. Dans une lettre datée du 24 avril il a notamment précisé qu’il lui était impossible de poursuivre sa mission. «Le président bloque tout, j’ai donc choisi de partir», a-t-il déclaré. Un air de soulagement est perceptible lorsque «l’ancien» Premier ministre de Guinée énumère les points litigieux qui bloquent l’action du gouvernement. «Pratiques anachroniques, manque de dialogue entre membres du gouvernement, tant avec les acteurs politiques nationaux qu’avec les partenaires internationaux» constituent à ses yeux un réel problème de gouvernance dont il ne veut pas se faire complice et pourtant il a été ministre des Affaires étrangères dans le précédent gouvernement.

Les habitudes présidentielles ne devaient pas lui être étrangères, mais François Fall s’était fait le pari d’être l’homme du changement, même avec Lansana Conté, toujours à la tête du pays. «La preuve est faite qu’il est impossible de travailler Lansana Conté, et tous ceux qui persistent à soutenir le contraire l’apprennent à leurs dépens», déclare Mamadou Bâ, leader de l’Union des forces démocratiques de Guinée (UFDG). Il dit néanmoins sa déception face à cette démission surprise parce que «c’est le seul au sein de ce gouvernement avec qui on peut encore discuter», a-t-il ajouté. «Surprise» est également le mot utilisé par Jean-Marie Doré, le président de l’Union pour le progrès de la Guinée (UPG). «Nous sommes dans la logique du fonctionnement du régime qui ne pouvait que déboucher sur un clash», poursuit Jean-Marie Doré qui annonce une réunion des grands partis d’opposition, dès le lundi 3 mai.

De Paris, le Rassemblement du peuple de Guinée (RPG), d’Alpha Condé ne se dit pas surpris par la nouvelle. «Un homme digne ne peut continuer d’accepter les humiliations du président. D’autres ne l’ont pas fait lorsque notre leader avait été arrêté» précise Lansana Chérif Aïdara du secrétariat Europe du RPG, qui salue le courage de François Fall.

Le Premier ministre démissionnaire veut prendre le temps de réfléchir à son avenir, mais selon quelques indiscrétions il devrait se rappeler au bon souvenir du secrétaire général de l’ONU qui lui aurait promis, avant sa nomination, un poste dans les structures onusiennes.



par Didier  Samson

Article publié le 30/04/2004 Dernière mise à jour le 30/04/2004 à 16:49 TU