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Guinée

Les réfugiés s’installent dans la durée

Les guerres déclenchées au Liberia en 1989 et en Sierra Leone en 1991 ont contraint à l’exil des milliers de femmes, d’enfants et d’hommes qui ont trouvé dans les pays limitrophes une terre d’accueil. La rébellion en Côte d’Ivoire a réduit l’espace d’accueil de ces personnes en quête de paix et de sécurité qui pour la plupart ont trouvé refuge en Guinée.
C’est en 1990 que le Haut commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) a installé des bureaux en Guinée pour venir en aide à plus d’un million de personnes qui erraient entre la Sierra Leone et le Liberia. Outre l’accueil dans des familles cousines du fait du partage des mêmes langues, des us et coutumes, la capacité d’accueil des villes et villages de Guinée a très vite été mise à mal par l’afflux des réfugiés. Sur une ligne Dabola-Kissidougou-Nzérékoré, le HCR a installé sept camps de réfugiés qui ne prennent pas en compte des camps de transit. De nombreux camps de transit sont aujourd’hui récupérés par des organisations non gouvernementales qui y développent des programmes agroalimentaires.

Pour avoir un droit de regard sur l’arrivée massive de ces victimes de la guerre, le gouvernement guinéen a créé une structure interministérielle appelée le «BCR», Bureau national pour la coordination des réfugiés. Une étroite collaboration entre le HCR et le BCR a été instaurée et chaque organisation a une compétence bien précise. Accueil, recensement identification sont par exemple confiés au BCR qui réalise ainsi une enquête préliminaire sur le réfugié. La logistique et toutes les infrastructures d’accueil incombent au HCR qui garantit au réfugié le minimum vital.


Le provisoire qui dure

A Conakry ou à Kissidougou, le HCR a déployé d’énormes moyens pour installer son personnel. Les bureaux à Conakry ressemblent curieusement à un bunker derrière lequel sont retranchés des employés humanitaires. Plusieurs niveaux de contrôle et de filtrage participent à la lourdeur de diffusion des informations que recherchent enquêteurs et autres journalistes. Ajouter à ces menues difficultés, le labyrinthe à emprunter au niveau des différentes instances du BCR pour obtenir l’autorisation de visiter les camps et on découvre que les organisations humanitaires à force de protéger autrui ont développé inconsciemment un réflexe d’autoprotection. Une méfiance non justifiée qui contraste avec un discours politique des autorités locales et préfectorales qui demandent justement plus d’ouverture et de communication pour faire connaître l’hospitalité guinéenne qui, de plus en plus, pèse sur les capacités réelles du pays à décemment accueillir tous les réfugiés qui se pressent à ses frontières.

Dans la sous-préfecture d’Albadariah, trois camps de réfugiés ont été installés : Boréah, Kountayah et Télikoro, du nom des villages à proximité desquels les camps ont été érigés. Pour gérer ces camps les organisations humanitaires choisissent d’implanter leurs infrastructures dans la préfecture, en l’occurrence ici à Kissidougou. Des groupes électrogènes pour l’alimentation électrique permanente, réseaux parallèles de télécommunication, distribution de carburant, communication interne par des fréquences radio dédiées, tout est mis en œuvre pour assurer à aux organisations internationales humanitaires une autonomie entière et totale. Par ailleurs, la force de l’implantation des organisations humanitaires laisse à tout visiteur un sentiment de durabilité. Les installations semblent pérennes, alors que la réussite de leurs missions se trouve dans l’auto sabordage. Ce paradoxe est aussi manifeste dans les camps où les réfugiés émettent à moins de 10% le souhait de retourner dans leur pays. Ils se complaisent dans le provisoire qui dure et créent aujourd’hui des villages bis.

Prochain article : «A l’intérieur des camps»





par Didier  Samson

Article publié le 02/12/2003