Guinée
Changement dans la continuité
Un nouveau Premier ministre et un gouvernement composé en trois volets différents marquent le démarrage d’un nouveau septennat du président Lansana Conté. Une trentaine de ministres composent la nouvelle équipe.
Le président Lansana Conté réélu en décembre dernier a mis deux mois pour prendre sa décision de remanier son gouvernement. Les rumeurs les plus folles ont couru les rues de Conakry et pendant toute cette période les clins d’œil se sont multipliés tout comme des appels du pied pour faire partie du cercle des proches ont choqué plus d’un citoyen. Béats devant l’attitude peu élégante de certains politiciens, les Guinéens avaient déjà composé leur gouvernement, assurés que la marge d’erreurs sera infime.
Le nom de François Fall, le ministre des Affaires étrangères, avait circulé mais sans conviction. Le président de la République a alors surpris son monde en prenant un décret le nommant Premier ministre le 23 février. Le même décret annonçait le limogeage du Premier ministre Lamine Sidimé assorti d’un léger remaniement ministériel. Certains portefeuilles ont changé de mains, mais le nouveau Premier ministre François Fall qui veut visiblement asseoir son autorité, a insisté auprès du président de la République pour réaménager l’équipe gouvernementale. Le «OK» de Lansana Conté, valorisant le Premier ministre, a néanmoins entraîné la première cacophonie à la tête de l’Etat.
Le célèbre ministre de l’Intérieur, Moussa Solano, lors du premier remaniement, celui du 23 février, avait hérité du portefeuille de la Fonction publique et devait prendre son service le 2 mars. Mais, entre temps, le 1er mars le nouveau Premier ministre François Fall apportait sa touche personnelle à la composition du gouvernement. Moussa Solano n’est plus ministre. Des cadres nouveaux apparaissent, comme Mady Kaba Kamara à l’Economie et aux Finances, ou à l’Industrie au Commerce et aux petites et moyennes entreprises Djénné Saran Camara. Le troisième wagon de nominations, le 8 mars, a finalement bouclé la liste du gouvernement à vingt-sept ministres. Moussa Sampil, le bouillant ministre de la Sécurité a été confirmé à son poste.
1998, 2003, les artisans de la victoire sont remerciés
En revanche, la mise à la retraite de Moussa Solano, a surpris plus d’un Guinéen. Mais les lendemains d’élection ont leurs lots de ressemblance qui n’étonnent plus. En 1998, après l’élection présidentielle, le président Lansana Conté avait remercié son ministre de l’Intérieur de l’époque, René Alcéni Gomez, qui a pourtant été le principal artisan de sa victoire. Interlocuteur avec l’opposition, organisateur des élections, c’est lui qui avait pris la décision d’annuler les résultats du vote des préfectures de Siguiri et de Kankan, là où Alpha Condé était donné archi vainqueur. Aujourd’hui l’histoire se répète avec Moussa Solano, ministre de l’Intérieur, interlocuteur au nom du gouvernement avec l’opposition dans le cadre du dialogue politique initié par le pouvoir. L’opposition qui avait suspendu sa participation audit dialogue en décidant par ailleurs de boycotter l’élection présidentielle. «Le blocage vient du ministre de l’Intérieur qui fait tout pour faire gagner le président sortant. Ce dialogue est un marché de dupes auquel nous refusons de participer» avait lancé l’opposition dans un communiqué commun. Dans ce cas aussi le président a été réélu mais le ministre a été déposé.
Par ailleurs, la confirmation à son poste du ministre de la Sécurité ressemble à une concession faite aux fidèles du président par François Fall pour obtenir une marge de manœuvre sur l’action gouvernementale. Alors que tout le monde attendait Fodé Soumah, vice-gouverneur de la Banque centrale de Guinée, argentier et parrain du Parti du président (PUP), à un ministère lié à l’Economie, aux Finances, à l’Industrie ou au Commerce, il a finalement atterri au ministère de la Jeunesse, des sports et de la culture. «Une pseudo-promotion» relevée par le Lynx, journal satirique de Conakry qui trouve que la touche apportée à l’équilibre des forces au sein du gouvernement ne donne pas plus de moyens au Premier ministre.
Enfin, l’opposition dans son ensemble, qui avait assuré ses militants de ne pas assister en «acteurs passifs» aux manipulations du pouvoir semble bien être en panne de stratégie. La dernière réunion publique à Paris, le 28 février dernier, animée par les leaders de l’opposition Jean-Marie Doré, Sidya Touré, Alpha Condé et Siradiou Diallo a laissé tous les invités sur leur soif. Le truculent Jean-Marie Doré, qui a monopolisé la parole pendant plus de deux heures, n’a rien dit de nouveaux que les invités ne savaient déjà. «Nous avons une stratégie commune de l’opposition unie pour combattre le pouvoir, mais nous ne pouvons la dévoiler ici» a-t-il lancé à l’assistance. En novembre dernier à Conakry la même phrase avait été servie aux militants pour les inviter à boycotter le scrutin présidentiel du 21 décembre 2003.
