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Guinée

Libérés sans explication

A quelques jours de l’élection présidentielle boycottée par la quasi-totalité des partis politiques d’opposition, le gouvernement guinéen veut apaiser le climat politique en procédant à la libération de nombreux militaires arrêtés depuis le 26 novembre dernier.

Après des semaines d’incarcération plusieurs militaires arrêtés fin novembre ont été libérés le 16 décembre. Les autorités politiques, judiciaires et policières n’ont pas fourni plus d’explications à leur libération qu’elles n’en ont données lors des arrestations. Quelques rares indiscrétions faisaient état de «vérification». Dans la capitale guinéenne, les rumeurs les plus folles ont circulé sur les tentatives de coup d’Etat en préparation, d’autant que nombre de militaires appréhendés viennent pour la plupart de la sécurité présidentielle.

L’arrestation du commandant Ali Camara, commandant–adjoint de la Brigade automne de la sécurité présidentielle et du lieutenant Alpha Ousmane Diallo, membre de la garde présidentielle et surtout fils d’El Hadj Biro Diallo, ancien président de l’Assemblée nationale, passé dans l’opposition, a servi d’argument aux partisans du pouvoir pour crier au complot. Il est aussi vrai que de nombreux opposants politiques qui soutiennent l’idée du boycott de l’élection présidentielle, n’ont pas exclu la solution militaire qui renverrait chaque partie dos à dos. Le mérite de cette ultime solution serait, selon ceux qui la soutiennent, d’introduire une période transitoire pour la «refondation de la République».

Dénonciations calomnieuses

Pour l’opposition la suite logique des événements aurait été «quelques arrestations» effectuées dans leurs rangs. De nombreux leaders politiques s’attendaient même à être appréhendés et libérés comme l’a été Jean-Marie Doré, président de l’Union pour le progrès de la Guinée (UPG) deux semaines plus tôt. Le silence du pouvoir, ignorant dans cette affaire l’opposition, a quelque peu troublé le milieu des opposants qui aurait paradoxalement tiré un certain bénéfice de quelques interpellations, avant la date du scrutin pour conforter l’idée du boycott des urnes, le 21 décembre prochain.

Mais le pouvoir, qui a habitué la classe politique à plus de brutalité, a surpris tout le monde par sa prudence et le mutisme autour des arrestations des militaires. L’Organisation guinéenne de défense des droits de l’homme (OGDH), saisie par les familles et exprimant son inquiétude a contribué à mettre sous les feux des projecteurs cette nouvelle affaire à quelques jours de l’élection présidentielle. C’est pourquoi, très rapidement, les autorités guinéennes ont désigné une commission d’enquête dont l’OGDH a publié la liste nominative. Cette organisation se félicite aujourd’hui du premier travail effectué et qui a conduit à la libération de nombreux militaires appréhendés. Les premières investigations de cette commission auraient, selon l’OGDH, conclu à «une dénonciation calomnieuse d’un soldat membre de la sécurité présidentielle, exclu de ce corps pour mauvais comportements». Il se serait alors vengé de sa hiérarchie en profitant d’un contexte favorable pour lui nuire.

Le complot déjoué de coup d’Etat en Guinée n’aurait, pour l’instant, aucun fondement. Mais la libération des militaires a aussi fait suite à un réel souci d’apaiser les tensions nées dans les casernes de Conakry, où les soldats manifestaient de plus en plus d’impatience à savoir ce qui est réellement reproché à leurs frères d’armes.



par Didier  Samson

Article publié le 17/12/2003