En attendant, François Fall prend ses marques et déjà dans les rangs de l’opposition on lorgne du côté de la primature. Aucun discours d’orientation générale n’est encore prononcée par le Premier ministre, mais on sait déjà qu’il veut faire de l’assainissement de l’économie nationale une priorité. Normal.
Composition du gouvernement guinéen (Source AFP)
- Premier ministre: François Loucéni Fall
- Secrétaire général du gouvernement: El-hadj Oury Baïlo Ba (nouveau)
Ministres:
- Economie et finances: Mady Kaba Kamara (nouveau)
- Enseignement supérieur et recherche scientifique: Sékou Décazy Camara (nouveau)
- Enseignement technique et formation professionnelle: Ibrahima Soumah (confirmé)
- Santé publique: Dr Amara Cissé (nouveau)
- Agriculture et élevage: Jean-Paul Sarr (confirmé)
- Coopération: El-hadj Thierno Habib Diallo (nouveau)
- Mines et géologie: Dr Alpha Mady Soumah (confirmé)
- Emploi et fonction publique: Alpha Ibrahima Kéira (nouveau)
- Environnement: Cheick Abdel Kader Sangaré (ex-ministre de la Jeunesse, des sports et de la culture)
- Jeunesse, sports et culture: Fodé Soumah (nouveau)
- Energie et hydraulique: Mme Dioubaté Hadja Fatoumata Binta Diallo (nouvelle)
- Tourisme, hôtellerie et artisanat: Mme Sylla Koumba Diakité (confirmée)
- Urbanisme et habitat: Ouo-Ouo Blaise Foromou (confirmé)
- Plan: Eugème Kamara (ex-ministre de l'Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique)
- Industrie, Commerce et Petites et moyennes entreprises: Dr Djénné Saran Camara (nouvelle)
Ministres nommés ou reconduits le 23 février
- Administration du territoire et de la Décentralisation: Kiridi Bangoura
- Affaires étrangères et Coopération: Mamadi Condé
- Information: Mme Hadja Aïssatou Bella Diallo
- Postes et Télécommunications: Jean-Claude Sultan
- Pêche et Aquaculture: Cellou Dalein Diallo
- Travaux publics: Bana Sidibé
- Transports: Aliou Condé
- Sécurité: Moussa Sampil
- Enseignement pré-universitaire: Galéma Guilavogui
- Justice, Garde des Sceaux: Mamadou Sylla
- Affaires sociales, Condition féminine et Enfance: Mme Hadja Mariama Aribot.
Le nom de François Fall, le ministre des Affaires étrangères, avait circulé mais sans conviction. Le président de la République a alors surpris son monde en prenant un décret le nommant Premier ministre le 23 février. Le même décret annonçait le limogeage du Premier ministre Lamine Sidimé assorti d’un léger remaniement ministériel. Certains portefeuilles ont changé de mains, mais le nouveau Premier ministre François Fall qui veut visiblement asseoir son autorité, a insisté auprès du président de la République pour réaménager l’équipe gouvernementale. Le «OK» de Lansana Conté, valorisant le Premier ministre, a néanmoins entraîné la première cacophonie à la tête de l’Etat.
Le célèbre ministre de l’Intérieur, Moussa Solano, lors du premier remaniement, celui du 23 février, avait hérité du portefeuille de la Fonction publique et devait prendre son service le 2 mars. Mais, entre temps, le 1er mars le nouveau Premier ministre François Fall apportait sa touche personnelle à la composition du gouvernement. Moussa Solano n’est plus ministre. Des cadres nouveaux apparaissent, comme Mady Kaba Kamara à l’Economie et aux Finances, ou à l’Industrie au Commerce et aux petites et moyennes entreprises Djénné Saran Camara. Le troisième wagon de nominations, le 8 mars, a finalement bouclé la liste du gouvernement à vingt-sept ministres. Moussa Sampil, le bouillant ministre de la Sécurité a été confirmé à son poste.
1998, 2003, les artisans de la victoire sont remerciés
En revanche, la mise à la retraite de Moussa Solano, a surpris plus d’un Guinéen. Mais les lendemains d’élection ont leurs lots de ressemblance qui n’étonnent plus. En 1998, après l’élection présidentielle, le président Lansana Conté avait remercié son ministre de l’Intérieur de l’époque, René Alcéni Gomez, qui a pourtant été le principal artisan de sa victoire. Interlocuteur avec l’opposition, organisateur des élections, c’est lui qui avait pris la décision d’annuler les résultats du vote des préfectures de Siguiri et de Kankan, là où Alpha Condé était donné archi vainqueur. Aujourd’hui l’histoire se répète avec Moussa Solano, ministre de l’Intérieur, interlocuteur au nom du gouvernement avec l’opposition dans le cadre du dialogue politique initié par le pouvoir. L’opposition qui avait suspendu sa participation audit dialogue en décidant par ailleurs de boycotter l’élection présidentielle. «Le blocage vient du ministre de l’Intérieur qui fait tout pour faire gagner le président sortant. Ce dialogue est un marché de dupes auquel nous refusons de participer» avait lancé l’opposition dans un communiqué commun. Dans ce cas aussi le président a été réélu mais le ministre a été déposé.
Par ailleurs, la confirmation à son poste du ministre de la Sécurité ressemble à une concession faite aux fidèles du président par François Fall pour obtenir une marge de manœuvre sur l’action gouvernementale. Alors que tout le monde attendait Fodé Soumah, vice-gouverneur de la Banque centrale de Guinée, argentier et parrain du Parti du président (PUP), à un ministère lié à l’Economie, aux Finances, à l’Industrie ou au Commerce, il a finalement atterri au ministère de la Jeunesse, des sports et de la culture. «Une pseudo-promotion» relevée par le Lynx, journal satirique de Conakry qui trouve que la touche apportée à l’équilibre des forces au sein du gouvernement ne donne pas plus de moyens au Premier ministre.
Enfin, l’opposition dans son ensemble, qui avait assuré ses militants de ne pas assister en «acteurs passifs» aux manipulations du pouvoir semble bien être en panne de stratégie. La dernière réunion publique à Paris, le 28 février dernier, animée par les leaders de l’opposition Jean-Marie Doré, Sidya Touré, Alpha Condé et Siradiou Diallo a laissé tous les invités sur leur soif. Le truculent Jean-Marie Doré, qui a monopolisé la parole pendant plus de deux heures, n’a rien dit de nouveaux que les invités ne savaient déjà. «Nous avons une stratégie commune de l’opposition unie pour combattre le pouvoir, mais nous ne pouvons la dévoiler ici» a-t-il lancé à l’assistance. En novembre dernier à Conakry la même phrase avait été servie aux militants pour les inviter à boycotter le scrutin présidentiel du 21 décembre 2003.
En attendant, François Fall prend ses marques et déjà dans les rangs de l’opposition on lorgne du côté de la primature. Aucun discours d’orientation générale n’est encore prononcée par le Premier ministre, mais on sait déjà qu’il veut faire de l’assainissement de l’économie nationale une priorité. Normal.
Composition du gouvernement guinéen (Source AFP)
- Premier ministre: François Loucéni Fall
- Secrétaire général du gouvernement: El-hadj Oury Baïlo Ba (nouveau)
Ministres:
- Economie et finances: Mady Kaba Kamara (nouveau)
- Enseignement supérieur et recherche scientifique: Sékou Décazy Camara (nouveau)
- Enseignement technique et formation professionnelle: Ibrahima Soumah (confirmé)
- Santé publique: Dr Amara Cissé (nouveau)
- Agriculture et élevage: Jean-Paul Sarr (confirmé)
- Coopération: El-hadj Thierno Habib Diallo (nouveau)
- Mines et géologie: Dr Alpha Mady Soumah (confirmé)
- Emploi et fonction publique: Alpha Ibrahima Kéira (nouveau)
- Environnement: Cheick Abdel Kader Sangaré (ex-ministre de la Jeunesse, des sports et de la culture)
- Jeunesse, sports et culture: Fodé Soumah (nouveau)
- Energie et hydraulique: Mme Dioubaté Hadja Fatoumata Binta Diallo (nouvelle)
- Tourisme, hôtellerie et artisanat: Mme Sylla Koumba Diakité (confirmée)
- Urbanisme et habitat: Ouo-Ouo Blaise Foromou (confirmé)
- Plan: Eugème Kamara (ex-ministre de l'Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique)
- Industrie, Commerce et Petites et moyennes entreprises: Dr Djénné Saran Camara (nouvelle)
Ministres nommés ou reconduits le 23 février
- Administration du territoire et de la Décentralisation: Kiridi Bangoura
- Affaires étrangères et Coopération: Mamadi Condé
- Information: Mme Hadja Aïssatou Bella Diallo
- Postes et Télécommunications: Jean-Claude Sultan
- Pêche et Aquaculture: Cellou Dalein Diallo
- Travaux publics: Bana Sidibé
- Transports: Aliou Condé
- Sécurité: Moussa Sampil
- Enseignement pré-universitaire: Galéma Guilavogui
- Justice, Garde des Sceaux: Mamadou Sylla
- Affaires sociales, Condition féminine et Enfance: Mme Hadja Mariama Aribot.
par Didier Samson
Article publié le 11/03/2004
